Facebook Twitter Google+ Les dernières actualités
lundi 29 avril 2024
Antananarivo | 01h47
 

Editorial

Costard sur mesure

vendredi 3 avril 2009 |  3174 visites  | Patrick A.

Les Assises Nationles se sont donc ouvertes. Dans l’ordre du jour plus ou moins imposé par la HAT aux modérateurs issus de la société civile, on parle de la future constitution et des lois qui l’accompagneront, du code électoral et des élections, de la réconciliation nationale et de conférences, mais pas explicitement des structures en charge de la Transition, de leurs compositions et de la répartition de leurs pouvoirs.

Ceci laisse craindre qu’à l’issue de quelques séances de « tora-po » (défoulement verbal), on sorte du chapeau de certains prestigitateurs une résolution inspirée par les instigateurs de ces rencontres, résolution qui portera sur les structures de la Transition et qui sera adoptée dans la précipitation.

On pourra sans doute compter sur les proches du Président Ravalomanana, qui organisent ce même jour à l’Hotel Carlton des contre-assises, pour concocter eux aussi une résolution allant dans le sens de leurs intérêts immédiats.

Et chacun aura ainsi contribué à perpétuer la tradition malgache de dispositifs constitutionnels taillés sur mesure selon les désirs des hommes au pouvoir.

Constitution sur mesure

En général, les coups de ciseaux et les points de coutures visent à modifier le costume pour renforcer les pouvoirs du Président, en passant le plus souvent par un référendum, optionnellement précédé de réunions à caractère cosmétique (« colloque d’Antsirabe » en 1961, vovonana en 1972, « dialogues présidentiels » sous Marc Ravalomanana).

Seule exception, mais exception notable, celle de 1992, où les forums régionaux de février, puis le forum national en avril et le référendum en août ont fait aboutir une volonté marquée de diminuer les pouvoirs présidentiels.

Pour le reste, il n’est qu’à faire monter sur un podium improvisé quelques unes des réalisations de nos grands créateurs pour constater une certaine continuité dans les tendances stylistiques :

- Tsiranana, juin 1962 : adoption de l’élection au suffrage universel direct du Président de la République, qui est en même temps chef de l’État et chef du gouvernement,
- Ramanantsoa, octobre 1972 : le référendum avalise que le Chef de l’État, également chef de gouvernement, dispose du pouvoir législatif par voie d’ordonnances,
- Ratsiraka, décembre 75 : par une seule élection, on adopte une nouvelle constitution avec un pouvoir présidentiel fort, et on plébiscite Didier Ratsiraka et son programme politique,
- Zafy, septembre 1995 : un amendement permet au Président de choisir son Premier Ministre parmi les personnalités proposées par l’Assemblée et de le révoquer,
- Ratsiraka, mars 1998 : les amendements constitutionnels rendent plus difficile l’empêchement du Président, qui voit par ailleurs son immunité renforcée et qui peut être réélu 2 fois au lieu d’une seule,
- Ravalomanana, avril 2007 : un texte profondément réécrit introduit des restrictions à l’immunité parlementaire, verrouille le Sénat par un quota alloué au Président de la République, et donne au Président la possibilité de légiférer par ordonnances en cas d’urgence ou de catastrophes.
- Ravalomanana, janvier 2009 : un amendement qui change les critères d’éligibilité aux élections nationales est adopté sans sourciller par les deux assemblées.

Breloques décoratives

Pour égayer ces costumes un peu sombres, nos stylistes les ont accompagné d’accessoires que nos grands hommes pourront allégrement « oublier » à domicile par crainte des « mpanendaka » (pickpockets et détrousseurs) qui siègent du coté d’Analakely.

Pour repousser les récriminations incessantes de centralisation du pouvoir et de l’avoir, on a ainsi mis en avant soit la décentralisation « effective », soit le fédéralisme.

En 1998, sous Ratsiraka, il a été promis des provinces autonomes ayant compétence législative sur certains domaines. L’élection par suffrage indirect des gouverneurs de province a fait que le parti majoritaire pouvait choisir à sa guise des hommes qui ne risquaient point de faire concurrence à l’éxécutif central. Ces élections de gouverneur étaient d’ailleurs faites par des conseillers régionaux ayant eux-même une légitimité affaiblie, du fait que le public qui ne comprenait goutte à ce nouveau système s’était peu déplacé pour leur propre élection.

La Constitution de 2007, quant à elle, a clamé la décentralisation effective en instituant deux niveaux, la Région et la Commune. Et grande nouveauté, les chefs de région devaient être élus au suffrage universel direct. Mais ces élections de chefs de région n’ont jamais eu lieu ; d’ailleurs, Marc Ravalomanana ne semblait nullement pressé d’organiser toute élection susceptible de le déranger, en s’appuyant abusivement sur la compétence du Président, telle qu’inscrite dans la Constitution, de légiférer par voie d’ordonnance sur la mise en place des institutions décentralisées.

