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Tribune libre

Que cache le train Beriziky ?

mercredi 6 juin 2012

Jean Omer Beriziky est-il encore l’homme de la situation ? En période de crise, le pourrissement est l’annonce d’une fin imminente. C’est la situation actuelle de la Grande île. Comme la Turquie début XIXème siècle, Madagascar est « l’homme malade » de l’Afrique. Si la Turquie tient honorablement sa place et pavoise parmi les pays européens, Madagascar figure en queue de peloton de la course vers le développement. Ce n’est pourtant pas faute de potentialités, la Grande île en regorge. Le phénomène consterne toujours les ambassadeurs qui se sont succédés depuis l’Indépendance. Tout est donc question d’hommes et, surtout, de gouvernance. La crise actuelle est le résultat de cinquante ans de ploutocratie et kleptocratie. Le règne de l’argent et le pouvoir aux voleurs constituent les mamelles de la vraie-fausse démocratie instaurée à coups d’élections truquées pour voler la souveraineté populaire. Le Premier ministre Omer Beriziky inquiète en laissant planer le doute sur la qualité de ses… qualités. Il n’en manque pas, même si ses vertus peuvent être de (très gros) défauts selon la conjoncture. Le chef du gouvernement évolue sur un terrain miné, cela explique la circonspection, mais ne justifie pas l’immobilisme. Prudence est mère de la sureté, il ne s’agit pas de choisir la stagnation. Ni l’atermoiement pour faire perdurer le statu quo. Le Premier ministre a été choisi pour aider les institutions y compris la Présidence, à gérer le pays et accélérer la sortie de crise. Ce sont là les « affaires courantes » dont il est chargé avec le gouvernement d’union. Les élections en constituent le volet essentiel. Mais, la troupe ne suit pas. Le chef ne réagit pas. En temps de guerre, ce n’est pas une erreur, c’est une faute qui peut coûter la victoire. Omer Beriziky ne paiera pas pour ses erreurs, mais c’est le peuple qui en supportera toutes les conséquences. On ne laisse pas une voiture détraquée rouler en roue libre, c’est un comportement irresponsable. On ne choisit pas le pourrissement pour mettre fin à une crise, ce n’est pas digne d’un chef d’État.

Les observateurs restent perplexes quand le chef de gouvernement refuse d’agir ou réagit de façon inexplicable sinon incongrue. À titre d’exemples, Omer Beriziky maintient en place un ministre limogé présumé impliqué dans les affaires de bois de rose. Il refuse de sévir contre des ministres boycotteurs et choisit le silence ou la langue de bois. C’est d’un laxisme coupable à moins de clauses secrètes de la Feuille de route, mais cela se saurait. Ou encore d’un accord secret sur les conditionnalités de sa nomination. Quoiqu’il en soit, le Premier ministre donne l’impression d’éviter à tous prix les ennuis. « Pas de vagues, pas de vagues » dirait l’autre. Omer Beriziky donne ainsi la désagréable impression de laisser le temps au temps et de laisser les choses évoluer d’elles-mêmes. Gouverner, c’est d’abord, ne pas avoir peur de fâcher et de se fâcher. Jusqu’à maintenant, on n’enregistre aucune poursuite judiciaire dans l’affaire du bois de rose. Les grèves sauvages deviennent une habitude qu’il sera difficile à déraciner. Gouverner, c’est agir, mais ne pas agir est aussi un choix politique, le plus mauvais peut-être, mais un choix politique tout de même. Pour le moment, à défaut d’argent, l’urgence est le retour à la normalité et à la confiance qu’il ya encore un État. Quand le pays va, quand l’État joue son rôle et assume professionnellement ses fonctions, quand le citoyen se sent en sécurité ou qu’il puisse compter sur un avenir meilleur, il ne peut y avoir de mauvaise surprise politique. Une mauvaise surprise, c’est « un coup » auquel on ne s’attend pas. À chaque fois, le pouvoir ne les a pas vues venir. La crise de 2009 en est une pour Marc Ravalomanana. Elle a eu comme précédents la crise de 1972 contre Tsiranana, la crise de 1991 contre Didier Ratsiraka, celle de 96 contre Albert Zafy ou celle de 2002 contre (de nouveau) Didier Ratsiraka. À chaque fois, le pouvoir ne les a pas vues venir. Elle sera donc le résultat d’une absence de vision et de discernement. À moins de faire exprès pour des causes ou raisons inavouables.

