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Editorial

Les Jeux Oly’mipika

mardi 14 août 2012 | Ndimby A.

Les XXXème Olympiades de Londres ont éteint leur flamme il y a deux jours. L’image que je retiendrai de ces jeux de Londres ne sera pas une image sportive, même si elle est liée à une performance, mais une image qui a un certain sens politique. Le dernier jour, l’hymne de l’Ouganda a fait partie intégrante de la cérémonie de clôture des Jeux de Londres. En effet, la tradition des Olympiades veut que la médaille du vainqueur de l’épreuve du marathon soit remise lors de cette cérémonie, ce qui a permis à l’Ouganda d’être à l’honneur [1]. Ce pays pauvre et très moyennement démocratique, avec un niveau de développement humain plus faible que celui de Madagascar, a donc pu se voir honoré par la communauté internationale au sens noble du terme, que ce soit au stade ou par des millions de téléspectateurs [2].

Moralité : on peut ne pas être un pays exemplaire en matière de gouvernance ou une puissance régionale, mais arriver à se faire respecter à l’échelle internationale grâce à des ressortissants qui brillent positivement. L’Ouganda, le Kenya, la Jamaïque, se sont depuis longtemps fait un nom par le biais du sport, et même de la musique pour parler de la patrie de Bob Marley. Et pour en revenir aux Jeux de Londres, des pays tels que Trinité-et-Tobago ont même eu leur heure de gloire en obtenant une médaille d’or.

Il y a donc une question qui se pose : faut-il privilégier le sport d’élite ou mettre l’accent sur le sport de masse ? Si le premier permet de donner des modèles à la jeunesse nationale et une belle vitrine internationale au pays, le second a une vertu de santé publique. Et si jamais il était nécessaire de développer les deux, il faudrait opter pour une vision élitiste dans les sports individuels, et pour une vision plus « populaire » dans les sports collectifs. Car au final, il y a une grande différence entre financer la préparation et les déplacements internationaux d’un ou deux athlètes, avec éventuellement leurs coachs, et le faire pour toute une équipe de football, qui en plus ne pourra avoir que des résultats miteux. En effet, malgré ses multiples changements de nom, de Club-M à Scorpions, puis de Scorpions à Barea, l’équipe nationale de football n’a pas réussi à enrayer la décrépitude de ses performances, depuis le départ de Peter Schnittger…

Pour parler des Barea, rappelons ce paragraphe d’un éditorial consacré à la Coupe du monde de football en Afrique du Sud (juin 2010) : « l’Afrique du Sud sait que quand on veut la fin, on veut les moyens. À part un investissement de trois milliards d’euros pour les infrastructures, elle s’est adjugée les services du brésilien Carlos Alberto Parreira, champion du monde en 1994, pour entraîner les Bafana Bafana. Et aucun sud-africain n’est allé rouspéter contre l’invasion des compétences étrangères, comme ce qui est arrivé contre les Philippins de Sherritt et les Allemands de la Jirama ou d’Air Madagascar. Ce qui est curieux, c’est que le pouvoir hâtif qui a fait son cheval de bataille de cette pratique d’importation de compétences à un prix exorbitant, a fini elle-même par recruter pour les Barea de Madagascar un entraîneur français assez éloigné du premier plan, et même de la seconde zone. Salaire de cet entraîneur dont le principal fait d’arme est une place de finaliste de la Coupe du Qatar : 23 millions d’Ariary par mois, selon nos confrères de l’Express de Madagascar. On attend avec impatience le bilan de ce virapinage. ».

Deux ans après, on peut tirer le bilan : les Barea sont toujours aussi pitoyables, et Jean-Paul Rabier, ce fameux entraineur français recruté à prix d’or par Virapin Ramamonjisoa, alors Ministre des sports, a finalement été viré après quelques mois. Ce cancre s’était pourtant malgachisé au contact des hâtifs, et a tenté d’utiliser la bonne vieille méthode du bouc émissaire pour expliquer ses propres turpitudes. Ainsi, après la défaite des Barea face à l’Ethiopie en octobre 2010, Rabier n’a rien trouvé de mieux pour expliquer son échec que de comparer le terrain de Mahamasina « à un champ de patates ». Ce qui est bizarre, c’est que le même champ de patates n’a pas empêché l’équipe adverse de marquer un but et de gagner. Contrairement à ce que l’on croit, il n’y a pas que des faucons chez les vazaha.

