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Editorial

L’après ni ni : M. Beriziky, le FFKM, l’Armée et la Communauté internationale face à leurs responsabilités

mercredi 23 janvier 2013 |  4543 visites  | Anthony Ramarolahihaingonirainy

À quoi devrait-on s’attendre avec l’après ni ni ? Assisterait-on à un énième bluff de Ravalomana et Rajoelina ? Ces questions semblent farfelues de prime abord. N’a-t-on pas déjà le calendrier de la CENIT ? Les deux ne se sont-ils pas clairement prononcés ? Leur pertinence est pourtant incontestable tellement l’histoire de la Grande Ile est jonchée de rendez-vous manqués, de faux bonds, de marché de dupes etc. Juste pour la dernière décennie, le pays a à son actif quelques célèbres promesses et engagements non tenus pour ne citer que Dakar 2, Maputo 1 et 2, Iles Desroches et Mahé, Dar-Es-Salam 1,2,3 etc. Sauf que s’y attarder ne servirait à rien d’autre qu’à attiser des polémiques inutiles.

Passons donc les doutes sur le calcul politique entourant l’acceptation du ni ni par Ravalomanana et Rajoelina même si c’est très tentant de le faire. Pointons juste l’unilatéralisme dans lequel la décision de chacun des protagonistes a été prise. Chacun s’est prononcé tout seul « comme un grand » chacun de son coté. L’idéal aurait été pourtant un engagement (nuance sur la terminologie utilisée : engagement et non décision) négocié, concerté et conjoint, marqué pourquoi pas par une poignée de main à la fin (c’est trop demander s’exclameront la plupart d’entre nous !) si l’Ex- et le désormais Ex- par procuration étaient un tant soit peu regardants du fameux Soa toavina malagasy dans lequel le fihavanana constitue le socle. Au revoir réconciliation ! Leur attitude respective démontre qu’une telle entreprise est encore remise aux calendes grecs (ny kibay an-kelika ihany). Mais passons ! La perfection n’est pas de ce monde ! Leur retrait respectif vaut déjà son pesant d’or en permettant de passer à une autre chose plus édifiante que la banale querelle d’égos : une vraie refondation de la République. Mais est-ce que tout le monde y pense vraiment ? La réponse n’est pas aisée vu la précipitation actuelle de tous pour le (re-)partage du gâteau, euh ! excusez du peu, la tenue des élections !

Oublions les doutes somme toutes légitimes sur la possibilité d’une volte-face de l’un ou de l’autre voire des deux. Gardons également tout commentaire sur la recomposition inéluctable du paysage politique due au repositionnement des habitués du retournement de veste ou encore toute spéculation sur l’intention renfermée dans la proposition de Rajoelina en faveur d’une législative avant la présidentielle. Épargnons-nous tout propos désobligeant sur la guerre de leadership qui émaillera prochainement la vie interne des deux principaux camps protagonistes. Bref, évitons tous sujets sensibles (qui fâchent !) au nom de l’apaisement pour épargner la susceptibilité de tous et focalisons plutôt notre attention sur l’essentiel : Que resterait-il à faire après ce double désistement ?

Prise de responsabilité sollicitée, opportune et ô combien salutaire !

Le PM, le FFKM et les Foloalindahy sont les clés de voûtes de la réussite de l’après ni ni. Espérons que M. Beriziky saura prendre les initiatives qu’imposent l’urgence de la situation et agir en conséquence avec audace, justesse et fermeté comme le fit un certain Guy Willy Razanamasy en son temps. Osons espérer également que l’Armée saura enfin retrouver son rôle de protecteur des institutions et de la nation (Tandroka aron’ny vozona) pour épauler les actions du PM et du FFKM pour le bien du pays conformément à sa devise « Ho an’ny Tanindrazana » maintenant que les deux pommes de la discorde en son sein se sont retirées. Gageons surtout que le FFKM, facilitateur naturel dans un pays majoritairement chrétien, saura dépasser ses querelles intestines pour se pencher en toute neutralité et objectivité dans la résolution de la crise [1].

Refondation de la République

Le chantier serait encore énorme si le vrai objectif depuis 2009 était le bannissement des crises cycliques et la marche vers un développement durable, c’est-à-dire rien de moins qu’une refondation complète de la république. Comment y parvenir diriez-vous ? Notre article intitulé « Après la crise… la bonne gouvernance » publié au tout début de la crise en 2009 trace les grandes lignes. Plusieurs étapes seraient nécessaires et devraient répondre à un certain ordre chronologique des priorités.

