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Culturel

Madagascar / Poésie

Les Calepins bleus, l’auto-fiction avant la lettre

mercredi 26 janvier 2011

(MFI/25.01.2011) « Ai encore une fois velléité de brûler tous mes Calepins bleus. En suis dégoûté – tellement c’est ou trop nu (jusqu’à montrer les os) ou trop habillé (comme une catin âgée mais ayant toujours besoin de vivre) », écrivait Jean-Joseph Rabearivelo (JJR) dans les pages de ses journaux intimes où il met en scène sa vie, ses drames et sa société.

Le poète en avait brûlé de ses propres mains les cinq premiers volumes. Seuls, les quatre derniers volumes, épargnés par le feu, viennent de paraître dans le cadre des Œuvres complètes de JJR. Les 900 pages annotées et éditées par les spécialistes de l’œuvre du poète Serge Meitinger, Claire Riffard et Liliane Ramarosoa donnent à voir le fonctionnement d’un des esprits africains les plus fins, les plus cultivés et les plus cosmopolites de sa génération. Et pourtant l’homme n’a jamais quitté son île.

Né à Tananarive en 1903, Rabearivelo a vécu à Madagascar sous la colonisation française. Frustré de ne pas avoir été reconnu à sa juste valeur, il s’est suicidé à l’âge de trente-quatre ans. Poète talentueux, il avait pourtant connu un certain succès au sein de la colonie et s’était noué d’amitié avec des Français influents qui l’avaient pris sous leurs ailes.

Longtemps enfermés dans une malle

Tourmenté par son absence de statut dans une société coloniale qui faisait peu de cas de la créativité du colonisé et condamné par l’impossibilité de quitter son île natale dont il était à la fois le produit et le prisonnier, Rabearivelo a rempli ses calepins d’écolier de notations sur l’étroitesse de son milieu, sur sa vie sentimentale et sexuelle, sur sa détresse qu’il ne surmonte qu’en imaginant des correspondances hardies et poétiques entre sa vie et celle des écrivains français et du monde qu’il admire et auxquels il se mesure.

Longtemps enfermés dans une malle dans la maison familiale, les manuscrits de ces Calepins bleus n’étaient connus que par les plus proches. Conscient de la valeur de ces écrits autofictionnels, le fils du poète a fait dans les années 1990 les premières démarches pour les publier en faisant parvenir le manuscrit à Présence Africaine. La publication aujourd’hui de ce trésor inestimable de la francophonie littéraire est le fruit d’une collaboration fructueuse entre l’éditeur parisien et les équipes de recherche du CNRS qui oeuvrent avec passion pour la sauvegarde et la valorisation des grands textes de langues française.

Tirthankar Chanda

Oeuvres complètes de Rabearivelo. Tome I. Edition critique cordonnée par Serge Meitinger, Liliane Ramarosoa et Claire Riffard. Paris, AUF-ITEM-Présence Africaine- CNRS éditions, collection « Planète Libre », 2010. 1273 pages, 35 euros.

2 commentaires

Vos commentaires

  • 26 janvier 2011 à 17:13 | Rabila (#1379)

    JJR a inventé le « j’écris donc je suis ».
    Un talent formidable qui n’avait pas trouvé son audience, trop tôt pour les malgaches, trop indigène pour les métropolitains.

    Il vaut un Senghor d’antan ou un d’Ormesson d’aujourd’hui...

    • 27 janvier 2011 à 12:25 | ikoto (#4912) répond à Rabila

      RABLA

      Vous avez tout à fait raison ! Mais pourquoi n’a-t-il pas pu atteindre la gloire comme Senghor ou Aimé Césaire ? Il paraît que le sort s’est acharné contre lui, voire le « sort colonial » qui lui aurait joué un très très mauvais tour et ce serait cette manœuvre politicienne coloniale qui l’aurait poussé à attenter à sa propre vie ? .... J’aime bien les œuvres de J.J. Rabearivelo et je remercie particulièrement l’artiste Dama (du groupe Mahaleo) d’avoir vulgarisé à travers une très belle chanson : « dihy ». Pour moi la personnalité de J.J. Rabearivelo reste largement inconnue voire méconnue. Qui pourra nous affirmer ou infirmer que :

      - 1. J.J. Rabearivelo, très francophile, aurait adhéré à un groupe d’extrême-droite française « les Camelots du Roi » ?

      - 2. Il paraît que, désirant ardemment obtenir la « citoyenneté française », il se serait montré très virulent à l’endroit des « nationalistes » (groupés autour des communistes Jean Ralaimongo, Vittori, Planque et Dussac). Pourtant le pouvoir colonial aurait refusé de lui accorder la « citoyenneté » tant desirée rison pour laquelle J.J. Rabearivelo se serait suicidé !

      - 3. Cette « tranche de vie » inconnue par nos lycéens serait-elle sciemment occultée par l’autorité coloniale d’antan et par le monde littéraire francophile et francophone pour ne pas compromettre sa mémoire ?

      Serait-ce un pavé dans la marre ?

      ikoto

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