Export

Il y a quelques jours, Ben avait choqué certains en comparant un débat télévisé avec un match de foot. À le relire, j’ai cru comprendre qu’il avait du mal à veiller, en particulier lorsque le match n’offre pas de perspectives de haut niveau.

La dernière fois que j’ai veillé pour un match sportif, ce n’était pas pour du foot, mais pour du rugby. On qualifie le rugby de sport de voyou pratiqué par des gentlemen, ce qui est vrai à quelques malheureuses exceptions près, comme lorsque ce sport devient « ringy by ». Et j’avoue que les pratiques de certains joueurs à Madagascar me révulsent.

En me connectant sur le site de l’ONU hier, je suis tombé d’abord sur le discours du roi Mswati III, représentant le Swaziland. Madagascar et le Swaziland sont tous deux en troisième division de l’International Rugby Board. Une seule rencontre entre les deux pays a eu lieu en 2001, et elle a été gagnée par Madagascar. Tout cela est relativement logique : au classement de l’IRB, Madagascar est actuellement 47ème, le Swaziland 82ème.

N’ayant pas assisté au match de 2001, j’ignore tout du style de jeu du Swaziland. Mais je suis enclin à penser que le classement de ce pays serait meilleur si Sa Majesté Mswati III s’intéressait autant au ballon ovale qu’Il semble apprécier le sport automobile.

Difficile hier soir de ne pas penser à un certain éditorial de rom1 en voyant à l’écran cet amoureux des véhicules rapides. En 2004 et 2005, Il a acheté pour Lui et Ses femmes vingt voitures de marque BMW série 5 et 7, ainsi qu’une Daimler Maybach équipée à 500 000 dollars américains. Il y eut d’ailleurs quelques controverses sur cet achat, et tiens donc, il fut répondu que cet achat-là a été réalisé avec Sa fortune personnelle. En 2002, il y eut également un projet pour acheter à Son intention et à celle de la Reine Mère un jet d’affaires, pour un coût de 45 millions de dollars, mais le parlement s’était vigoureusement opposé à cette dépense qui aurait correspondu au budget de santé du pays pendant deux ans.

On ne pouvait donc que compatir avec Lui en L’entendant dire hier (traduction libre) : « Nous réalisons que nous ne pouvons efficacement faire face seuls aux défis auxquels nous sommes confrontés, principalement parce que nos ressources sont limitées. C’est à travers l’ONU que nous continuons de forger des partenariats avec différents pays de façon à travailler ensemble pour faire croître nos économies.

Nous en appelons aux pays développés pour reconnaître notre dur travail et développer notre accès à des dons et des prêts à conditions concessionnelles pour soutenir nos programmes de développement et nos stratégies de réduction de la pauvreté. »

Selon Sa Majesté Mswati III, « il est fort malheureux qu’alors que nous faisons de notre mieux pour améliorer l’économie de nos pays, nous continuons à être confronté à des perturbations et des conflits, y compris des guerres et des coups d’État. Nous condamnons ces actes qui mènent à des souffrances sans nom pour des millions de personnes. En tant que nations du monde, travaillons ensemble pour que de tels actes ne soient plus jamais soutenus ou encouragés, et appelons en à toutes les nations du monde pour isoler et décourager sympathisants et sponsors. Quand il y a des problèmes, les peuples du monde doivent savoir qu’ils peuvent faire face aux défis qu’ils rencontrent par une attitude pacifique et le dialogue. »

Sur ce point là, 100% d’accord avec Sa Majesté, qui en apparence n’a cependant pas grand chose à craindre dans l’immédiat en ce qui concerne Son pays. En effet, Sa Grandeur est techniquement le dernier monarque absolu d’Afrique, étant habilitée à nommer seul le Premier Ministre et tous les hauts emplois de l’État. Certes, Il est tenu de consulter, y compris sa très chère Reine Mère, et Sa Majesté a même rétabli le Parlement qui avait été dissous par Son Père, mais Il n’est nullement obligé de tenir compte des avis.

Je reconnais faire un peu d’ironie, et pourtant c’est tout à fait sincèrement que l’ensemble de la rédaction de Madagascar-Tribune.com applaudit le Royaume du Swaziland lorsqu’il déclare « continuer à supporter les efforts pour amener une paix durable face à la situation qui existe dans la région du Darfour, en Somalie, à Madagascar et dans d’autres parties de notre continent. »

Et le fait que la dynastie des Joseph et Laurent Désiré Kabila s’est bâtie à travers une histoire agitée n’est pas non plus un motif pour contester sur le fond la légitimité des arguments avancés hier par la République Démocratique du Congo.

Mais comment dire... Comment dire qu’à répéter un peu trop fréquemment les gags d’hier, il ne faudrait pas s’étonner de voir virer les meilleurs patriotismes (au sens d’amour de son pays) en pires nationalismes (au sens de haine des autres).

Au vu du spectacle d’hier, le ministre des Finances a raison. Nous n’avons rien à craindre pour notre balance des payements, puisque nous exportons à grande vitesse un produit qui semble unique, notre confusion juridique.

Personne ne semblait hier avoir lu et surtout compris la procédure parlementaire des Nations Unies. Certes, elle est d’inspiration anglo-saxonne, mais comme elle a été traduite en français et en arabe, on ne peut que constater que les vedettes d’hier n’ont pas vraiment démontré une maîtrise très assurée.

Ayant une certaine pratique de ce genre de débats, j’avais compris que voter Oui c’était voter contre Andry Rajoelina. Quelle surprise de voir des voyants rouges s’allumer en nombre à la suite du Congo... Mais quelle plus grande surprise encore de voir tous ces voyants qui ne s’allumaient pas... Tout cela sans savoir si l’Assemblée Générale avait le pouvoir de se substituer à la commission ad’hoc prévue par son règlement [1].

Le vaudeville qui s’en ensuivit fut assez distrayant mais pas vraiment drôle... On vit un président de séance visiblement largué, cherchant désespérément le conseiller juridique, puis hésiter entre suspendre la séance ou la continuer, parce que le représentant du Surinam qui devait prendre la suite n’arrivait pas. Bon nombre de délégués, hilares, semblaient heureux d’apprendre que l’Assemblée ne reprendrait que le lendemain, mais finalement tout le monde ou presque (pas les malgaches) revint sur les bancs.

Et sur les bancs de la fac de droit d’Antananarivo, enseigne-t-on les règles du rugby ? Le vrai, celui qu’on a cru voir à Maputo. Même si le Mozambique n’apparait pas dans les classements de l’IRB.