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Editorial

Attention aux chiffres

mercredi 23 septembre 2009 |  2158 visites  | Patrick A.

Parmi d’autres sujets, l’éditorial d’hier évoquait l’effectivité du pouvoir de la Transition en cours. Il faut cependant relativiser cette effectivité et ne pas en conclure comme certains que la crise est finie. Ainsi, les autorités en place n’ont jusqu’à maintenant publié aucune nouvelle édition du Journal Officiel. Ce point peut ne paraître qu’anecdotique, et l’on se dira que mieux vaut cela plutôt que de renouveler l’épisode peu glorieux de 2002 où deux éditions rivales du JO se disputaient la légalité, mais cela ne conforte guère l’image d’un pays revenu à une parfaite normalité que voudrait propager certains partisans de la HAT.

L’effectivité devrait se traduire aussi par la possibilité de produire des statistiques fiables. On attendait alors avec une certaine impatience le dernier rapport sur la situation économique publié par la Banque Mondiale, afin de vérifier notamment si les affirmations de Benja Razafimahaleo, ancien ministre des Finances et du Budget, selon lesquelles le pays (ou plus exactement l’État) pouvait s’en sortir sans aides extérieures seraient ou non démenties.

Finances publiques : incertitude

Benja Razafimahaleo appuyait entre autres son argumentation sur des recettes fiscales satisfaisantes au mois de Juin 2009. En effet les recettes de ce mois n’étaient inférieures que de 7% par rapport au budget. L’hypothèse que cette embellie pouvait n’être que l’effet d’un rattrapage conjoncturel s’est cependant vérifiée, car les rentrées fiscales des mois de Juillet et Août ont été en deça du budget de 26%. Certes, c’est mieux que les moins 38% de la période de Mars à Mai 2009, mais ce n’est pas glorieux, et ces derniers résultats semblent davantage refléter la performance générale depuis le début de l’année que ceux mis en avant par l’ancien ministre.

Malgré cela, on lui reconnaîtra que la Trésorerie de l’État n’est pas catastrophique : face à des recettes de 1146 milliards d’Ariary, les dépenses ont également été limitées et s’élèvent à 1205 milliards. C’est loin d’être un gouffre. Faute de sollicitations de l’État, le marché des bonds du Trésor a d’ailleurs enregistré une baisse significative des taux d’intérêts.

Au vu de ces seules données, on pourrait donc être tenté de renvoyer dans leurs buts respectifs aussi bien les tenants du « tout va très bien, Madame la Marquise » que les prophètes du « la crise ne fait que commencer ». L’impression dominante serait plutôt : cela va mal, mais cela pourrait être pire.

Sauf que le rapport de la Banque Mondiale nous met en garde contre les chiffres. Ce rapport avoue que la collecte des données devient de plus en plus difficile, à cause notamment de l’instabilité qui persiste au sein des administrations. Et en cela, il rejoint nos réserves liminaires sur l’effectivité du pouvoir des autorités en place. On peut en effet se demander, en examinant plus en détail les rubriques, si les données de la comptabilité publique prennent bien en compte l’ensemble des dépenses engagées ou s’il n’y a pas des confusions entre rubriques.

Et l’on gardera à l’esprit que la situation pourrait devenir plus difficile dans un proche avenir, avec la rentrée scolaire qui devrait amener le paiement de diverses subventions. Le point est socialement sensible, et ne pourra pas être négligé par la Transition : les déficits pourraient donc se creuser sensiblement.

Secteur privé : déficit d’emplois

S’il est un autre sujet socialement sensible, c’est bien l’AGOA. Quoi qu’en pensent certain(e)s éditorialistes proches de la HAT, l’évoquer n’est pas crier au loup, et l’AGOA n’est pas seulement un biby fampitahorana. On ne peut totalement distinguer dans les difficultés actuelles des entreprises textiles celles qui sont dues à la crise économique mondiale et celles qui sont liées à la crise politique malgache, mais l’on peut en tout cas affirmer clairement : ce n’est vraiment pas le moment d’en rajouter. Au premier trimestre 2009, les exportations du secteur textile étaient en baisse de 30% par rapport à la période correspondante de 2008. Et comme il est évident que des acheteurs américains ont commencé à diversifier leurs sources d’approvisionnement et que des entreprises implantées à Madagascar mettent en oeuvre une stratégie de délocalisation vers d’autres pays pour diminuer ce risque politique, cela se traduira forcément par des emplois en moins.