Le deuxième hochet purement décoratif fut la Haute Cour de Justice. Aucun des gouvernements qui se sont succédé n’a jamais voulu mettre en place cette Cour pourtant inscrite noir sur blanc dans la Constitution. Personne ne scie la branche sur laquelle il est assis. Point question de substituer « le gouvernement de lois, non d’homme »(1) au gouvernement par la loi d’un homme.

On tentera de se consoler en se disant que la multiplication des juridictions d’exception n’est pas forcément signe de bonne administration de la Justice, bien au contraire (vous avez entendu parler de Guantanamo ?). La crainte d’un tel « tribunal politique » est cependant révélatrice des tentations répétées et malsaines de sortir des impasses politiques par des artifices juridiques.

La mode a de ces caprices...

Au début des années 1990, bien des diplomates en poste à Madagascar ricanaient que les véritables détenteurs du pouvoir dans ce pays étaient les juges de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC). S’il fallait une preuve que les membres de cette Cour sont des « faiseurs de rois », il suffirait de rappeller qu’en 2002, la modification de la composition de la HCC entérinée par un jugement du Tribunal Administratif a lourdement influé sur l’orientation des arrêts qui ont suivi.

La politisation de la Justice ne date pas des créations « artistiques » lues par Perle Rasoloarijaoa sur la place du 13 Mai. Depuis 1972, les juges administratifs et constitutionnels ont à plusieurs reprises accepté d’entériner des états de fait parfaitement contraires aux textes en vigueur.

Et ce n’est pas un leader populiste, mais un ancien Garde des Sceaux généralement respecté par ses pairs magistrats qui a écrit : « le manque d’indépendance des juridictions (HCC, juridictions administratives, financières et judiciaires) est considérée par l’opinion publique comme constituant une des principales sources de l’impunité des atteintes aux libertés démocratiques, aux droits de l’homme, à la liberté et à la sincérité du scrutin, et aux violations aux règles de bonne gouvernance. » (Document préparatoire des Assises Nationales)

Osons appeler un chat un chat. Destituer un élu est un acte politique. Parfois la Justice doit faire son oeuvre, mais qu’elle le fasse dans la sérénité, lorsque les passions politiques sont un peu passées. Plutôt que de faire reposer sur les épaules des magistrats d’une Haute Cour de Justice, non seulement leurs robes mais aussi un fardeau trop lourd, la Constitution future pourrait prévoir explicitement des mécanismes de destitution qui soient purement politiques et non pas juridiques. Nous avons déjà proposé ici un tel mécanisme, mais on peut en imaginer d’autres. La Première République mettait ainsi en oeuvre un mécanisme très original de responsabilité du Président devant l’Assemblée.

Et pour concilier stabilité politique, contrôle effectif des actes du pouvoir par une opposition, et possibilité d’alternance démocratique, il faut encourager le bipartisme par le recours au scrutin majoritaire, mais avec une dose suffisante de scrutin proportionnel pour obliger les deux grands partis à se préoccuper du centre et non pas seulement de leurs extrêmes.

La mode est au développement durable. Alors Messieurs, même si la friperie pas chère a habitué à changer constamment de couleurs et de formes, vous pourriez retrouver quelque plaisir à porter tous les mêmes grands classiques en coton et laine de qualité.


Note (1) Définition par l’anglais Locke du Rule of Law, qu’on traduira par État de droit, au tournant des XVIIème et XVIIIème siècles.

8 commentaires

Vos commentaires

  • 3 avril 2009 à 08:29 | New Africa (#559)

    Je vous remercie Patrick A.pour votre analyse retrospective bien agrémentées. J’attire l’attention des lecteurs que tous ces dirigeants qui se sont succèdés à Madagascar ne sont pas des spécialistes du droit mis à part Ratsirahonana.Ils étaient des instituteurs, des militaires, des entrepreneurs ou des voyous comme celui qui est au pouvoir actuellement. Si chacun faisait son role cela signifie que ces personnes doivent etre normalement etre guidées et controlées par les hommes de droit en ce qui concerne tout changement et application de la constitution et des lois.Mais ces hommes de droits, les magistrats, les membres de la haute cour, etc. ou sont-ils et qu’ont-ils fait depuis si ce n’est de reclamer plus de salaire, « plus d’autonomie » pour mieux faire peur aux dirigeants et réclamer plus de marge pour leur interets personnels (corruption etc) et non pour mieux controler les dirigeants et faire respecter la justice et la dignité du peuple misérablement méprisé de tous ! Si tous ces abus ont pu etre perprétrés depuis c’est qu’en premier lieu les hommes droit ce qui sont censés nous éclairer et se tenir debout pour dénocer les abus et les irrégularités sont des laches, des intéressés, des égoistes comme la plupart de l’élite malgache d’ailleurs (je suis désolé car j’en ai fréquenté bcp). Qu’on on voit ce que fait Ratsirahonna maintenant en legalisant ce pouvoir acquis par les armes, les ultimatums, les casses, les reglements de comptes, la menace avec les bagnards, l’irreverance à la communauté intrenationale dans un monde globalisé, on a des frissons dans le dos.Quelle honte et quelle tragédie pour notre pays.Andry TGV est un voyou il n’a rien a predre mais Ratsirahonona et les autres personnes plus respectables dans ce regeime ont salie à jamais leurs nom !J’ai envie de pleurer en voyant notre ile conduite comme un bateau pirate sans dignité ni avenir.Le tunnel infini et de plus en plus sombre comme toujours.S’il vous plait chers hommes de loi, élite economique et intellectuelles malagaches et militaires defenseurs du peuple reveillez-vous enfin !Refusons l’inacceptable ou les Malgcahes eront-ils à jamais des sarokenatra, mpiatsaravelatishy, sarotahotra, miandriandry lava, mpamadika comme toujours.Les putchistes eont exploité cela et les suivants vont encore faire de meme.A vous le choix.
    New Africa

