Le président de la Refondation de la République, le colonel Michaël Randrianirina, est actuellement au cœur d’une polémique autour de ses déplacements. Le journal Africa Intelligence a révélé jeudi que le colonel Randrianirina aurait effectué, ces derniers jours, des sorties discrètes à Dubaï. Il y a rencontré des diplomates émiratis, américains et israéliens. Ni la Présidence de la République, ni le gouvernement n’ont confirmé ou infirmé la tenue de ce rendez-vous jugé « sensible », alimentant ainsi les critiques des citoyens face à ce manque de transparence.
Le président de l’Assemblée nationale, Siteny Randrianasoloniaiko — cité par des détracteurs du régime transitoire comme l’un des précurseurs de cette rencontre à Dubaï — a pour sa part indiqué que le colonel Michaël Randrianirina s’est rendu jeudi au Toby Lehibe d’Ankaramalaza, un centre où il a reçu l’onction de « mpiandry » en 2023, afin de remercier Dieu. Le message véhiculé semble clair : prouver que le chef de l’État est bel et bien dans le pays.
Selon les informations d’Africa Intelligence, le nouvel homme fort de la Grande Île est arrivé le 9 décembre dans la matinée à bord d’un jet privé Gulfstream G450 à Dubai et est reparti le lendemain dans la soirée. Le colonel Michaël Randrianirina rentré le mercredi, s’est ainsi rendu le jeudi matin, vers Ankaramalaza à Manakara, lieu sacré pour les chrétiens de l’Église FJKM. Des détails croustillants qui coïncident avec l’absence notable du chef de l’État à l’un des événements les plus importants de la Transition : le lancement officiel de la Concertation nationale, censée jeter les bases du changement après l’énième crise politique de l’année, ayant fait chuter le régime d’Andry Rajoelina.
Gascar Fenosoa Mandrindrarivony, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a déclaré mercredi, au Centre de conférences international (CCI) d’Ivato, que « le colonel Michaël Randrianirina a été retenu par ses fonctions », expliquant ainsi son absence lors de la cérémonie de lancement de la Concertation nationale. Mais il n’en a pas dit davantage.
Autre élément qui intrigue : l’avancement du Conseil des ministres au mardi, alors qu’il se tient habituellement le mercredi. Certains tentent d’expliquer ce changement de calendrier par l’organisation, le mercredi, du lancement de la Concertation nationale. Mais cet événement n’a eu lieu que dans la matinée, ce qui n’aurait pas dû empêcher la tenue du Conseil dans l’après-midi. D’autant plus que l’expérience passée a déjà montré que le président de la Refondation de la République peut enchaîner plusieurs cérémonies dans une même journée avant de présider le Conseil des ministres.
En plus de cet entretien avec la diplomatie émirienne, Africa Intelligence a révélé que le colonel Randrianirina a été reçu par le milliardaire américain Erik Prince, établi en partie aux Émirats arabes unis. Avec l’ancien patron de la société militaire privée Blackwater, désormais à la tête de Vectus Global, actif notamment en RDC, en Haïti ainsi qu’en Équateur, le chef de l’état a discuté de prestations en matière de sécurité et de renseignement. Un projet de contrat est envisagé par l’État malgache. Ce tycoon de la sécurité privée opère comme une sorte de diplomate privé américain en lien étroit avec l’administration de Donald Trump, qui a dépêché une équipe à Dubaï pour s’entretenir avec le colonel Randrianirina. Ce dernier cherche à sécuriser un soutien des Émirats arabes unis, des États-Unis, mais aussi d’Israël, dont des opérateurs privés spécialisés
dans la cybersécurité sont venus à sa rencontre. Pour ces trois pays, Madagascar est considérée comme potentiellement stratégique du point de vue de la sécurité régionale et comme une opportunité de développer leurs affaires et leurs sphères d’influence.
Dans tous les cas, le mutisme autour de l’agenda du président de la Refondation nourrit davantage les inquiétudes sur l’issue réelle du changement promis à l’issue du mouvement populaire qui a fait chuter le précédent régime. À cela s’ajoutent la polémique sur le boycott de la Concertation nationale par les jeunes du mouvement Gen Z, mais aussi par d’autres générations (X et Y) ainsi que par certaines organisations de la société civile. De leur côté, les partisans de l’ancien président Andry Rajoelina ne manquent pas de tirer les ficelles partout pour ébranler le tombeur de leur « big boss ».
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