Facebook Twitter Google+ Les dernières actualités
vendredi 29 mars 2024
Antananarivo | 13h17
 

Editorial

Bugs de buzz et trano bongo

vendredi 7 octobre 2011 | Patrick A.

Quelques heures après avoir risqué à la fin de mon éditorial précédent une comparaison entre Steve Jobs et les hommes politiques malgaches, j’ai été invité à m’expliquer sur les différences que je percevais entre un Steve Jobs et un Marc Ravalomanana, en tant qu’entrepreneurs. Après tout, les deux hommes ont en commun un certain nombre de qualités (opiniâtreté, capacité intense de travail, sens de la communication) et de défauts (caractère tyrannique). Et entre les zanak’i Dada et les Applemaniaques, on peut légitimement douter que les seconds soient les plus rationnels.

Je n’y aurais pas accordé plus d’attention, s’il ne m’était pas apparu que quelques-unes des idées qui circulent à toute vitesse depuis 24 heures allaient à l’exact contre-courant des réflexions que les entrepreneurs africains devraient tirer de l’exemple du créateur d’Apple. Car l’internet buzze excessivement sur Steve Jobs ; s’il est alors inévitable que quelques contre-vérités soient dites ou écrites de ci de là, il serait dommage qu’elles s’incrustent dans nos trano bongo.

Tentative d’élagage

La plus tenace et la plus dangereuse de ces contre-vérités est celle selon laquelle Steve Jobs serait un inventeur. Il y avait déjà des ordinateurs personnels avant l’Apple I, des lecteurs de musique numériques avant l’iPod, des magasins de musique numérique avant iTunes, des téléphones évolués avant l’iPhone, et Apple a lancé l’iPad au moment où personne ne croyait déjà plus trop à ce genre de produits ailleurs que sur des petits marchés de niche.

Cette idée que Steve Jobs serait un inventeur est particulièrement pernicieuse, car par contrecoup, certains de ses détracteurs le présentent comme un simple copieur doté d’un sens aigu du marketing. Ce qui, au final, pourrait faire croire à nous autres Africains que l’innovation est soit inaccessible à nos entreprises, soit carrément inutile.

Steve Jobs n’était pas un inventeur, mais un innovateur. Il n’a pas inventé la souris d’ordinateur, il a réussi à en obtenir une qui coûtait 25 dollars au lieu de 400, et qui ne s’encrassait pas au bout d’une heure d’utilisation. Cela fait une sacrée différence, mais cela ne diffère guère des difficultés que les entreprises africaines doivent surmonter.

On soudait, on branchait des trucs, Steve était pendu au téléphone pour acheter des pièces, trouver des distributeurs, parler à des gens, finir par lever de l’argent. […] Il n’écrivait pas les programmes lui-même, mais il pouvait employer de formidables techniques de gestion pour obtenir le meilleur de tous les ingénieurs. […] Steve était toujours en train de pousser — « tu peux faire ceci ? », « tu peux faire cela ? » — les ingénieurs au-delà de leurs limites, et il obtenait d’eux que ce soit finalement fait — « oui, je peux, je peux. »
Steve Wozniak, co-fondateur d’Apple

En cela, il ne devrait pas y avoir de différence fondamentale entre la culture d’une des plus grosses sociétés au monde et celle que l’on devrait retrouver à Antananarivo.

Discipline

Le troisième malentendu porte sur une compagnie immensément riche qui transformerait en or tout ce qu’elle toucherait. En comparant les échecs d’Apple dans les années 1980/1990 et ses succès ultérieurs, on est frappé par une discipline de fer pour se concentrer sur quelques objectifs très précis. Steve Jobs avait pendant des années refusé de fabriquer un téléphone, tant qu’il ne visualisait pas ce qu’Apple pouvait apporter de plus sur un marché fortement disputé et piloté par des opérateurs en télécommunications à la recherche du moindre prix.

Notre but est de concevoir les meilleurs ordinateurs personnels du monde et de créer des produits que nous sommes fiers de vendre et que nous pouvons recommander sans hésitation à notre famille et à nos amis. Et nous voulons le faire au prix le plus bas que nous pouvons atteindre — mais il faut que je le dise, il y a des trucs faits par d’autres que nous ne pourrions pas vendre. Que nous ne serions pas fiers de recommander à notre famille et à nos amis. Nous ne pouvons pas le faire.

