Les assises, le retour... N’est-il pas déjà trop tard ? Cela fait bien longtemps déjà que les diplomates ont dit qu’elles étaient la dernière chance, et encore plus longtemps que les rêves de nos enfants ont définitivement tourné au cauchemar. Après toutes les blessures que les deux camps se sont prodiguées, est-il encore permis d’espérer quelque chose de ces assises ? Peuvent-elles être autre chose qu’un grand échange de ressentiments ?
S’il est bien une constante et un point commun à l’ensemble des journalistes de ce site, c’est qu’ils ont toujours appelé à un dialogue sincère et inclusif. Un compromis nous a toujours paru incontournable, et nous avons désespéré lorsque Marc Ravalomanana a déserté la table des négociations et choisi la voix de la répression. Nous avons exprimé le même malaise lorsqu’Andry Rajoelina a à son tour choisi de se passer de la négociation.
Sommes nous encore plus bêtement têtus que les deux principaux protagonistes ? Toujours est-il que nous persistons à croire que la résolution d’une crise politique passe nécessairement par la case dialogue. Et effet Docteur Coué(1) ou non, nous estimons que, même aujourd’hui, le dialogue a quand même une petite chance de réussir. Et ce pour deux raisons principales.
État des forces sur le terrain
D’abord parce que chacun des deux camps a été tenté de passer par la force et a pu constater les limites de cette approche. Boucliers, gaz lacrymogènes et brouillage des ondes n’ont pas permis de casser les manifestations des partisans d’Andry Rajoelina. Au contraire, ces manoeuvres les ont radicalisés et rendus anarchiques, donc d’autant plus dangereux pour l’ordre public. Inversement, soldats du Capsat et tirs du mortiers ont choqué l’opinion publique et attiré l’ire de la Communauté Internationale. Et Andry Rajoelina ne peut ni ignorer ni réprimer les manifestants qui contestent quotidiennement à Ambohijatovo sa prise de pouvoir.
Chaque camp aujourd’hui peut mettre en avant sa présence sur le terrain : les manifestations de défense de la légalité peuvent se vanter d’attirer régulièrement des foules plus nombreuses que celles qui venaient grossir les dernières semaines l’audience d’Andry Rajoelina.
Mais ce dernier peut se prévaloir de la satisfaction de ceux qui constatent que, bien mieux que Marc Ravalomanana, il a réussi à circonscrire la violence et commencer à mettre un terme au délitement de la discipline. Les tas d’ordures régressent, les encombrements de circulation sont moins anarchiques, certains magasins pillés rouvrent, et les mots « Grande Braderie de Madagascar » font à nouveau penser à un événement commercial et non pas à la gestion des affaires de l’État. Reste à prévenir les jets de pierre de quelques (très) jeunes excités autour de la place du 13 mai, et à défendre de l’anarchie les terrains relevant du domaine de l’État.
Opinions à l’intérieur de chaque camp
Le second élément qui joue en faveur des assises est le constat que dans chaque camp, les frontières n’apparaissent pas toujours là où elles devraient être les plus nettes. Dans les arcanes du pouvoir, on a un Zafy Albert qui a exprimé son insatisfaction sur la prise en compte des actions des différentes composantes de l’ancienne opposition. Et au sein du Comité National de Coordination, on a du mal à se coordonner sur le rôle que pourront tenir le TIM et Marc Ravalomanana dans les prochains mois. Et ne parlons même pas de la question : que faire de Coutity ?
Inversement, parmi ceux qu’on appellera faute de mieux les manifestants d’Ambohijatovo, impossible de ne pas distinguer la bataille de leadership entre cadres du TIM et les autres, comme Alain Andriamiseza. Il y a ceux qui font diffuser les hymnes de campagne électorale de Marc Ravalomanana et ceux qui s’y opposent. Il y a ceux qui sont pro-TIM et ceux qui sont anti-TGV.
L’impression de devoir se garder de ses « amis » augmente l’incitation à discuter également avec ses « ennemis ». Et puis il y a les valeurs culturelles. On ne parlera peut-être pas à ce stade de fihavanana, mot par trop galvaudé, mais chez les malgaches, le goût pour les marchandages correspond aussi à une certaine conception de la convivialité.