  • 3 avril 2009 à 10:00 | lalatiana (#1016)

    Bonjour Patrick,
    Bonjour aux fidèles de Tribune

    Comme d’habitude : éclairant, plein de bon sens, ouvrant des pistes de réflexion.

    Merci à vous Patrick,
    Merci à tous les contributeurs de Tribune ...
    Lalatiana (http://madagoravox.canalblog.com)

  • 3 avril 2009 à 11:18 | poiuyt (#584)

    Bonjour. Difficile d’avoir autant de mémoire. Ayant constaté, on est en droit de reconsidérer à juste titre les propos de l’auteur avec son penchant apparent. Néanmoins, penser que ce qui se passe à Mada est normal dans ce pays, il faut s’en écarter. Il faut essayer par tous les moyens de commencer à avoir la paix perpétuelle pour un progrès malgache. Il faut signifier qu’il faut attendre les élections par tous les moyens, sinon il n’y aura jamais de décollage.

    Quand on regarde dans le rétroviseur, ce tgv accomplissait, accomplit un plan bien ourdi, un plan qui prévoyait des meurtres, des gens enrôlables appelés fozaorana puis capsat, une participation étrangère, des libérations inconcevables, … . Il n’y a pas, pas eu, d’hésitation ; comme un rouleau compresseur qui a surpris 8. C’est ce qu’il semble. Pourtant, on est en droit de se demander pourquoi 8 n’a pas eu de répondant. Si il y a une réponse quelque part, ce serait gentil de la partager.

    Ils parlent de terrorismes, pourtant ils se laissent faire, les gens de Tana qui sont les porteurs de la réaction malgache. Il est dit souvent que un baiser bouche obtenu est le signe que l’entre-jambe est acquis. Les gens des autres villes ne sont que des oyé-oyé, n’en déplaise-t-à eux. Et par là, Tana a un devoir sacré.

    Pourquoi les gens du 8 n’arrivent pas à fructifier localement leurs succès à l’extérieur. Tandis que Mettez cela entre les doigts malsains de l’autre et vous verrez quelles amplifications ILS en feraient.

    • 3 avril 2009 à 11:42 | samy leo (#1887) répond à poiuyt

      L’auteur a le droit d’avoir un penchant.
      comme vous.
      TGV est un criminel ?
      Vous devriez aller au tribunal pour le leur dire.
      N’oubliez pas les preuves.
      Sans preuves on n’avance pas non plus.

    • 3 avril 2009 à 11:43 | titi (#219) répond à poiuyt

      partant du fait que le pouvoir actuel est dans un état voyous comment expliquer la présence d’autant de malgaches lors des derniers déplacements de Rajoelina( noter que je ne l’appelle jamais président) à croire que de plus en plus de gens adhérent à l’esprit voyous pauvres malgaches tous des voyous

    • 3 avril 2009 à 13:05 | lalatiana (#1016) répond à poiuyt

      Bonjour tyuiop,

      Pouvez vous reformuler svp le :

      « Difficile d’avoir autant de mémoire. Ayant constaté, on est en droit de reconsidérer à juste titre les propos de l’auteur avec son penchant apparent »

      ou étayer ... ???

      Merci
      ps : ça « rame » en cxion sur tribune aujourd’hui ... c’est pénible

    • 3 avril 2009 à 14:48 | poiuyt (#584) répond à lalatiana

      Bonjour, Lalatiana. « Difficile d’avoir autant de mémoires (que Patrick). Ayant constaté (que Patrick a bcp de mémoire donc du recul), on est en droit de reconsidérer (positivement) à juste titre les propos (antérieurs) de l’auteur avec son penchant (entre pro-tgv et neutre) apparent ».

      Les 8 semblent avoir repris du poils. C’est mieux ainsi. Il faut rester dignes absolument, même si cela passe par 8.

    • 3 avril 2009 à 22:05 | lalatiana (#1016) répond à poiuyt

      aaahhhh ... je comprends mieux ...

      Intéressant exercice :-)

      Merci à vous ...

      Et à bientôt tyuiop

Publicité




Newsletter

[ Flux RSS ]

Suivez-nous

Madagascar-Tribune sur FACEBOOK  Madagascar-Tribune sur TWITTER  Madagascar-Tribune sur GOOGLE +  Madagascar-Tribune RSS