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Editorial

Rajoelina, d’abord un bâtisseur de ... crise

lundi 17 décembre 2012 | Ndimby A.

En annonçant sa décision de ne pas se présenter, Marc Ravalomanana a effectué une belle manœuvre tactique. Il se libère et se pose en élément de solution, et dans le même temps, il place sur l’ex-DJ la responsabilité d’être désormais le seul obstacle vers l’apaisement et la sortie de crise. C’est donc un coup politique brillant, aussi bien dans le timing que dans le contenu. Le Président de la transition (PT), embarqué dans les inaugurations de zava-bita, doit maintenant naviguer à vue car la finalité du processus de propagande qu’il avait initialement conçu doit éventuellement être revu. Alors qu’il s’était préparé à enfoncer le clou à coups d’inaugurations pour monter en puissance et préparer l’opinion à sa candidature, le voilà qui doit tenir compte d’une nouvelle donne, lui et ses sbires ayant parié à tort sur un entêtement de Marc Ravalomanana à se présenter envers et contre tout.

La clique du PT fait semblant de garder la tête froide pour ne pas montrer un embarras, voire une certaine panique devant le désistement de Marc Ravalomanana qui leur coupe l’herbe sous les pieds. Habitué depuis le premier trimestre 2009 à se servir de Marc Ravalomanana comme d’un bouc-émissaire, et donc d’un prétexte pour justifier leurs propres turpitudes, le clan TGV fait semblant de traiter cet évènement comme étant une quantité négligeable. Ainsi, chez nos confrères de Midi-Madagasikara, Lanto Rakotomavo, la Secrétaire nationale du parti Tanora malaGasy Vonona (TGV) affirme que « la décision de l’ancien président Marc Ravalomanana de ne pas se présenter à l’élection présidentielle n’aura aucune répercussion, ni sur la politique du TGV, ni sur la route que le parti a déjà tracée pour le processus de résolution de la crise… (…) Sa décision ne changera pas ce que nous avons déjà fait, ce que nous faisons actuellement et ce que nous envisageons de faire » et souligne que « Nous (les partisans du parti) n’allons surtout pas convaincre le président de la Transition de ne pas se présenter à cette échéance… Au contraire, nous allons encourager sa candidature… La SADC a tout à fait le droit de lui demander de s’abstenir, par contre, nous aussi, c’est de notre droit et notre devoir d’exiger sa candidature ».

Dans le dernier communiqué issu par la Présidence tanzanienne concernant la visite du PT à Dar-Es-Salaam, seule une cinquantaine de mots au sein du cinquième paragraphe est véritablement digne d’intérêt au milieu d’un texte enrobé de langue de bois diplomatique : « Le 14 décembre 2012, le Président Kikwete et S.E. Rajoelina ont tenu des discussions approfondies sur les conclusions du sommet de la SADC à Dar es-Salaam. Les deux dirigeants ont convenu de tenir de nouvelles consultations avec les parties prenantes avant de se rencontrer à nouveau avant la fin du mois pour conclure sur la question ». Autrement dit, alors que le clan TGV avait poussé des cris de vierges effarouchées sur les conclusions du Sommet (dont le soutien de la SADC au « ni-ni », qualifié d’ingérence), voilà que son leader s’est finalement engagé dans un processus de discussion à leur sujet.

Rappelons que les principales conclusions de ce Sommet qui s’est tenu du 7 au 8 décembre dans la Capitale tanzanienne sont au nombre de trois : primo, l’ancien président M. Marc Ravalomanana devrait retourner à Madagascar sans conditions ; secundo, les deux candidats, M. Marc Ravalomanana et M. Andry Rajoelina, doivent être persuadés de ne pas se présenter aux prochaines élections générales dans le but de résoudre cette crise ; et tertio, la loi d’amnistie doit être mise en œuvre afin de créer des conditions propices au retour des exilés politiques dont M. Ravalomanana. Ainsi, alors que le PT, sa clique et ses griots affirmaient il n’y a pas si longtemps encore que Marc Ravalomanana ne doit pas être considéré comme un élément-clé de la sortie de crise, les chefs d’États d’Afrique australe les ont renvoyés à leurs manuels de savoir-vivre politique.

