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Editorial

Paradoxes et inquiétudes

vendredi 5 février 2010 |  2200 visites  | Patrick A.

Aux yeux de la Banque Mondiale, une politique budgétaire prudente aura été un élément clé de la gestion en place depuis Mars 2009, contribuant à une relative stabilité financière qui peut surprendre autant que les données de croissance économique évoquées hier. L’on peut cependant se demander si cette politique prudente n’est pas actuellement en train de s’effilocher et si 2010 ne sera pas excessivement difficile pour les finances de l’État.

La dépense publique a en tout cas été sévèrement réajustée au cours de 2009 pour faire face à la baisse des recettes fiscales et à la perte d’une partie des aides étrangères. L’État a continué à payer les salaires et les dépenses courantes prioritaires, a honoré le service de sa dette extérieure, mais a très sévèrement coupé dans les dépenses de maintenance et d’investissement (utilisation en 2009 de 33% seulement des budgets prévus en début d’année). Cela a entraîné une baisse des dépenses de 690 milliards d’Ariary (environ 23%) par rapport à 2008.

Cette baisse est supérieure à celle des recettes fiscales par rapport au budget (603 milliards) et aura permis de compenser en partie la perte des aides extérieures.

Les autres acteurs du secteur financier auront montré la même prudence. La masse monétaire M3 a baissé de 3% en termes réels [1] entre décembre 2008 et novembre 2009, du fait de la faible croissance de l’endettement tant public que privé. Comme les dépôts auprès des banques ont dans le même temps continué d’augmenter [2], semblant refléter la stratégie de beaucoup d’acteurs économiques de limiter les dépenses et de constituer des réserves monétaires facilement mobilisables pour faire face à la crise, le système financier s’est en fait retrouvé en excédent de liquidités. Cela s’est reflété dans la baisse des taux d’intérêt sur le marché des Bons de Trésor par Adjudication, où les rémunérations ont baissé de 3,5% entre Mai et Novembre.

Début décembre, la Banque Centrale a même été obligée d’absorber une partie des excédents de liquidité en procédant à un appel d’offres pour que les banques placent auprès d’elle une partie de leur trésorerie.

Cette situation très paradoxale dans une situation de crise s’explique en fait par le caractère relativement fermé de l’économie malgache. Dans une économie ouverte, avec une monnaie librement convertible, les acteurs économiques se seraient vraisemblablement empressés d’envoyer leurs fonds s’abriter à l’étranger, et la devise nationale se serait brutalement effondrée. Mais pour beaucoup d’acteurs malgaches, faire cela n’était tout simplement pas possible, que ce soit pour des raisons réglementaires ou pratiques, et l’argent est donc resté au pays. Mais on peut aussi estimer que les acteurs économiques se sont finalement accoutumés à la situation actuelle, puisque même le volume des dépôts en devises auprès des banques locales reste stable après une chute initiale consécutive à l’arrêt des projets sur financement extérieur.

« Ny vola misy, fa ny hampiasa azy no toa mampatahotra »

Effet d’aubaine face à cette abondance de liquidité, tentation de donner un coup de pouce à la croissance face aux multiples revendications et à l’approche d’élections, ou difficulté réelle à continuer de comprimer les dépenses ? Il semble en tout cas que l’État a tendance depuis quelque temps à dépenser davantage. Les engagements de dépense du quatrième trimestre 2009 étaient supérieurs de 200 milliards à ceux de la période correspondante de 2008, marquant une rupture par rapport à la conduite précédente.

Cela arrive pourtant à un moment où les recettes fiscales vont vraisemblablement connaître une nouvelle baisse, car si certains impôts étaient perçus en 2009 sur la base de calcul des revenus de 2008, ils le seront désormais sur la base de calcul des revenus de 2009, et donc connaîtront un net recul.

Les marchés financiers semblent en tout cas anticiper une situation où la trésorerie de l’État deviendra plus difficile, puisque les taux d’intérêt des BTA sont nettement repartis à la hausse. Les derniers résultats indiquent, d’une manière sans équivoque, une évolution défavorable pour le Trésor, donc pour l’Etat, des taux d’adjudication [3]. Mais cette situation pourrait entraîner à terme une nouvelle perte de confiance vis-à-vis des finances de l’État, puis de la monnaie.

