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mercredi 31 décembre 2025
Antananarivo | 10h08
 

Société

Avancer vers le futur en tirant (enfin) les leçons du passé

mercredi 31 décembre | Ndimby A., Patrick A. |  129 visites  | 1 commentaire 

Si elle fut sans conteste l’évènement majeur de l’année 2025 à Madagascar, il n’en reste pas moins que l’alternance au pouvoir que le pays a connu en octobre dernier était une demi-surprise. D’un côté, le clan Andry Rajoelina filait un mauvais coton dont on ne pouvait que deviner l’issue, à l’expérience des crises précédentes. De l’autre, la rapidité a été surprenante : moins d’un mois après la fameuse manifestation du 25 septembre, Andry Rajoelina a dû s’enfuir piteusement en exil. Cela a démontré le caractère factice et illusoire de tout ce sur quoi il prétendait asseoir une assise populaire : rassemblements publics, comptes fake sur les réseaux sociaux, Parlement et pouvoir judiciaire aux ordres, sans compter la maîtrise de l’armée. Rappelons ces mots prémonitoires, extraits d’éditoriaux passés, et qui sont à la fois une autopsie du passé et un avertissement pour le futur.

« Aveuglé par sa mégalomanie narcissique mais prisonnier de son entourage, Andry Rajoelina s’enferme de plus en plus dans une cloche qui le coupe des réalités, et qui le fait vivre dans des illusions alimentées par ses courtisans qui lui disent ce qu’il aime entendre. Difficile pour lui d’être lucide dans ces conditions, d’autant plus que sa propension au populisme et au werawera ne l’a pas préparé à être raisonnable ». (Législatives le dérapage de trop, Ndimby A., Patrick A. – 3/6/2024)

« (…) les gouvernants se font une illusion en pensant que le pouvoir peut se maintenir indéfiniment par l’arrogance, la corruption et la répression. (…) Rajoelina, qui est le moins instruit, le moins cultivé, le moins intelligent, le moins compétent et le moins bien entouré des dirigeants malgaches qui l’ont précédé depuis 1960, espère-t-il à faire mieux qu’eux juste parce qu’il est celui qui a le moins de scrupules ? » (De Tana à Katmandou, le bonheur n’est pas là, Ikala Paingotra – 11/09/2025)

Alors que l’année 2025 s’achève, une question se pose : le départ d’Andry Rajoelina a-t-il résolu les problèmes du pays, ou au contraire les a-t-il aggravés ? Sur beaucoup de sujets importants, les solutions ne pourront venir que sur le moyen, voire le long terme. Certaines sont amorcées, avec plus ou moins de réussite, du moins jusqu’à présent. Toutefois, résoudre définitivement les délestages, réduire la pauvreté, refaire les routes, obtenir des résultats pour le capital humain, lutter contre la corruption, ou encore donner un cadre incitatif à l’investissement privé : rien de tous ces aspects inhérents à une refondation ne se fera pas du jour au lendemain, ni même en une transition.

« On les adore, ces grands mots : Révolution, Refondation, Transition. Ils font sérieux dans les communiqués, rassurent les bailleurs et donnent à certains le plaisir inavoué de sentir le parfum de l’Histoire. On nous promet de changer les choses en profondeur, de retrouver une identité, de rédiger une Constitution enfin adaptée à nos réalités. Et l’on pense que, une fois ce texte refondateur pondu, tous nos problèmes seront résolus. Mais quand grandirons-nous ? » (Refondation Madagascar : Asa fa tsy kabary, Lalatiana Pitchboule - 12 décembre 2025)

Pour obtenir quelque chose que l’on n’a jamais eu, il faut le courage de faire quelque chose que l’on n’a jamais fait

Pour pouvoir grandir, en réponse au formidable paragraphe précèdent, il y a nécessité d’appuyer la refondation sur la mémoire, la lucidité, l’esprit critique et le courage, et ce dans trois directions : l’État, la Nation et surtout le citoyen. Faut-il se réjouir ou déplorer que ces mots écrits il y a 16 ans continuent à être d’actualité ? :

« Si les événements de l’année 2009 nous ont prouvé que Madagascar avait beaucoup de politiciens et peu d’hommes d’État, ils doivent également nous interpeller sur nos comportements individuels. Et l’on ne peut que s’inquiéter du peu de lectures et de réactions que provoquent les articles de ce site qui évoquent les questions sociales, d’éducation, de développement durable voire d’économie... Par contre, les commentaires se déchaînent sur les controverses politiques immédiates » (Failed vahoaka, Patrick A. – 23 octobre 2009).