Nous ne pouvons tout simplement pas vendre de la merde.

Il y a une ligne jaune que nous ne pouvons pas franchir à cause de ce que nous sommes. Nous voulons faire les meilleurs ordinateurs personnels.
Steve Jobs

Cette discipline s’est traduit par une croissance presque exclusivement interne, et sans aucun endettement. Elle se voit aussi dans la conception des produits : celle-ci fait délibérément l’impasse sur certains points que la presse spécialisée juge pourtant indispensable, pour privilégier d’autres points comme la facilité d’utilisation et la durée des batteries. On la retrouve dans une organisation logistique reconnue comme parmi les meilleures au monde.

Ce sens de la discipline n’est pas évident à transposer dans nos pays où la tentation par exemple de sauter de très bons produits laitiers à des boissons gazeuses bien plus médiocres en faisant appel à l’endettement bancaire est permanente.

Ouverture

Le quatrième malentendu sur Steve Jobs est lié à son caractère supposé tyrannique et au culte du secret qui entoure Apple. Ce serait passer sous silence que les sociétés à succès de la Silicon Valley sont bien plus ouvertes que la plupart de celles de notre continent ou de l’Asie. « Coopetition », ce mot forgé à partir de « coopération » et de « compétition » constitue un point essentiel de leur culture. Dans le cas d’Apple, la société a notamment inventé la notion d’« évangéliste » pour désigner le poste de cadres chargés de rassembler une masse critique de personnes pour adhérer à une technologie.

Dans le même ordre d’idée, il est frappant de voir à quel point Apple garde d’excellentes relations avec ses anciens employés partis créer des sociétés concurrentes, et a assumé de travailler avec des ennemis potentiels. Eric Schmidt, patron de Google, était membre du conseil d’administration d’Apple jusqu’en août 2009. Apple et le coréen Samsung sont en guerre ouverte sur des questions de brevet, mais Apple est l’un des principaux clients de Samsung qui fabrique les microprocesseurs des iPhones et des iPads selon les spécifications de la société américaine. À l’inverse, combien de patrons africains refusent de rendre compte ne serait-ce qu’à leur famille ? Combien seraient prêts à prendre le risque de se faire débarquer de leur société par un Conseil d’administration, comme cela est arrivé à un Steve Jobs ?

Difficile de finir sans parler des rapports au pouvoir politique et de la tentation du jeu politique. Là réside sans doute un des points les plus délicats à transposer sur le continent africain. Bien qu’ayant un Al Gore parmi les membres de son conseil d’administration, Apple était plutôt indifférente aux intrigues politiciennes, dépensant bien moins en lobbying que des sociétés de moindre taille ; ce qui ne l’empêchait pas parfois de s’engager autrement, par exemple en faisant figurer Rosa Parks dans sa campagne publicitaire « Think Different ».

9 commentaires

Vos commentaires

  • 7 octobre 2011 à 09:26 | LE VEILLEUR alias L’EVEILLEUR (#1331)

    « Coopétition » : un mot clé à retenir.

    Promouvoir une culture de l’excellence là où nous sommes appelés. Voilà un noble objectif.
    Excellence relationnelle, excellence industrielle, excellence spirituelle, ...

    Heureux celui ou celle qui prend le moyen de connaitre et qui poursuit sa vrai vocation.

    • 7 octobre 2011 à 09:29 | LE VEILLEUR alias L’EVEILLEUR (#1331) répond à LE VEILLEUR alias L'EVEILLEUR

      ... le « Trano bongo misy ronono » n’est-il pas à notre portée ?

    • 7 octobre 2011 à 15:12 | ZOZORO (#5338) répond à LE VEILLEUR alias L'EVEILLEUR

      Le « trano bongo » nous l’avons mais le lait il est à Sandton ! (lasa vao ramalala)

      Quant à la portée, on va d’abord commencer par ne pas payer les maîtres FRAM pour que nos enfants s’abrutissent de plus en plus. Puis on va payer les PAT de l’université, comme ça plus d’études sup.... Et enfin, on va construire des hopitaux normatifs avec que des infirmiers et des infirmiers dedans ! (oui, on a bien fermé l’université avant, non ?)...