Alors, croissance ou récession en 2010 ? On serait tenté de répondre par une pirouette en disant que personne ne s’intéresse réellement à cette question, dans un contexte où pour beaucoup de monde, le court terme c’est le lendemain, le moyen terme c’est la fin du mois et le long terme s’arrête à dans trois mois.

On peut ajouter d’ailleurs que le PNB reste un assez piètre indicateur, notamment lorsque la croissance dans le secteur minier devient l’arbre qui cache les difficultés du reste de la forêt. Si le projet Ambatovy tient ses délais, la croissance pourrait être présente dans les chiffres, mais elle n’impactera guère la plupart des malgaches.

Par contre, en cas de grave dérapage de la situation financière de l’État, beaucoup le ressentiront... Pour les autorités financières, la prudence restera donc vraisemblablement de mise, car des acoups brutaux pourraient être fatals. Reste à savoir si elles arriveront à résister aux pressions politiques et sociales. La grève du corps médical constitue à cet égard un sacré test.

Notes

[1+5% en termes nominaux.

[2+11% entre décembre 2008 et novembre 2009, avec +27% pour les placements et +16% pour les dépôts en devises.

[3Ci-après les récents taux des BTA : 4 semaines : 5% au lieu de 3,8 auparavant ; 12 semaines : 6,9% contre 6,4 ; 24 semaines : 7,8% contre 7,2 ; 52 semaines : 9,7% contre 7,8.

15 commentaires

Vos commentaires

  • 5 février 2010 à 09:58 | PLUS QU’HIER ET MOINS QUE DEMAIN (#1532)

    Bravo pour l’analyse objective.
    En ce qui concerne les taux de BTA, rien d’alarmant on revient à la situation en 2008 alors qu’avant 2007 les taux de BTA avoisinaient le 16%).

    • 5 février 2010 à 12:07 | maminah (#2788) répond à PLUS QU'HIER ET MOINS QUE DEMAIN

      Scepticisme de Cassandre mis à part, les résultats de 2009 n’ont-ils pas continué de bénéficier des retombées de la vigueur des exercices précédents ? Notamment des fruits des efforts déployés par le régime précédent en faveur de la riziculture ?
      A ce titre, les résultats de 2010 me paraîtront plus pertinents pour juger de la santé de la gestion actuelle.

  • 5 février 2010 à 10:20 | lalatiana (#1016)

    Merci Patrick A.

    Cordialement

  • 5 février 2010 à 11:52 | violety (#3681)

    Ceci prouve bien que les années de gouvernance de R8 étaient de la gabegie jusqu’en 2008. Pour 2010, si l’actuel Ministre des Finances continue sur la lancée imprimée par son prédécesseur Benja Razafimaleo, avec rigueur, et sagesse, il n’y aura pas lieu de s’inquiéter. Ceci dit, Mr Patrick et Mr Ndimby : il faut suivre de très près l’évolution de la situation et ne PLUS attendre un an comme avant pour tirer la sonnette d’alarme. C’est ça aussi le changement qu’on est en droit d’attendre de vous Messieurs les Journalistes. Merci d’avance. Il est « minuit » quelque part ici aux Etats Unis.

    • 5 février 2010 à 12:24 | maminah (#2788) répond à violety

      Le Sieur Benja Razafimaleo a-t-il été particulièrement formé aux arcanes de l’économie et des finances ? Quel est au juste son cursus dans ces domaines ? Les quelques mois qu’il a passés dans ce ministère justifient-ils qu’on voie déjà en lui le sauveur de l’économie malgache, et dans la foulée, si on comprend bien votre optique, de Madagascar tout entier ?

      L’opportunité favorise déjà une pointe de propagande. Malgré tout, on n’a pas suffisamment de recul pour être édifiés.

    • 5 février 2010 à 12:42 | violety (#3681) répond à maminah

      Bien sûr que vous préférez la gestion de R8 et son Min des Finances le Sieur Haja, qui sont tous les deux en exil actuellement, pour ne pas dire « ont fui le pays qu’ils ont fait saigné à blanc », n’est ce pas ? Force one 2 ça vous dit quelque chose ? Ce n’est pas le cursus du Sieur Benja le problème, je crois avoir lu une note du FMI qui l’ a félicité avec les résultats qu’il a réalisés en quelques mois, à moins que le FMI ne compte pas non plus dans vos jugements, et que cette institution fait aussi une pointe de propagande pour lui. Qu’est ce qu’il faut pour vous consoler mon pauvre ami (e) ?