Des sujets à débattre, il n’en manque pas. Les évêques catholiques, en constatant que la mission du FFKM était arrivée à son terme, ont par exemple listé toute une série de thèmes qui touchent à presque tous les aspects de la vie de la Nation : Constitution, Code électoral, Code de la Communication, équité économique, décentralisation...
Il sera impossible de tout effleurer en deux jours. Très vraisemblablement, les assises de la semaine prochaine aborderont uniquement les structures de la transition et son calendrier. Certains regretteront que le dialogue national commencera en parlant essentiellement de répartition de seza (fauteuils), mais il faut savoir sérier les sujets en fonction de l’urgence et de l’importance. En espérant que les autres sujets d’importance ne seront pas reportés sine die. Places de la Démocratie obligent.
Avouons-le, nous n’aimerions pas être à la place des organisateurs de ces assises. Les conditions que nous avons évoqué lors de l’échec des premières tentatives restent à être rassemblées. La sécurité de Marc Ravalomanana sera sans doute une autre condition pour peupler de manière crédible la table des assises. Mais en une semaine, beaucoup d’eau peut couler sous les ponts. Près de l’Ikopa, de la Mangoro et à proximité de la place de la Concorde, bien des recompositions surviendront sans doute.
Notes (1) La méthode Coué est une forme d’auto-motivation basée sur la répétition par le patient d’une idée.
Vos commentaires
Une simple remarque pour l’article :
pourquoi insérer le mot retour ??? vous parlez bien de l’assise et non d’une quelconque retour non ???
ah j’allais oublier : Monsieur le journaliste, sauf votre respect si discipline il y a, si pillage n’existe plus, ce n’est pas grâce à andry rajoelina que je sache non ?? ah si puisque ... il a arrêté son mouvement, il faut le remercier pour ça alors ???
clap clap
Même commentaire ... Je suis perplexe ... J’ai toujours apprécié vos analyses, Patrick ...
Pouvez vous préciser le
« il a réussi à circonscrire la violence et commencer à mettre un terme au délitement de la discipline. Les tas d’ordures régressent, les encombrements de circulation sont moins anarchiques certains magasins pillés rouvrent, ... » ???
Je vous serai reconnaissant d’éclaircir cet avis ... Avant que l’on ne puisse remettre en doute l’évolution de votre essentielle objectivité
Dans ce match de boxe, Ravalomanana-Rajoely, si on a assité à une victoire par chaos, c’est bien parce que les arbitres et commentateurs n’ont pas tenu leur rôle...
c’était Jacques Sylla qui a manigancé tout ça . c’est lui qui a dit au Présiden Marc Ravalomanana de ne pas venir mais ce n’est pas Marc Ravalomanana qui a refusé.
En vérité cétait andry qui a carrément refusé l’assise nationale !
mais quoiqu’il en soit les problèmes de ce monde est toujours résolus sur une table ronde.
fa mananraraotra koa aho e ! tsy avelan-dry Odon hilatsaka hono i andry sy ny namany e !
Izany no midika fa Odon no mpitantana an’i andry kely ary samia mailo fa OLON-KAFA ndray no harotsany eo tahaka ny namtahany ny vahoakan’ Antananarivo tam fifidianana ben’ny tanàna . Efa hatram 2002 ani eizao politika maloto izao no nokotrehina ! ary ao am saint Michel ap ry zareo no mikononkonona !
Effectivement l’interpretation des evenements par Patrick A laisse a desirer...
« réussi à circonscrire la violence » parce qu’il n’y a plus d’appel a piller les magasins Tiko, a detruire la TVM, a destabiliser le regime en place ?
« Mettre un terme sur le delitement de la discipline » parce que les mutins, maintenant chefs des armees, qui ont permis a tgv de faire pencher la balance de son cote n’ont plus de raison de prendre en otages leurs generaux dans la nouvelle donne ?
« Les tas d’ordures régressent » mais s’ammoncellent a la HAT...
« les encombrements de circulation sont moins anarchiques » peut etre y a t il moins de barrages et droits de passage des antis ?