      Et quant l’obsession pour DARK ANGEL, ... no comment !

    • 7 octobre 2011 à 15:16 | ZOZORO (#5338) répond à LE VEILLEUR alias L'EVEILLEUR

      On va pas payer les PAT io azafady ; plus de bourses pour les étudiants et ceux qui s’entêtent à travailler, l’université de toamasina a été un université pilote le mois dernier. On fera pareil pour tous les universités sans que la police ne lève le pti doigt !

  • 7 octobre 2011 à 10:50 | Ikelimalaza (#5896)

    Steve Jobs, Bill Gates ou Mark Zuckerberg font peut être la fierté des USA tandis que RaHUIT fait la honte aux « mal gache »

    - chivas regal, johnny walker made in Scotland
    - Blaupunkt, Marantz, Mercedes made in German
    - Bourgogne Wine, Citroën fabriqués en France
    - Nintendo, Kawasaki, Mitsubishi made in Japan
    - Savony Nosy VITANTSIKA MALAGASY

    • 7 octobre 2011 à 11:24 | ZOZORO (#5338) répond à Ikelimalaza

      Le label c’est pas VITA MALAGASY mais VITA MORA.

      Mais nous aussi, on a notre fierté en matière d’exportation :
      - Bois de rose EASY MADE

      C’est de la qualité, le moins chère du marché et presque aussi vieux que le Johnny WALKER et les glefiddich...

      Bois de rose since 1700... Cuvée par un président en exercice s’il vous plait !

      Mais revenons -en à notre steve jobs. SEM Pdt Rajoelina a aussi certaines de ces qualités :
      - L’acharnement (plus au pouvoir qu’au travail)
      - La tyrranie (il est même meilleur que quiconque)
      - L’nnovation : il dit faire mieux que le laitier...
      - Et la main de Midas. La TV Ravinala pourrie de Ratsirahonana transformée en VIIIIVAAA. Les panneaux doma injet (oui, quel panorama n’est pas masqué par des pub maintenant je me le demande)... Tout a commencé par un portrait géant de l’aveugle à l’immeuble SOLIMA Anosy : raha nandinika ny saiko.....

      Donc Patrick, Nous avons déjà notre Andry Jobs.... Y a pas à s’en faire.

      L’avenir du pays est déjà tout tracé. Gates va être vert de jalousie devant notre TGV...

      Après le sommet de new york ; le nouvel objectif c’est la tribune des G10...

    • 7 octobre 2011 à 11:27 | ZOZORO (#5338) répond à Ikelimalaza

      Vamos hacer la fiesta !!!

    • 7 octobre 2011 à 14:30 | Ikelimalaza (#5896) répond à ZOZORO

      I’ve got a Midas Touch, everything I touch, change to gold.
      I’ve got a Midas Touch, baby, let me touch your body and your soul

      - Tunnel à Ambodifilao
      - routes superposées à Anosizato, Ambohibao
      - Orange Tower in Ankorondrano

      Antananarivo moderne no tanjona ka tadidio.

      AZONAY E ! TSY HAMELANAY

  • 8 octobre 2011 à 11:13 | racynt (#1557)

    Juste une petite rectification , les tablettes numériques du genre iPad existaient déjà bien avant. Sauf que c’était des tablettes qui n’étaient pas déstinés pour tous publics mais réservés à des professionnels selon des secteurs de travail bien particulier. Exemple dans le domaine de la santé, des hôpitaux possédaient des tablettes pour chacun de leur médecin afin que ceux ci n’ont pas à trimballer des centaines de dossiers encombrants de chaque patient lors des visites quotidiennes ou aussi dans le secteur du bâtiment où les architectes chef de chantier et autres puissent accéder à tous les dossiers , plan du bâtiment ou autres informations , voir accéder à internet pour faire des commandes à des fournisseurs en menuiserie ect... tout en suivant le chantier sur place...

Publicité




Newsletter

[ Flux RSS ]

Suivez-nous

Madagascar-Tribune sur FACEBOOK  Madagascar-Tribune sur TWITTER  Madagascar-Tribune sur GOOGLE +  Madagascar-Tribune RSS