Le nouveau deadline pour y voir plus clair est donc fixé à la fin de l’année. Cela donne deux semaines pour inaugurer ce qui reste de zava-bita à l’utilité aléatoire, mais dont la médiatisation permet d’hypnotiser les psychologies fragiles. Exactement comme les investissements à outrance et les crèches AREMA du temps de Ratsiraka. Cela donne deux semaines aux stratèges du TGV (si stratèges il y a) pour tenter d’étudier tous les aspects de la question, et en particulier discuter avec ceux à qui le coup d’État ont ouvert les portes du pouvoir et de la prédation économique, et qui n’ont pas envie que ça s’arrête. Et parmi cette mafia, il y en a également beaucoup qui n’ont pas envie qu’on vienne mettre le nez dans leurs affaires qui, depuis 2009, n’ont pas toujours senti la rose, si ce n’est celle du bois. Ce sont donc ces gens qui vont faire pression sur Rajoelina pour qu’il n’abandonne pas le pouvoir : ces opérateurs économiques Malgaches et Karana qui s’empiffrent de marchés licites et illicites grâce à leurs réseaux au sein des Palais d’État ; ces dinosaures politiques ressuscités au premier trimestre 2009 ; ces anonymes et inconnus que le hasard du coup d’État ont transformés en parlementaires désignés mais gloutons au sein du CST et surtout du CT ; ces militaires ayant profité de la vague des grades mora et du vola mora, sans oublier les trafiquants d’armes au sein des casernes qui contribuent au banditisme ; ou encore ces quasi-chômeurs au sein de la diaspora en France qui se sont retrouvés catapultés dignitaires d’un régime à profil bananier.

Rajoelina a maintenant trois options. La première est de persister dans sa mentalité arrogante et sans aucun scrupule vis-à-vis de la détresse de la population, et d’annoncer sa candidature à la fin de l’année. La seconde est de renoncer, mais de désigner un poulain parmi les nombreux qui piaffent au sein de l’écurie, et dont plusieurs se croient deviner un destin national, à commencer par Hajo Andrianainarivelo ou Haja Resampa. Et la troisième est de se désister, partir vivre à Dubai ou Maurice, et laisser la clique s’entre-déchirer. En attendant les élections de 2018.

Pour Marc Ravalomanana, il y a également des options parallèles. Il a dû accepter de se désister, et certainement pas de gaité de cœur ; reste à voir ce qu’il va obtenir en échange, et si son retour et son amnistie que le Sommet de la SADC à Dar-es-Salaam avaient mentionné vont être suivis d’effet. Les habituelles langues de vipères du clan TGV ont très rapidement persiflé, sous-entendant que Marc Ravalomanana n’était pas un homme de parole, et qu’il ne fallait pas se fier à ces engagements, en rappelant Dakar en 2002. C’est sans aucun doute pertinent, mais on pourrait en dire autant de certains immatures dont la parole et la signature à Maputo en 2009 ont démontré la valeur de leur cours à la bourse du poil à gratter. Et certains des gourous du TGV en 2009 étaient des gourous de Ravalomanana en 2002, étaient présents à Dakar, et ont contribué à faire gober les salades de l’époque. N’est-ce pas Norbert ?

Je pars de l’hypothèse que Marc Ravalomanana respectera sa parole, et qu’il se placera en position d’être en réserve de la République, suivant la formule consacrée. En attendant, il lui restera la possibilité de mettre en lice un poulain capable de tirer parti du capital de sympathie qui est resté au sein d’une large partie de la population pour Marc Ravalomanana. Dans ce cas, son fils Tojo serait une option, et en tous cas plus qu’un des lieutenants du TIM qui pêchent par manque de charisme et de capacité de rassemblement entre les différentes tendances. Par expérience, on sait que les Malgaches se positionnent plus par rapport à une personnalité qu’à un programme. Car s’il fallait présenter un projet de société pour arriver au sommet de l’État, Andry Rajoelina n’y serait jamais arrivé. Diriger un État, c’est autre chose que de se complaire dans des mises en scènes de dessin animé pour adolescent attardé.

Certes, pour son fan-club, un stade, un espace de concert et des hôpitaux dont la pertinence reste à démontrer pour le système de santé à Madagascar font figure de programme. Rajoelina se présente donc comme un bâtisseur aux yeux de ceux qui s’ébaubissent d’un stade à la gloire des bas-quartiers et d’un coliséum qu’aucun concert non gratuit ne pourra remplir. Mais pour la majorité de la population, la seule chose qu’Andry Rajoelina aura bâtie, c’est une crise socio-politique qui a appauvri les Malgaches, augmenté le chômage, aggravé l’insécurité, réduit le pouvoir d’achat, mis à mal les investisseurs, renforcé l’instabilité de l’armée, et ridiculisé Madagascar sur la scène internationale. Mais pour ces zava-bita tsy manara-penitra, seuls les éditos des irréductibles serviront de plaque de marbre.

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