Quant a « Grande Braderie de Madagascar », reparlons en dans deux mois lorsque l’on se demandera ou sont passes les pales reserves de la Banque Centrale. Mais en attendant, parlons du contrat de prospection petroliere signe avec Total le... 18 Mars !!!
On attend des eclaircissements.
Zero pointe pour Patrick A aujourd’hui.
PS : Subissez vous des pressions ? Si oui, il existe des manieres beaucoup plus fines de s’en sortir, comme dire une chose et son contraire, ou s’abstenir.
Les troubles sont différents peut être tout simplement parce que la nature des manifestants a changée.
Ceci est encore une des choses que je ne comprends pas personnellement : Que Vous journaliste semblez ne pas penser que c’est le maire déchu qui avaient monnayé les violences à Tana. Si Tana est en pays relatif ce jour, c’est par ce que l’autre a eu son bonbon. Il est aberrant de penser qu’un jour 8 se mettrait à casser du Tana.
Par extension, on peut penser que Patrick pense que sans intervention extérieure un putsch peut être éxécuté en 2 mois. Ou quel est son avis ?
(Merci Patrick pour les liens hypertextes, pertinents)
État des forces sur le terrain.
Actuellement, les Malagasy autour de Andry RAJOELINA ont marqué 8 buts depuis 2007.
Les Malagasy autour de Ravalomanana ont marqué 7 buts depuis 2002.
Andry RAJOELINA 1 but depuis 2007 et 7 autres buts depuis le 17 Mars 2009 dont un but décisif avec l’encouragement plus qu’implicite de l’Armée.
L’équipe Ravalomanana essaie de faire match nul en voulant marquer un 8ème but. Le son de tamtam de la Communauté Internationale les y encourage. Malheureusement le buteur Ravalomanana est au repos en dehors du terrain. Ce dernier a fait un tacle mortel avec carton rouge le 7 février 2009. Les téléspectateurs de tous les pays du monde ont vu l’action.
Ravalomanana a en main le 8ème but de penalty. Malheureusement, il est parti précipitamment au vestiaire même s’il a été élu tireur de penalty par son équipe en 2002. Il sait pertinemment qu’il va pouvoir tout au plus égaliser en vue d’une prolongation.
Malgré tout, l’équipe Ravalomanana a une chance réelle de s’en sortir, plus par forfait du camp adverse que par une prolongation épuisante. Un match nul est plus difficile à atteindre tant que le camp d’ Andry RAJOELINA reste sur le terrain avec toute son équipe. La division éventuelle de l’équipe d’Andry RAJOELINA pourrait assurer la réussite du camp Ravalomanana. Cela s’appelle élimination par forfait.
Les derniers renforts sonores venus de Swaziland, arrangés par les supposés animateurs talentueux d’Ambohijatovo et aidés par quelques fonctionnaires n’ont pour effet que l’espoir d’un retour hypothétique du tireur au but Ravalomanana.
Dans le camp d’Andry Rajoelina, mise à part le capitaine d’équipe « véritable buteur », il y a de très bon joueurs voire des dribbleurs mais qui n’ont jamais marqué un seul but hors mis quelques acrobaties techniques (Rajaonarivelo, Zafy, …).
Les spéctateurs de Mahamasina ou les téléspectateurs Malagasy sont ébahis devant la situation car pendant ce temps là, scotchés devant leur télé ou invité à remplir le stade de Mahamasina avec ou sans rémunération, plus personne ne pense à faire cuire le repas voire pour certains à aller trouver à manger.
Les matchs de foot n’ont jamais réussi aux Malagasy au niveau mondial. Peut être est-il temps de changer de sport national favori ? Est-ce parce que c’est un sport pratiqué debout ? Pourquoi ne commencerions nous pas un autre sport national pratiqué assis cette fois-ci ? Comme les « assises » par exemple…
Rajoelina aussi a en fait eu son carton rouge à L’episcopat, mais seulement distribué par la communauté internationale ! Est ce que cela s’appelle carton rouge ou comment dans les régles de football.
J’ai compris votre tentative de mettre un peu d’humour dans la grisaille, mais c’est un peu difficile de comprendre pour ceux qui ne pratiquent pas ou suivent les matchs de foot.
On fait plus le morengy dans ma contrée ou la course aux pirogues comme sport, comment peut on traduire cela en un language comprehensible par les gens d’ici ?