Comme pour le textile, il est difficile en ce qui concerne le secteur touristique de distinguer les effets de la crise économique mondiale et ceux de la crise politique malgache. Ce qui est certain, c’est que les recettes de certains établissements ont baissé de 70 à 90% pendant le pic de la saison, malgré une embellie tardive du côté de Nosy Be du fait des liaisons aériennes directes avec l’Europe et que 30 000 emplois sont menacés.

Les emplois en moins dans le secteur du bâtiment et des travaux publics sont eux clairement liés à la diminution des projets d’investissements et des aides pour le secteur routier. Si au 30 juin 2008, le GEM dénombrait 13 203 emplois dans ce secteur, ils n’étaient plus que 6 400 en juin 2009, et les projections ne tablent plus que sur 4 400 emplois à fin 2009.

Au delà des chiffres, attention à la confiance

Les chiffres ne peuvent traduire parfaitement un élément pourtant essentiel de l’économie : la confiance.

Les emplois en moins ne peuvent qu’éroder la confiance des ménages.

L’absence de la confiance des touristes a pour sa part entraîné la baisse de l’arrivée de devises étrangères sous forme de billets et provoqué une pénurie qui a stimulé le marché noir de devises. L’impact psychologique sur le marché officiel ne peut être négligé : même si le niveau des réserves officielles reste satisfaisant, les récentes secousses sur le cours de l’Ariary traduisent la nervosité des opérateurs.

Un autre indicateur significatif est la légère baisse des encours de prêts bancaires : traduit-elle plutôt la peur des demandeurs ou la crainte des prêteurs ? Toujours est-il que ces attitudes précautionneuses montrent que faire l’économie de la mise en oeuvre de la philosophie Maputo serait une stratégie peu... effective.

5 commentaires

Vos commentaires

  • 23 septembre 2009 à 09:43 | Noue (#2427)

    - « S’il est un autre sujet socialement sensible, c’est bien l’AGOA. Quoi qu’en pensent certain(e)s éditorialistes proches de la HAT, l’évoquer n’est pas crier au loup, et l’AGOA n’est pas seulement un biby fampitahorana. »

    Ce n’est pas la HAT qui a perdu sa place qu’elle se permet de minimiser sur l’importance de l’AGOA.

    Firy ny olona very fihinanana raha tena ho rava eo ny AGOA ? sa vonona ve ny HAT hanome toerana sy asa ho an’ireo olona maro an’isa very asa ireo ?

    Mahatratra 100 000 mahery ny olona miasa ho very , sa tafiditra ao Am/tra sy Ma/vo daholo ireo olona ireo omen’ny HAT toerana ?

  • 23 septembre 2009 à 10:29 | lalatiana (#1016)

    Merci Patrick pour ces données et cette analyse objective ...

    ps :
    « bonds du Trésor » ??? ... dit en français, ça c’est ce qu’on appelle un lapsus révélateur :-) ...

    Bon, je vous accorde l’anglicisme, James ...

  • 23 septembre 2009 à 11:01 | georges Rabehevitra (#3099)

    Les chiffres ne sont que des indications. Même si leurs origines sont douteuses, on peut quand même s’en servir. C’est exactement comme quand vous conduisez une machine avec des tableaux de bords, par exemple un avion.

    Il faut savoir à quoi servent les chiffres et comment ils sont élaborés. Cela vous permet de voir rapidement des chiffres incohérents. En fonction de vos cannaisances de ces chiffres et de leurs origines, vous pilotez. Si doute il y a, vous demandez l’aide de votre copilote, ou vous descendez et vous vous aidez de vos yeux (navigation à vue) ou encore, vous demandez de l’aide à la tour de contrôle qui peut vous donner aussi des indications (cap, vitesse, routes,....).

    le problème, à mon avis, c’est que nos dirigeants (le pilote, le copilote, la tour de contrôle,..) ne connaissent pas le chiffres mais en plus ils n’ont jamais piloté. Alors là, c’est le -crash assuré.

    Malheureusement, il y a beaucoup de passagers à bord et il n’y aura pas beaucoup de survivants

  • 23 septembre 2009 à 18:22 | kakilay (#2022)

    Malheur à celui par qui le scandale arrive !

  • 24 septembre 2009 à 00:06 | andriantsimbazovina (#3167)

    Excellentes informations. Excellente analyse.
    Ne pas confondre cependant performance d’un côté et effectivité du pouvoir de l’autre.

    L’effectivité en cause dans la théorie de la reconnaissance de gouvernement concerne uniquement le monopole de la puissance publique, du gouvernement et du territoire.

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