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Economie

Un rapport estime jusqu’à 460 000 $ par jour la valeur du commerce illégal de bois

mardi 1er décembre 2009 |  2526 visites  | Patrick A.

Cet article a été corrigé le 4 décembre suite à des informations qui nous été communiquées par Global Witness le 3 décembre. Les chiffres corrigés de volume et de valeur des abattages quotidiens illégaux sont inférieurs à ceux initialement publiés, suite à une erreur dans la version initiale du rapport de Global Witness et EIA sur le volume unitaire d’un tronc.

Global Witness et Madagascar-Tribune.com prient les lecteurs de bien vouloir excuser cette erreur.

Un rapport des organisations Global Witness et Environmental Investigation Agency (EIA), demandé par l’association Madagascar National Parks et le Ministère de l’Environnement et des Forêts, et publié Jeudi 26 novembre dernier, affirme que 30 à 115 mètres cubes de bois de rose précieux, d’une valeur estimée entre 88 000 à 460 000 $, sont chaque jour récoltés dans l’illégalité.

D’après les estimations, quelque 1 000 mètres cubes de bois dur à forte valeur sortiraient chaque mois de Madagascar – et 100 à 200 arbres rares seraient abattus chaque jour. La différence entre quantités coupées et quantités exportées peut s’expliquer de deux manières : d’une part, les chiffres d’exportation sont des estimations et peuvent ne pas refléter l’ensemble du marché noir ; d’autre part, l’essentiel du bois qui est actuellement récolté n’est pas immédiatement exporté, mais est stocké jusqu’à ce que des autorisations d’exportation soient accordées.

Global Witness et l’EIA soulignent que la situation est anarchique depuis 2004 et le cyclone Gafilo, les bûcherons profitant « d’autorisations de sauvetage » pour extraire des quantités de bois précieux protégés qui étaient extrêmement disproportionnées par rapport aux dégâts réellement causés par le cyclone. En 2006-2007, des « permis de ramassage » ont été émis pour des zones autres que le District d’Antalaha, qui a été affecté par le cyclone ; le chef du District de Vohémar serait intervenu pour s’assurer que des permis de collecte avaient également été délivrés pour des zones de Vohémar, alors que ses forêts n’avaient pas été affectées par le cyclone.

Il est de nouveau apparent en 2009 que les négociants se sont donnés beaucoup de peine pour effectuer un intense lobbying pour continuer l’activité d’exportation. Par exemple, en janvier 2009, des bûcherons mécontents ont protesté à Sambava, ce qui a abouti au pillage et à l’incendie des bureaux de l’Administration forestière ; cette manifestation aurait été orchestrée par des négociants en bois. « Un petit groupe de commerçants puissants exploite la situation politique du pays pour en tirer des bénéfices à court terme, corrompant les représentants des autorités locales et nationales alors que le pays traverse une crise », affirme Reiner Tegtmeyer de Global Witness. « Les commerçants en bois ont pour ainsi dire acheté le droit de piller les parcs du pays en toute impunité ».

Du fait de ces pratiques répétitives, Global Witness et l’EIA demandent au gouvernement malgache d’abroger tout décret qui autorise les compagnies immatriculées à exporter du bois récolté illégalement, car cela encourage une hausse de l’abattage illicite. Pour ces deux organisations, le gouvernement devrait saisir et vendre tous les stocks illégaux de bois et placer l’argent dans un fonds destiné à la protection des forêts et au développement rural. Les saisies futures devraient ensuite être systématiquement détruites. Compte tenu du climat de corruption généralisé qui semble peser, il est difficile d’espérer un assainissement de la filière dans le court terme sans de telles mesures drastiques.

Le gouvernement devrait également immédiatement agir pour placer le bois de rose et l’ébène sous la protection de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (CITES). Il conviendrait également de mettre en œuvre une gestion des terres plus durable et d’accorder un meilleur soutien aux populations locales afin qu’elles aient d’autres moyens de subsistance. Notons que les faibles cours actuels de la vanille ne laissent guère de solution à une partie de la population de la région SAVA que de se faire embaucher dans cette exploitation illégale de bois. Le rapport souligne que le revenu quotidien moyen des personnes employées pour exécuter des travaux pénibles et souvent dangereux – allant de la coupe au chargement des lourds rondins sur des remorques en passant par le tirage et le transport par radeau et bateau – est de 6 000 à 10 000 Ariary, ce qui ne suffit même pas à acheter deux bouteilles de bière dans les villages forestiers reculés, ou environ deux repas dans la ville d’Antalaha. Malgré les prix élevés de ces bois sur les marchés internationaux – une armoire en bois de rose peut se vendre au détail jusqu’à 20 000 $ –, seule une partie infime de la valeur du bois reste à Madagascar. Le pays exporte essentiellement du bois non transformé et une analyse des transactions financières a révélé que les gains qui reviennent à Madagascar sont minimes.