N’ayons pas peur des mots. Omer Beriziky va rendre compte auprès de l’Union européenne. Il prévoit un voyage à Bruxelles. C’est un peu comme s’il rentrait chez lui. Il a été ambassadeur là-bas pendant une dizaine d’années. Cela explique que sa nomination a été vue d’un bon œil par les autorités de l’Union européenne. Elle aurait même pu être téléguidée depuis Bruxelles. Le Premier ministre y a représenté Madagascar sous Zafy Albert et Didier Ratsiraka. Catherine Ashton ne sera pas le plus redoutable procureur. Elle ne connaît Madagascar qu’à travers les dossiers, les plus souvent partisans et en retard sur l’actualité locale. Le « rapport » d’Omer Beriziky constituera pour elle, un précieux élément d’appréciation. Tout dépend de la bonne foi d’une personnalité qui devra ne pas oublier qu’il est le Premier Ministre de Madagascar et non l‘employé de l’Union européenne, ni l’ambassadeur de la mouvance Albert Zafy, ni le porte-parole de la mouvance Marc Ravalomanana ou de l’Amiral. Son plus grand adversaire sera Louis Michel, co-président de l’Assemblée parlementaire et ami personnel de Marc Ravalomanana, qui n’a jamais caché son aversion pour la Transition et Andry Rajoelina. Les rumeurs courent comme quoi Omer Beriziky va demander les pleins pouvoirs pour régler la crise malgache. Quelques mois après sa nomination, quel bilan présentera Omer Beriziky pour justifier qu’il a bel et bien été l’homme de la situation. Tant qu’il n’y pas (encore) de guerre civile, il pourra toujours prouver qu’il est un bon ambassadeur et un parfait homme des salons, mais ne pourra sans doute pas cacher qu’il a été un piètre homme du terrain et mauvais exécutant. La pire crainte sera que le chef du gouvernement n’attrape le virus de la procrastination dans sa gouvernance. Procrastination est un terme de psychologue mis à la mode après stress. C’est la « tendance à tout remettre au lendemain, à ajourner et à temporiser », bref à ne pas agir. Autrement dit, la nation a tout le temps de mourir tranquille en attendant que Beriziky se décide à jouer son rôle.

E. V.
Sambava

5 commentaires

Vos commentaires

  • 6 juin 2012 à 08:12 | poiuyt (#584)

    une remarquable analyse pour laquelle nous vous devons remerciements, quoi qu’il est ardu de savoir à qui les adresser

    Omer n’aurait pu rester tranquille sur place sans un minimum de deal avec juifs et france ; les rares bémols entre les 2 musiques sont des exceptions ; faut-il proposer en preuve le fait que Omer soit venu accueillir joel à Ivato ? En outre l’individu n’a jamais affirmé que le Président Ra8 est un acteur obligatoire ; venant de la fonction d’Omer c’est une faute ; faut-il rappeler le balancement de ses bras au moment où le monde découvrait un notam à destination de Ra8, au grand dam des kms de haies spontanées offertes au retour espéré de Ra8

    bref, Omer est à la solde , mine de rien

  • 6 juin 2012 à 13:08 | jansi (#6474)

    De 2 choses l’une, ou bien JOB a qq arrières pensées pour l’après transition, ou bien il doit se demander ce qu’il fout dans cette galère.

    • 7 juin 2012 à 02:03 | NY OMALY NO MIVERINA (#1059) répond à jansi

      Misaotra tompoko tamin’ny fanazavana.

      Ce qui bloque tout c’est le manque de crédibilité de nos institutions : C.T., C.S.T.,...

      Concernant l’Exécutif, dans de tel environnement politique, aucun Premier Ministre ne fera pas l’affaire. C’est ingouvernable et ingérable.

      Pour le salut national, dans l’intérêt général, les oppositions, Ravalomanana en particulier, dans leur refus d’alternance, s’obstinent à faire passer le particulier avant le général.
      Grave, Ravalomanana a signé des textes qui stipulent que Rajoelina peut rester au pouvoir tant qu’il veut ... Lisez tout, dans le détail, dès le début de la crise ...
      Là, Ravalomanana a commis une erreur et n’y peut pratiquement plus rien faire ... Ravalomanana ne peut pas remettre en question sa signature.

      Voilà la vraie cause de ce blocage.
      Ratsiraka, Zafy, ... , au courant de cette erreur, prend leurs distances ...

      Et tout çà contribue aux désavantages de Ravalomanana.

      Izay aloha !

    • 8 juin 2012 à 12:02 | RAMAHEFARISOA Basile (#6111) répond à NY OMALY NO MIVERINA

      « J’avais misé sur le Général Sylvain RABOTOARISON,comme Premier Premier Ministre de Transition dès que le Général Camille VITAL était »torpillé« par la Troĩka de la SADC ».
      Jean Omer Beriziky pourrait être un Grand Diplomate mais il n’a pas les expériences de la « HAUTE FONCTION PUBLIQUE de L’ETAT »,comme le Général Sylvain RABOTOARISON.
      Ce n’est pas une question de culte de personnalité.C’est une valeur « intrinsèque »( essentielle,inhérente).
      Basile RAMAHEFARISOA
      1943
      b.ramahefarisoa@gmail.com

  • 8 juin 2012 à 12:17 | niry (#210)

    Feuille de route et Omer Beriziky : ce sont nos 2 seuls repères dans cet obscure transition. Je reste confiant. Omer Beriziky EST l’homme de la situation, the right man at the right place, le grand homme d’état, patient, pesé et pondéré qu’il nous faut pour sortir la tête de l’eau !!! Point barre.

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