« Ny isavorovoroan-kilatoana ».
Oui je connais Maïtre Kira, certaines de mes tantes raffolaient de lui, quand elles en parlent en tout cas..
Mais tout le Sud n’est pas Vezo et on pratique autrechose sur les ampasy chez nous.
Mais je comprends avec l’analogie des pirogues, merci pour l’explication
La gouvernance de Marc Ravalomanana sous couvert d’institutions démocratiques formelles est caractérisée par des pratiques antidémocratiques.
Marc Ravalomanana avait les moyens de verrouiller ces assises nationales pour qu’il n’en sorte rien.
Andry Rajoelina, dans la situation actuelle ne peut pas verrouiller ces assises nationales.
Ni un directoire militaire, ni le retour pur et simple de Marc Ravalomanana ne sont des sorties démocratiques de cette crise.
donnons une petite chance à ces assises nationales pour accoucher des solutions démocratiques.
ne désespérons pas des vrais démocrates malgaches !!!!!!!
La comparaison des assises avec le match de foot me parait pertinente. Et je pense que les assises doivent se jouer comme un match de foot avec deux camps opposés avec des maillots bien identifiés fautes de projets bien clairs avec un corps arbitral bien conscient et motivé (les electeurs).
Equipe 1, « les puschistes legaux » dirigée par A.TGV composée d’une nébuleuse en cours de gestation de vrais opposants à Ra8 et de revanchards du précédent régime. Dont l’avantage est de posséder beaucoup d’attaquants locaux et exiles mais qui n’ont jamais joué ensemble, donc le style de jeu à la britanique : du kick and run. Autres atouts, posséde des conseillers tricolores et est béni par le Pape.
Equipe 2 : « les autres démocrates » sans encore de leader, mais tout aussi animé du bon droit et veut récupérer à tout prix sa licence perdue d’électeur. Apres desertion, ceux qui restent comme joueurs sont bien épaulés par les vrais citoyens de base et quelques dynosaures politiques. Leur force, le droit du citoyen, un appareil politique encore en fonction, le support de la communauté internationale et la bénediction de la majorité silenceuse. Elle possède un style de jeu raffiné et peut s’adapter rapidement. Une faille en défense, la majorité silencieuse est en apesanteur. et L’equipe hérite des actifs toxiques de l’ancien capitaine Ra8 dont la gestion de la crise était désastreuse. C’est l’équipe challenger, peut gagner si elle repart du zéro et sans nostalgie.
Il y aurait pu avoir une équipe 3 et on aurait eu un tournoi triangulaire. Mais son capitaine a perdu sa vue et a confondu l’équipe 1 avec l’équipe 2.
Equipe 3 : « Eternel démocrate » du capitaine PR Socrates Zafy et ses joueurs du CRN qui pratiquent tous les styles de jeu, du feu follet brésilien au catenaccio italien. Elle posséde de bons joueurs mais le capitaine est tenté de joindre l’équipe 1 qu’il a confondue la 2, dans les deux cas il ne peut pretendre au mieux une place de capitaine remplaçant. Cette équipe a défaut énorme, elle n’a pas de supporters populaires, que des barons locaux. L’équipe 3 ne sera pas prête d’ici tôt. Dommage.
En theorie lors des assises chaque équipe doit présenter les joueurs :
Mais la montagne, comme toujours, accouchera une souris : d’autres dates pour d’autres négociations. Ca fera patienté ces inutiles observateurs du Fifa.
Bravo pour le reportage photo, digne d’un paparazi du monde footballistique.
Rabilabila fut un grand joueur de foot Malagasy parait-il... (à l’époque)
Les passages concernant les « confusions » m’ont beaucoup fait rire... Lol
Petit apparte sportif : Le veilleur et rabilabila vous trahissez votre age (ainsi que moi aussi). Ah, le « bon temps insouciant » ou on s’extasiait tous des chevauchees d’Augustin et de la maitrise de Kira (avant de se faire balayer par les zambiens ; quel etait le nom de ce joueur qui nous en plantait toujours un ou deux et auquel, tres sportivement, on avait fait une rotaka bien malgache ?)
Ca m’est revenu... Chitalu !