Facebook Twitter Google+ Les dernières actualités
vendredi 29 mars 2024
Antananarivo | 10h33
 

Opinions

Les « connaissances nécessaires »

samedi 5 avril 2014

L’article de Bill d’hier (ndlr : 5è forum des affaires UE/Afrique : 8 millions d’euros pour le secteur privé de Madagascar vendredi 4 avril 2014) disait :

« L’enveloppe de 8 millions d’euros fournie par l’UE servira entre autres à la réalisation d’activités de soutien et de formation à l’intention des associations professionnelles (les chambres de commerce, par exemple). Le but est de leur fournir les connaissances nécessaires pour qu’elles accroissent la compétitivité de leurs membres et les aident à représenter les intérêts économiques dans le cadre des dialogues et des négociations entre les secteurs public et privé. »

Dans tous les pays où ça peut passer comme une lettre à la poste, la coalition occidentale Business/Etats/Médias veut disposer d’interlocuteurs qui, à la fois,

-1 parlent le même langage qu’elle (ce langage est appelé ici « les connaissances nécessaires », et ça passe par des « formations »),

et

-2 puissent donner l’illusion qu’ils représentent les intérêts de leur propre pays...

Or ce BEM veut maintenant passer à la vitesse supérieure ; Bill nous apprend en effet que la machination va « se moderniser » :

Il cite sa source : « nous devons accélérer la création d’emplois décents et productifs pour faire en sorte que les bénéfices de cette croissance soient partagés de manière plus équitable. Le secteur privé a un rôle clé à jouer à cet égard, et la Commission présentera sous peu un document d’orientation sur la modernisation de l’appui de l’UE à l’expansion de ce secteur [1] dans les pays en développement et sur le renforcement de son rôle dans la mise en place d’une croissance inclusive et durable là où le besoin est le plus criant [2]. »

Tout ça enrobé en des termes archi-généreux ! Mais, soit dit en passant, pourquoi ‘plus équitable’ ? Pourquoi pas tout simplement ‘équitable’ ?

Soamiely Andriamananjara nous a présenté ici, il y a quelque temps, deux catégories de dirigeants prédateurs : soit ‘bandits stationnaires’, soit ‘bandits nomades’. L’intérêt des premiers peut les conduire, selon lui, à s’intéresser quelque peu à la situation de leur peuple. Bon, OK.

Le mieux serait tout de même que le nouveau PRM fasse la preuve qu’il n’appartient à aucune de ces catégories, non ? Il est à craindre que sinon il ne reste au peuple malagasy qu’à espérer l’aide humanitaire (ce qui, en certains cas, va jusqu’à lui faire espérer tout plein de cyclones, dont l’immense avantage est de parachuter ponctuellement un peu d’argent et de nourriture) .

Pourtant, si cette aide donnait des résultats macro-économiques, ça se saurait, non ? Est-ce qu’elle empêche tous les critères de la misère de continuer à s’envoler ?

Et puis, cette aide constitue une autre forme d’emprise des pays sur-développés sur les pays soi-disant ‘aidés’.

Et enfin, ce mot ‘aide’ : qui aide qui, en réalité ?

L’escale européenne du PRM fait suite à la rencontre avec le FMI.

Question : un dirigeant non prédateur peut-il se jouer des institutions de Bretton Wood, FMI et Banque Mondiale ?

Oui, un peu, si on en croit l’exemple malais :

« La Malaisie a respecté les conseils du Fonds monétaire international, tout en gardant une marge de manœuvre en évitant de s’engager dans un plan structurel financé par l’institution, et s’émancipant lorsqu’elle le sentait nécessaire. »

http://www.oboulo.com/economie-et-marches/economie-internationale/dissertation/malaisie-fond-monetaire-international-fmi-55830.html

Mais il convient de garder à l’esprit l’exemple Tanzanien et la célèbre déclaration de Julius Nyerere en 1998 :

« J’étais à Washington l’an dernier. A la Banque Mondiale, la première question qu’ils m’ont posée fut ‘Comment avez-vous échoué ?’ J’ai répondu que lorsque nous avons reçu ce pays, 85% des adultes ne savaient ni lire ni écrire. Les Britanniques ont régné pendant 43 ans. Lorsqu’ils sont partis, il y avait deux ingénieurs et 12 médecins. Voilà le pays dont nous avons hérité. Lorsque j’ai quitté le pouvoir le taux d’alphabétisation était de 91 % et chaque enfant allait à l’école. Nous avons formé des milliers d’ingénieurs, de médecins et d’enseignants.

En 1988, le revenu per capita en Tanzanie était de 280$. Aujourd’hui, en 1998 il est 140$. J’ai donc demandé aux gens de la Banque Mondiale ce qui était allé de travers. Parce qu’au cours des dix années écoulées la Tanzanie a fait tout ce que voulait la Banque Mondiale. L’inscription à l’école est tombée à 63% et les conditions de santé et d’autres services sociaux se sont détériorés.

Je leur ai de nouveau demandé : qu’est-ce qui est allé de travers ? Ces gens sont juste restés là, à me regarder. Ils m’ont demandé ce qu’ils pouvaient faire. Je leur ai dit ‘Ayez un peu d’humilité’. De l’humilité ! Ils sont tellement arrogants ! »

http://www.pambazuka.org/fr/category/comment/60163

Pour finir, un extrait d’un texte zapatiste de janvier 2014 :

« Ils sont comme ça, ils n’en ont rien à f… de l’humanité.