Enfin le fameux « Diniky ny samy Malagasy » tant espéré !

Rappelons d’abord que le dialogue malgacho-malgache est prévu dans la feuille de route. Concrètement, dans l’immédiat, la nécessité de conciliation, d’apaisement et de discussions méthodologiques rendrait utile la tenue d’une concertation réunissant toutes les forces vives de la nation. Le PM appuyé par l’Armée (espérons-le !) a le pouvoir et surtout le devoir de solliciter le FFKM dans ce sens au nom de l’apaisement et de la sortie de crise. Nos précédents articles sur le ni ni évoquaient cette éventualité comme étant la phase qui devrait immédiatement suivre l’acceptation de la proposition après que l’obstacle dressé par la querelle d’égo entre les deux principaux protagonistes se dissipe. Une fois le blocage écarté, la marche en avant peut enfin être enclenchée. Rien n’empêche de reconsidérer dans ce sens les concertations initiées actuellement par le FFKM. 

Un scénario semblable à celui décrit dans la convention du 31 octobre 1991 mais réactualisé suivant les contextes du moment serait souhaitable à l’issue de ces rencontres. Reprenons avec fierté le mécanisme à la fois original inspiré de la sagesse de nos aïeux (Ny mandresy tsy hobiana ary ny resy tsy akoraina) et unique dans l’annale des sorties de crise en Afrique voire dans le monde contenu dans ce document. Sachons profiter de cet acquis témoin d’un passé où nous avions su trouver une solution négociée à une crise ayant précipité le pays au bord d’une guerre civile latente sans aide ni intervention étrangère. Le scénario n’est donc plus à inventer. Il reste juste à faire le casting. Pourquoi ne pas penser à deux postes de Présidents à titre honorifiques sans réel pouvoir de décision pour les deux protagonistes (ou inviter les deux à s’écarter en même temps) et confier les pleins pouvoirs au Premier Ministre ? Un nouveau gouvernement de techniciens ne serait-il pas souhaitable pour l‘organisation d’élections crédibles et afin de parer à l’absurdité d’un gouvernement constitué de membres aux appartenances politiques hétéroclites, disparates et aux intérêts inconciliables dans lequel la solidarité est tout sauf une réalité ?

Législatives-Assemblée constituante, référendum, présidentielle

À court terme, l’idéal serait d’organiser dans l’ordre les élections législatives-Assemblée constituante, référendum, présidentielle conformément à nos propos publiés le 09 novembre 2011 dans la foulée de la signature de la feuille de route. Il serait recommandé d’organiser d’abord les législatives avant la présidentielle. Les raisons sont simples. D’une part, une présidentielle tenue avant l’adoption d’une nouvelle Constitution poserait un problème technique certain dans l’état actuel du droit. Le nouveau président sera-t-il élu sous l’égide de quel texte fondamental étant donné la non reconnaissance de la Constitution de 2010 par la plupart des membres de la classe politique, de la Communauté Internationale voire des simples citoyens ? D’autre part, ce choix permettrait d’éviter que le Président fraichement élu ne taille à sa mesure la nouvelle Constitution à adopter. Inutile de rappeler que nos anciens Présidents sans exception nous auront habitués à une telle pratique depuis l’indépendance (voir de plus amples développement dans « Le bon timing pour une bonne loi fondamentale »). De même, un tel ordre serait utile pour contourner l’autre plaie dans les pratiques politiciennes du pays [2]. Habituellement, le nouveau Président fort de sa stature avantageuse pèse de tout son poids sur le scrutin législatif pour assurer à son propre parti une écrasante majorité parlementaire. Le mécanisme démocratique du pays s’en trouve completement faussé, l’Assemblée et le Sénat étant devenues de banales chambres d’enregistrement.

Confectionner la nouvelle Constitution serait la première tâche de la nouvelle Assemblée ainsi élue. Une fois cette première tâche accomplie, l’Assemblée s’attaquerait à la refonte, à la reformulation des autres textes électoraux pris par ordonnance ou par les deux chambres de la transition, notamment, le code électoral, les textes sur le CENIT, les dispositions sur le financement des partis politiques, le statut de l’opposition, les lois sur les médias et la communication etc. Elle se chargerait éventuellement de l’épineux dossier de l’amnistie. [3]

La présidentielle viendrait seulement après le référendum et donc l’adoption d’une nouvelle Constitution sur la base des dispositions de laquelle seront fondées le contour de la fonction présidentielle (conditions d’éligibilités, mode de scrutin, durée du mandat, contenu et limites des pouvoirs du Président).