Mais ainsi va le sport sous le régime hâtif : à l’image de tout ce qui se fait depuis 2009, l’amateurisme et la médiocrité ambiants ont fait que même les valises contenant les équipements des athlètes malgaches aux Jeux de Londres avaient été oubliés lors du transit à Paris. Sans oublier que dans cette délégation, il y avait 7 athlètes et … 43 accompagnateurs. Moralité : on ne s’improvise pas dirigeant sportif.

Le podium du 200 mètres aux Jeux Olympiques de Mexico. Smith et Carlos font le salut du Black Power (Photo AP)

Le sport international a toujours été un domaine qui a flirté avec les relations internationales : on se souviendra des boycotts des Jeux olympiques de Moscou (1980) par les Américains, et ceux de Los Angeles (1984) par l’URSS. On retiendra aussi le nom de l’Afro-américain Jesse Owens, quadruple champion olympique aux Jeux olympiques organisés par l’Allemagne nazie (1936). En enfin, aux Jeux Olympiques de Mexico (1968), le podium du 200 mètres hommes communia dans une même lutte pour les droits civiques, à une époque où les États-unis étaient encore ségrégationnistes : les athlètes Afro-américains Tommy Smith (médaille d’or) et John Carlos (médaille de bronze), avaient levé le poing pour faire le salut du Black Power pendant l’hymne national américain, en signe de prise de position en faveur des droits civiques et contre le racisme. Quant à l’Australien Peter Norman (médaillé d’argent), il avait accepté de porter comme ses deux compères un badge de l’Olympic Project for Human Rights, mouvement de protestation en faveur des droits civiques crée par un athlète noir avant le début de ces Jeux.

Pour en revenir au sport pur, malgré les quelques étincelles qui honorent les « petits pays », même ce domaine ne peut échapper aux grandes puissances : les quatre premiers pays au tableau des médailles des Jeux Olympiques de Londres sont membres du Conseil de Sécurité de l’Organisation des nations unies (Etats-Unis, Chine, Russie, Grande-Bretagne). La France qui est le cinquième membre de cet organe onusien pointe à la septième place, juste derrière la Corée du Sud et l’Allemagne. On pourra mettre cela sur le compte des moyens disponibles pour identifier, former et préparer les athlètes, ainsi que sur la capacité financière à envoyer une délégation lourde, qui donne plus de chances de produire des médaillés. Mais en fin de compte, tout ceci représente la puissance au sens où l’entend la science politique : « la capacité pour un pays (ou une entité) à créer un contexte qui lui soit favorable ».

Pour conclure, notre crise n’a rien d’olympique, même si elle oblige les Malgaches à faire montre de performance : durée de marathon, multiples haies vers l’apaisement, ainsi que ses passages de relais entre médiateurs. À force de nous faire tourner en bourrique, nos politiciens finiront bien par nous faire perdre la boule (mipika). En attendant d’avoir des médaillés olympiques vita malagasy, on se contentera d’appliquer la devise du coubertinisme (« l’essentiel est de participer, et non de gagner »), qui est un véritable hymne à la médiocrité quand on rapporte cela à la gestion d’un pays. Car, comme le signalait la Citoyenne malgache sur le forum du blog Fijery, « au sport, le meilleur gagne… pas en politique ». Heureusement que quand nos politiciens se retrouvent dans les stades, on sait les accueillir comme il le faut, comme ce qui est arrivé aux membres du Gouvernement de transition lors des Championnats d’Afrique de Basket (hommes et femmes). Bien fait pour ces dirigeants coubertinistes dans l’âme, et qui en plus, pratiquent avec délectation la devise olympique « citius, altius, fortius » (plus vite, plus haut, plus fort). Mais malheureusement, dans une seule discipline : celle des bêtises et de l’incompétence.

Notes

[1Le vainqueur était l’Ougandais Stephen Kiprotich, qui bouclé la course en 2 h 08min 01 sec. Il devançait deux Kenyans, Abel Kirui et son homonyme Wilson Kiprotich.

[2Sur une échelle de 0 à 1, ce dernier représentant la note idéale, l’indice de développement humain de l’Ouganda était de 0,446 en 2010, contre 0,480 pour la Grande Ile. L’Ouganda est 139 sur 179 pays en matière de liberté de la presse, et est classé partiellement libre par Freedom House. Son PIB par habitant est légèrement supérieur à celui de Madagascar.

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