Au contraire : ils sont antihumains.

Ils ne sont qu’une poignée, mais qui décide de tout ; ils décident de comment dominer les pays qui se laissent dominer : ils ont fait des pays sous-développés leur chasse gardée, leur propriété privée, et ont fait des gouvernements capitalistes sous-développés de simples contremaîtres à leur service. » http://lavoiedujaguar.net/Rebeldia-...

Izao F. Izao

Notes

[1ça signifie-t-il « On va vraiment mettre le paquet, car notre propre croissance exige un sérieux remontant » ? (c-à-d mêmes motivations qu’au moment des conquêtes coloniales du XIXème siècle ?)

[2ça signifie-t-il « Là où les sources de profit sont les plus prometteuses » ? ou encore « Là où les dirigeants publics et privés sont le plus susceptibles d’y contribuer » ? ou les deux ?

6 commentaires

Vos commentaires

  • 5 avril 2014 à 11:29 | Isambilo (#4541)

    Enfin un regard critique et actualisé sur le FMI, la Banque Mondiale et l’UE.
    Nos hommes politiques sont ignares, rien de nouveau. Mais certains de nos « spécialistes » le sont autant ou leurs connaissances datent de plusieurs décennies.
    Je veux bien croire que Dago est une île mais à l’heure d’internet il n’est pas interdit de s’informer gratuitement sur les solutions alternatives au schéma popularisé par le libéralisme.
    Rajaonarimampianina court après les bailleurs de fond du monde entier sans se poser la question de la pertinence de ces afflux de capitaux.
    Il y en a même qui quémandent le retour de l’AGOA, C’est à en pleurer de désespoir.

  • 5 avril 2014 à 16:27 | efa ela (#4563)

    L’auteur aurait pu aller plus loin :
    à quoi serviront en réalité ces 8 millions annoncés pour Madagascar, sinon à payer des « experts » qui viendront « former » (formater ?) ces associations professionnelles ?

    • 5 avril 2014 à 19:29 | Stomato (#3476) répond à efa ela

      Est-ce Madagascar qui va former ses propres associations professionnelles à la pratique des relations commerciales internationales ?

      Il est probable qu’une fois de plus le génie puissant et spécifique aux malgaches va pouvoir se passer de ces connaissances, comme cela a été le cas depuis 50 ans !

  • 5 avril 2014 à 19:37 | betoko (#413)

    A mainte reprise , j’avais dénoncé ici que ces deux institutions nous prennent pour une vache à lait et aussi perverses . Je me demande pour quoi nous sommes tout le temps obligé d’aller frapper à leur porte
    Nous avons la BOA et aussi nous pouvions nous adresser au BRICS . Une banque qui va concurrencer bientôt aussi bien le FMI que la BM
    BRICS veut dire . BRESIL, RUSSIE,INDE , CHINE , ET L’AFRIQUE du SUD

    • 6 avril 2014 à 12:16 | Stomato (#3476) répond à betoko

      C’est pas faux ce que vous dites...
      Mais curieusement vous ne vous posez pas les bonnes questions !
      Pourquoi BM, FMI, UE et autres bailleurs de fonds sont les organismes auxquels Madagascar fait preuve d’une mendicité chronique ?

      Pourquoi Madagascar ne s’adresse pas aux BRICS et autres pays qui sont partis d’où se trouvait Madagascar il y a 50 ans, et qui parlent maintenant d’égal à égal avec ceux du G7, et font partie du G20 ???

      Vous avez l’espoir d’être en mesure de parler aux BRICS... mais êtes vous certain de parler le même langage qu’eux ?
      Ah oui bien sûr ils n’attendent que vous pour continuer leur ascension faite dans l’ignorance de votre existence...

      Il est pratiquement impossible d’accepter cela, c’est dur de constater que ces 50 dernières années ont été consacrées à pisser dans un violon, ou une valiha !
      Mais il ne faut surtout pas s’abaisser a accepter d’apprendre le langage et les méthodes de travail des autres pays,ah non, surtout pas !!!

  • 6 avril 2014 à 21:07 | Mihaino (#1437)

    Je partage l’analyse de l’auteur qui me semble objective !
    Il est indéniable que la formation & le soutien de tous les acteurs économiques sont plus que nécessaires dans notre Pays surtout au XXIè siècle à l’ère de la mondialisation ....
    - La compétitivité , l’efficacité de toutes nos Entreprises permettront certainement à Madagascar de sortir de cette crise de sous-développement !
    - Toutefois ,nos Dirigeants politiques devraient réfléchir 10 fois avant de signer des engagements envers tout « pot de fer » que j’ai maintes fois souligné depuis bientôt un an !Tous les malgaches doivent être bien soudés et solidaires pour redresser le Pays qui est au fond du gouffre !
    Bon courage à nous tous !

Publicité




Newsletter

[ Flux RSS ]

Suivez-nous

Madagascar-Tribune sur FACEBOOK  Madagascar-Tribune sur TWITTER  Madagascar-Tribune sur GOOGLE +  Madagascar-Tribune RSS