Le rapport souligne également que de leur côté, les pays consommateurs devraient surveiller leurs importations de bois malgache et instaurer des exigences légales strictes s’appliquant aux importations de bois, analogues à l’amendement apporté récemment par les États-Unis au Lacey Act. La majorité de ce commerce est imputable à la forte demande chinoise pour les meubles en bois de rose. De petites quantités de bois précieux sont aussi envoyées vers l’Europe et les États-Unis pour la fabrication d’instruments de musique haut de gamme.

Sur le plan politique immédiat, notons que les dernières autorisations d’exportation connues avaient comme date de validité ce 30 novembre. Dans un contexte où certains observateurs estiment que les difficultés de formation du nouveau gouvernement ne sont pas étrangères à l’intérêt pour certains de déboucler des opérations en cours, nous espérons qu’aucune prorogation ne sera accordée.

4 commentaires

Vos commentaires

  • 1er décembre 2009 à 07:46 | Stomato (#3476)

    J’aime bien ces études faites par des organismes au titre ronflant. Généralement ces organismes estiment puis affirment.
    C’est beau la confiance !
    Mais cette confiance est-elle méritée ? Les résultats annoncés sont-ils réels ou bien seulement le reflet de ce que les commanditaires veulent faire passer comme message ?
    Je ne nie pas les faits étudiés. L’exploitation illicite de bois (et autres produits naturels) est de pratique courante et ancienne à Madagascar.
    La faiblesse structurelle de l’état est telle qu’il est trop facile de tricher.
    Dès lors qu’il est question de tenter de controler un secteur d’activité il est plus tentant de profiter d’un système établi plutot que de mettre en place ce qu’il faut pour son controle.
    Le plus dommage est que tout le monde sait plus ou moins ce qui se passe. L’étude cite des montants estimés qui donc ne sont pas vérifiables. En conséquence les résultats de cette étude ne peuvent servir à rien, surtout pas a définir des actions correctives efficaces.
    Depuis l’époque de la colonisation l’on sait qu’il n’y a pas de structures de transformation des produits bruts à Madagascar. Il n’y a pratiquement pas de création de valeur ajoutée sur le territoire malgache.
    Cette étude ne cite aucune piste a exploiter pour remédier cet état de fait.
    Mais ce n’etait pas son objectif.
    Mais quel était l’objectif de cette étude ?
    A l’est (de l’Afrique) rien de nouveau.
    C’est ça le drame.

  • 1er décembre 2009 à 14:05 | InfideleHAT (#2981)

    tsy mahagaga izany fa ny boaikely entourer des vautours

  • 1er décembre 2009 à 16:39 | Mandimbisoa (#2104)

    toy ny afera rehetra ihany io ry zareo a !

    Tsy misy manapaka hazo fahatany eo raha tsy misy olona hividy,iza anefa no mpividy ,tsy ny tany mahantra no mitady bois de rose !

    ka asa izay hevitrareo...Eto an-toerana tsy manana fomba enti-miady am vola fa tambazana vola kely ireto mpikapa hazo dia manaiky...Sitrany ahay hoy ny fiteny,ka raha te-hanampy antsika ireo firenena rehetra "choqués’ amin’izany fangalana hazo izany dia tokony ny mpanao afera any aminy no sazina sy arahiny maso tsara ,

    toa izany daholo ,tsy misy ady eran-tany raha tsy misy ny mpivarotra fiadiana ?iza nefa no mivarotra ???

    tsy misy ny risoriso raha tsy izay miseho ho azy manambola no manomboka 1° , ary zatra mahazo ireto mpanao azy ka tsy mijery intsony na mahantra ity na manankarena fa angalana daholo ...

    Ny toe-tsain’ny tsirairay no tsy maintsy amboarina ...

  • 5 décembre 2009 à 23:25 | diego48 (#3240)

    Bonjour,
    D’un récent voyage avec ma famille dans la Grande Ile,il me reste une grande impression de désolation par rapport au traitement que vos concitoyens infligent à leur forêt et à leur pays.
    Je sais que la vie est dure en ce moment pour beaucoup d’entre vous,que d’autres soucis que celui de préserver votre nature,aussi riche et magnifique soit-elle,ne lui donne pas l’importance qu’elle devrait avoir.Vos gouvernants devraient porter plus d’intérêt et apporter une plus grande rigueur à la gestion de ce patrimoine qui représente votre image internationale.Mais pas seulement vos gouvernants,vous aussi,tous les Malgaches,devraient prendre conscience et lutter pour préserver vos richesses et ne pas vous laisser piller et déposseder de la sorte.
    Je rêve de revenir,un jour prochain,dans votre pays,pour y fouler vos forêts primaires,vos sentiers et vos villages si pittoresques.

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