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Editorial

« Moi, David contre vous, Goliaths »

jeudi 10 janvier 2013 | Ndimby A.

On nous avait promis qu’il n’y aurait pas de déclaration politique de la part du Président de la transition (PT), car « la nation et le peuple malgache aspirent à vivre une cérémonie solennelle conforme à la circonstance ». On n’a pas été déçu : aucun comportement politique de la part du PT, au sens noble du terme : « L’art du politique est de faire en sorte qu’il soit de l’intérêt de chacun d’être vertueux » (Claude Adrien Helvétius - 1715-1771).

Source de l’illustration : blog de Cayen Consulting sur (http://cayenconsulting.wordpress.com/2012/01/06/bonne-annee-facon-lapins-cretins/). Les Lapins Crétins sont des personnages de jeux vidéos créés par Ubisoft.

Par contre, on a eu droit à un discours aux relents vindicatifs, à l’accent provocateur, à la tonalité politicarde. Ayant très probablement reçu d’avance, comme il se doit dans de telles circonstances, le texte des discours des autres orateurs, il a eu le temps de préparer sa réponse à l’excellente allocution de Mamy Rakotoarivelo. Mais tant dans la forme que dans le fond, celui qui se veut chef d’État, et qui aime qu’on l’appelle Président, s’est contenté de jouer le rôle qu’il affectionne : celui de tribun de place publique, tout juste bon à séduire les foules écervelées. Alors, passer du registre du 13 mai à celui d’un Palais d’État, c’est comme passer d’un matche de tanikatsaka à la Champion’s league. Pas évident. Place au commentaire du texte, comme au temps de nos années de lycée.

Rajoelina a commencé par un couplet sur la valeur du changement, et la nécessité d’en protéger les acquis envers et contre tout, donc envers et contre tous. Sous-entendu : envers la communauté internationale. Et là, on peut se demander de quel changement veut-il se faire le protecteur. De l’explosion de la criminalité et du banditisme ? De la croissance du chômage ? Des records de paupérisation ? De la détérioration à vue d’œil des routes existantes ? De l’affaissement de l’État de droit ? Des trafics du bois de rose ? Et ainsi de suite. Car si on demande au simple quidam comment il évalue les changements dans sa vie quotidienne depuis 2009, je suis prêt à parier qu’il n’y a pas lieu de se réjouir. Sauf si on est membre de la nomenklatura actuelle, arrivée par hasard au pouvoir et non par une quelconque méritocratie, ou encore participant à la clique mafieuse qui a le vent en poupe.

Il a ensuite continué par un autre couplet sur ce qu’il considère comme un acquis essentiel de la Révolution orange : la liberté. À se demander s’il était en train de faire un discours d’homme d’État ou un mauvais sketch. Car de quelle liberté parle-t-il ? Si on parle de liberté d’entreprendre, d’État de droit et de bonne gouvernance, rappelons le courageux communiqué du très respectable Groupement des entreprises malgaches : « La multiplication des cas de corruption et le racket organisé à tous les niveaux inhibent encore plus le secteur formel et favorisent la prolifération du secteur informel. La solution de substitution à la raréfaction des ressources de l’État est la persistance du harcèlement fiscal et la multiplication des prélèvements illégaux au niveau des collectivités territoriales et des organismes parapublics (…). L’utilisation des organismes publics et des sociétés d’État à des fins autres que leur vocation statutaire est contraire à la bonne gouvernance et illustre d’avantage la dégradation du climat des affaires. Le partenariat public privé y sert le plus souvent d’alibi » (communiqué du 20 avril 2012).

On pourrait multiplier les déclarations des avis autorisés sur la situation dans laquelle Andry Rajoelina et ses sbires ont plongé le pays, juste pour se venger d’une fermeture de station de télévision. Car il faut se rendre compte que la masturbation intellectuelle auto-jubilatoire du PT ne convainc que lui et ceux qui se sont assis sur leurs neurones. Ses arguments récurrents pour tenter d’expliquer ses investissements inutiles par rapport au contexte et aux besoins réels de la population sont risibles (hôpitaux, stade, salles de concerts), et l’on en a déjà parlé en long et en large, mais pas de travers. Et c’est pitoyable de le voir à chaque occasion tenter de les justifier. When you are in a hole, stop digging ! Cela n’impressionne donc que les psychologies fragiles, tel ce chauffeur de taxi qui me disait en passant devant le Coliséum : « il faut reconnaître que Rajoelina a fait de grandes choses pour le pays, n’est-ce pas ? ». Je me suis abstenu de répondre, car la seule réponse qui me venait à l’esprit était de lui dire : « et bien, il aurait dû t’offrir un déodorant, cela aurait été plus qu’utile ».

Mais le principal message du PT aura été sa volonté de résister face à la communauté internationale, au nom de la souveraineté nationale et du patriotisme. Souveraineté illusoire d’un pays à genoux, comme le qualifiait de façon pertinente et avec impertinence Jonasy Joelson dans son édito d’hier. Prenant prétexte d’une machine administrative qui fonctionne cahin-caha (avec beaucoup de salaires de FRAM impayés, de factures d’oxygène impayés dans les hôpitaux etc), d’une pseudo-bonne gouvernance ainsi que d’une politique d’austérité, il sous-entend que son régime a pu se passer des financements internationaux Le message était clair comme de l’eau de roche : la communauté internationale qui véhicule le « ni-ni » peut se mettre sa recommandation où elle pense (dans les tiroirs ?).

Mais le message envers les étrangers n’aura pas seulement été dans les mots, mais également dans les comportements. Alors que la tradition veut que le doyen du Corps diplomatique figure parmi ceux qui présentent leurs vœux, le protocole de la cérémonie d’hier n’a prévu aucune intervention de représentant de la communauté internationale. Et d’ailleurs, Andry Rajoelina a entièrement fait son allocution en malgache, histoire de montrer que la manifestation était une affaire malgacho-malgache. Tant pis pour les Excellences qui avaient cru faire l’intéressant en honorant l’invitation, et qui non seulement auront été bousculés dans le discours du PT, mais auront été ignorés ostensiblement. Façon de dire que la Transition peut faire sans eux. Mais finalement, n’est-ce pas une fois de plus l’illustration d’un aspect de la mentalité des autorités de transition, définie dans le titre d’un édito du 27 mars 2009 : Vazaha, paye et tais-toi !

P.-S.

Au fait, n’avait-il pas promis il y a un an un grand projet d’énergie renouvelable pour mettre fin aux délestages à Madagascar, et qui devait être réalisé avant fin 2012 ?

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