    • 5 février 2010 à 14:02 | maminah (#2788) répond à violety

      Nul besoin de me consoler : je suis tout sauf malheureux(se), vous pouvez m’en croire...

      Quant aux études de la BM, je ne prétends bien sûr pas les mettre en doute. Sauf que je reste persuadé(e) que les résultats de 2009 ont continué de bénéficier de la solidité des exercices précédents. J’ai dit plus haut que, à cet égard, les résultats de l’exercice de 2010 me paraîtront bien plus pertinents pour juger de la santé de la gestion post-putsch.

      Une question que je voudrais cette fois poser à Patrick A. : peut-on édulcorer un bilan pour ne pas saccager complètement le moral d’un peuple ?
      Comme on dit, on peut tout faire dire à des chiffres, alors je ne me prive pas de poser cette question...

    • 5 février 2010 à 14:17 | maminah (#2788) répond à maminah

      Par « édulcorer », j’entends une certaine dimension « diplomatique ».

  • 5 février 2010 à 12:34 | râleur (#3702)

    si on a taillé à la serpe dans les dépenses de maintenance et d’investissements, ce n’est pas du tout bon signe. Cela veut dire que la maintenance coutera bcp plus cher cette année 2010 (c’est logique car la réparation sera plus lourde), idem pour les investissements. Les investissements participent à la croissance mais avec un effet retard (un investissemnt en 2009 ne produira des effets que sur 2011). Par contre là où c’est inquiétant c’est que la masse salariale des fonctionnaires ont déjà été décidée à la hausse. Toutes ces indications feront qu’il y aura un triple effet de ciseaux qui vont peser lourdement sur l’économie dans les 2 ans à venir.
    Comme le poids de la dette intérieure (les BTA) va augmenter (puisque les taux sont supérieurs), les signaux seront tous dans le rouge, au point de vue macroéconomique.

    Allez, pour finir de noircir le tableau, un chomage galopant (-280.000 emplois) entraîne toujours des problèmes sociaux.

    En résumé, le réveil risque dêtre dur, très dur, élections ou pas.

    On a presque envie de dire ’’tout ça pour ça’’.

    • 5 février 2010 à 13:04 | violety (#3681) répond à râleur

      Tout ça pour chasser R8 et ses sbires. En Afrique R8 ne serait pas sorti vivant d’Iavoloha et il n’y aurait pas eu tous ces problèmes de SADEC , OUA , GIC etc.....et TGV serait déjà Président comme ses prédecesseurs . Si on pouvait refaire l’histoire ! TGV doit le regretter amèrement d’avoir tendu sa main aux 3 vieux « vomis par la population », et qui veulent être à sa place maintenant après être sortis des placards et des maisons de retraite ! « Reconnaissance », on ne connait pas ce mot à Mada.

    • 5 février 2010 à 18:56 | lalatiana (#1016) répond à violety

      Débarrassons nous du problème : zigouillons tout le monde ...

      Belle mentalité ... espèce de khmer rouge !

      berk

    • 5 février 2010 à 19:31 | maminah (#2788) répond à lalatiana

      Violeurs et fiers de l’être.

      Après, ils s’étonnent de la perplexité qu’ils suscitent...

    • 6 février 2010 à 12:00 | Basile RAMAHEFARISOA (#417) répond à violety

      violety

      toujours l’histoire de fihavanana à triple « sens ».

      c’est la raison de mes cris de détresse :

      « MAPUTO,un marché de dupes »,addis,un accord bancal !!

      Si le vieux Professeur n’ a pas piégé le jeune Andry RAJOELINA et l’amiral rouge, de son désir éternel d’être sur le livre d’histoire de Madagascar,la H.A.T. a réglé ce problème malgache depuis quelques mois. HELAS !!!

      Basile RAMAHEFARISOA

    • 6 février 2010 à 14:31 | sissi (#3685) répond à lalatiana

      D’accord Lalatiana mais par qui allons nous commencer ???
      Sissi

    • 6 février 2010 à 14:34 | sissi (#3685) répond à lalatiana

      Tout à fait d’accord avec avec vous mais par qui allons nous commencer ???
      That is the question.

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