18 mois

La Transition régie par la convention du 31 octobre aura été bouclée en moins de18 mois. Une durée maximale identique devrait normalement suffire pour cette fois encore. Certains diront que c’est long. Mais déjà c’est moins long que les 4 années gaspillées jusqu’ici et il ne faut surtout pas confondre vitesse et précipitation. Nous avons le choix entre, d’une part, consacrer 18 mois supplémentaires pour une vraie transition qui aura pour mission une véritable refondation de la république aux termes desquels nous sortirions définitivement des spectres des crises cycliques, et d’autre part, se hâter dans des élections aux issues incertaines pour se retrouver avec une nouvelle crise dans 18 mois !

Nous avons les ressources humaines pour ce faire. Ce ne sont pas les Vato Nasondrotry ny Tany qui manquent. Faisons leur confiance. Osons leur confier les responsabilités.

À moyen et long terme, rien ne vaut l’éducation de tous les citoyens car les crises qui couvent depuis 1972 jusqu’à ce jour ont en toile de fond la dépravation des systèmes de valeurs et le déficit certains de toute attache patriotique.

Pour conclure, j’ai l’insigne honneur d’inviter la Communauté Internationale à prendre en considération le fait qu’à partir du retrait des deux principaux protagonistes, les contextes ont changé. La Constitution, les textes électoraux, les textes sur les partis politiques, le calendrier arrêté par la CENI étaient tous adoptés dans un contexte de transition à forte empreinte unilatéraliste. La présence des autres mouvances dans le gouvernement et les deux chambres parlementaires n’aura pas permis pour une raison ou une autre à baliser l’élan unilatéraliste de la « majorité ». Un passage en force pour organiser la présidentielle dans un climat d’incertitude juridique et de vide constitutionnel mènerait indubitablement Madagascar dans de nouvelles crises futures mais prévisibles et donc évitables. J’ose espérer que vous ne persisteriez pas dans votre insistance pour le respect du calendrier de la CENIT. Dans le cas contraire vous auriez bien malgré vous une grande responsabilité dans la résurgence future et certaine d’autres crises cycliques. Ce n’est pas sorcier Mesdames et Messieurs de la Communauté internationale, les mêmes causes produisent les mêmes effets ! [4]

Notes

[1Une émission diffusée par une station TV privée de la capitale en date du 30 novembre 2012 ayant comme invité votre humble serviteur contient d’intéressants développements d’ensemble sur d’une part le ni ni, notamment une opinion tranchée sur la nécessité de convaincre les deux adverssaires pour un engagement négocié et conjoint (tsy firotsahana ifanekena) accompagné de quelques arguments destinés aux principaux concernés pour ce faire, et d’autre part, sur l’après ni ni. Les recommandations de la Sadc intervenues 9 jours plus tard (le 8 décembre 2012) ne nous auront pas donné tort. D’intéresssantes propositions sur comment écarter tout soupçon de partialité en faveur ou contre une sensibilité en particulier, ou l’inféodation directe ou indirecte de certains leaders des 4 églises constituant le FFKM à untel ou untel demeurent pertinentes pour que les consultations actuelles initiées par le FFKM ne se terminent une nouvelle fois en queue de poisson (cas Rasendrahasina et Razanakolona Odon)

[2Gardons nous de dire pratiques politiques !

[3Une Assemblée élue serait l’idéal pour une telle entreprise. Rien n’empecherait toutefois aux participants du dialogue malgacho-malgache de se mettre d’accord en faveur d’une amnistie avant toutes les élections. « Tsy misy mangidy toa ny sakay fa refa ifanekena telina ihany »

[4Si...si...les organes de presses et de communication des chancelleries étrangères et les bureaux de liaisons de certains organismes régionaux et internationaux commencent leur journée par s’enquérir des nouvelles et opinions du jour. Ça fait partie integrante de leur job ! (pour les pessimistes qui pensent que les propos tenus sur la toile ne se rendent pas jusqu’aux destinataires. Qu’ils en tiennent compte ou pas est une autre histoire).

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