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Editorial

Les dahalo ont aussi des droits

lundi 3 décembre 2012 | Sahondra Rabenarivo

Le droit de tout malgache, sans distinction, à la vie est garanti par l’article 8 de la Constitution. « Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ». Mais une phrase sinistre a discrètement été introduite par la Constitution de 2010 : « La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendue absolument nécessaire, en vue d’assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ».

Les adeptes du droit, comme tout observateur laïc averti, peuvent imaginer sans trop de peine les distorsions qu’on pourrait apporter à cette phrase. Après tout, il n’y est pas précisé, si la mort ainsi infligée peut l’être uniquement par une autorité ou par tout citoyen lambda, en application du principe de l’auto-défense. Un bon avocat ne pourrait-il pas caractériser les méthodes barbares de certains éléments des forces de l’ordre comme étant une « violence illégale », justifiant ainsi l’auto-défense de certains soi-disant dahalo ? D’avoir même introduit une exception au principe fondamental de droit à la vie ouvre une boîte de pandore dangereuse, et ce, particulièrement en période quand l’autorité même est fondée sur la violence et pas sur la légitimité électorale.

De notre tranquillité urbaine, combien d ‘entre nous savent véritablement ce qui se passe dans le Far West qu’est devenu notre Grand Sud ? Combien d’entre nous y en ont déjà mis les pieds ? Mais nous avons tous nos suspicions quelque part sur la capacité des forces de l’ordre à appréhender les vrais brigands, et sur la capacité de l’appareil judiciaire à les juger. Ainsi méfiants, c’est avec grand gêne que nous visualisons les images choquantes de cadavres attachés par le cou et les chevilles, comme au temps médiéval. Ces images semblent bien contradictoires avec nos valeurs profondes de respect des razana et de rituels presque sacrosaints envers les morts. Cette justice des vainqueurs, triomphante, semble quelque part injuste.

Ou du moins, inconstitutionnelle. Quand on reviendra à la normale, on pourra longuement discuter de ce qui est juste. Pour le moment, je tiens à rappeler que le plus grand devoir d’un Président de la République est la défense et l’application de la Constitution. Un critère important pour le choix du prochain Président sera donc son aptitude à non seulement la comprendre, mais de veiller jalousement à son respect et à sa sauvegarde. Cela veut dire défendre les droits de tous malgaches aux droits humains qui y sont englobés. Oui, cela veut dire, garantir « la plénitude et l’inviolabilité des droits de la défense devant toutes les juridictions et à tous les stades de la procédure, y compris de l’enquête préliminaire, au niveau de la police judiciaire ou du parquet (article 13). » Ou encore « tout prévenu ou accusé a droit à la présomption d’innocence jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une décision de justice devenue définitive (article 13 également) ». Et surtout quand on a signé au vu et au su de tous, du monde entier même, le traité international d’abolition de la peine de mort. Oui, les plus grands brigands ne devraient plus, suite à cette signature, être soumis à la mort.

En temps difficile, il est plus facile d’orienter l’attention publique sur des semblants de victoire, au lieu de s’attaquer aux problèmes bien plus profonds, y compris les raisons sous-jacent l’existence même de dahalo. Et en temps difficile, il est particulièrement difficile de se soucier du respect de la règle de droit et des droits humains. Mais ne faut-il pas s’accrocher à quelque chose ? Si ce n’est pas à une fibre morale, ni à nos valeurs malgaches, que ce soit au peu qui nous reste du droit. Après tout, ce n’est pas avec plus d’obscurité que nous allons vaincre les ténèbres, seule la lumière peut conquérir le noir.

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