Comme notre rédaction aime à le rappeler, « La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent » (Albert Einstein). Tous les dirigeants qui ont accédé au pouvoir, aussi bien par élections, par coup d’État ou par désignation, ont été prolifiques en engagements et promesses de faire mieux que leurs prédécesseurs en termes de patriotisme, démocratie et bonne gouvernance. On l’a entendu des chefs d’État, des Premiers ministres et des ministres. On sait que tous, sans exception, ont menti, soit par malice ou calcul au nom d’intérêts privés, soit par impuissance devant la force des choses.

Plus d’une fois l’intérêt supérieur de la Nation a dû céder le pas à celui de la ration. Bien d’autres fois, les dirigeants et encore plus les citoyens et contribuables n’ont pu que constater une tendance lourde à la détérioration de l’Administration publique, du fait que chaque nouveau gouvernement s’empresse de mettre en place de nouvelles équipes en mettant au placard les précédentes. La multiplication de personnes payées à ne rien faire mine les ressources, démotive les fonctionnaires qui auraient encore la volonté de bien faire, et politise encore plus l’Administration et la tendance au solelakisme.

« Vu d’en bas — c’est-à-dire depuis les commentaires Facebook, les discussions de forums, les conversations au coin des gargotes — la séquence gouvernementale actuelle ressemble à un festival de parapheurs : on démet, on révoque… puis on (re)nomme… à la chaîne. Une avalanche de textes, de remplacements, d’intérims, de “DG par-ci, SG par-là”, jusqu’à cette séance du 22 décembre qui a frappé les esprits par son volume : 128 nominations d’un coup. Cent vingt-huit. Voilà. Rideau. Applaudissements… ou huées. » (128 nominations, un classique du verrouillage express du pouvoir, Lalatiana Pitchboule - 30 décembre 2025)

Il n’y a donc aucune raison d’accorder a priori un chèque en blanc au colonel Michaël Randrianirina, à Herintsalama Rajaonarivelo, Siteny Randrianasoloniaiko, Fanirisoa Ernaivo ou encore Gascar Fenosoa : ils ont promis, comme leurs prédécesseurs, et on sait ce qu’il en est advenu. Seul le temps jugera de leurs actes, et le sens critique voudrait que les « bravos, mercis » résultent de performances avérées, et non juste de la satisfaction de les avoir vus réussir à renverser Andry Rajoelina, ou pire, de la servilité obséquieuse d’écervelés qui renoncent à tout esprit critique. Être content de la fuite de malfaisants ne signifie pas nécessairement que les nouveaux arrivants seront angéliques et efficaces.

Chaque crise et chaque alternance hors-cadre constitutionnel apportent leurs lots d’effets indésirables dont il est difficile de se défaire : comportements mafieux, individus louches, « grandes gueules » fanatiques sans nécessairement avoir les neurones censés aller avec. En rajoutant 2025 à la liste énumérée des crises, on peut donc se reposer la question suivante :

« On ne fait pas d’omelette sans casser les œufs. Le résultat accumulé de l’action de tous ceux qui ont pensé ainsi en 1972, 1991, 2002 et 2009 est visible comme le nez au milieu de la figure. À force de casser ces œufs fragiles sur lesquels il faut marcher, tels que le sens du civisme et de la citoyenneté, la croissance économique, la stabilité de l’armée, il est temps de leur demander : alors, quel goût a l’omelette ? » (De 2002 à 2009 : l’omelette des coups d’états, Ndimby A. – 25/2/2013).

1 commentaire

Vos commentaires

  • 31 décembre à 10:05 | rendre visible l’incision le (#11616)

    Aslm alkm
    Personnellement, je salue le patriotisme de Ra8 en 2009(la leçon du passé/recours au réserviste), mais pas en 2002. Et pareil pour ANR en 2025 : Étant détenteur de les léviers du pouvoir, ils auraient pu l’exercer jusqu’au bout s’ils l’avaient voulu.

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