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Opinions

L’alouette et le crocodile

lundi 6 septembre 2010 | Andriantsolo G.

Ceci n’est pas un Conte des Anciens, un Anganon’ny Ntaolo. Et je ne sais si l’on peut en trouver un dans la culture orale de la Grande Île qui raconte les amours de l’alouette et du crocodile.

Ambohitsorohitra ? Ambohitsorohitra ? Ambohitsorohitra ? Tous mes lecteurs en ont entendu parler, certains en ont même fréquenté les coulisses. Mais qu’est-ce que ça signifie ? On sait ce que c’est « À la colline des sorohitra », mais on ne sait pas très bien ce qu’est ce petit oiseau. Je n’aurais rien à préciser pour les lecteurs des champs que je n’ai pas, mais je vais le faire pour mes lecteurs des villes qui ne l’ont appris ni à l’école ni au collège ni au lycée. La sorohitra est l’alouette malgache, la seule alouette existant à Madagascar où elle est endémique. Comme les Malgaches, elle est unique du nord au sud et de l’est à l’ouest dans l’Anivon’ny Riaka. Elle ne peut être confondue avec aucune autre espèce ; elle est malgacho-malgache. Mais elle change de nom selon les régions : Sorohitra au centre, mais aussi Jorioke, Soritsy, Boria, Borisa partout ailleurs. À la différence des Malgaches, je ne compte donc que cinq tribus ou ethnies d’alouettes, et non pas dix-huit ou même dix-neuf comme pour les humains, depuis que Philibert Tsiranana y avait ajouté la tribu ou ethnie française. Pour les lecteurs anglomaniaques qui se lèvent avec les poules ou au chant du coq (en anglais : to rise ou to be up with the lark), disons que l’alouette se dit lark et la sorohitra est la Madagascar bushlark – ce dont se contrefichent bien mes lecteurs des champs.

Les ornithologues – ce sont les gens qui étudient les oiseaux –, les ornithologues donc nous apprennent aussi que cette oiselle est loquace et que son chant harmonieux est émis, le plus souvent en vol – ce que je savais – , qu’elle consomme des graines et des insectes, qu’elle nidifie surtout au niveau du sol et qu’elle est, dans le fianakaviambe des oiseaux, une des rares espèces adaptée à la savane herbeuse – ce que je ne savais pas.

Les crocodiles qui ces temps derniers ont colonisé et squatté Ambohitsorohitra, ont-ils connu une belle histoire d’amour et en ont-ils rapporté la confidence dans les médias du cœur ? Ont-ils comme les tanrecs pris la couleur de la terre que les alouettes avait donnée à ce célèbre lieu ? Les crocodiles, on doit s’en douter, sont restés crocodiles. Ils ne vivent pas de graines et d’insectes. Cette piètre nourriture ne satisfait pas leur vorace appétit. Et l’on entend les initiés dire que, dans leur grande passion pour l’intérêt supérieur des alouettes, ils les ont même consommées. Mais ils n’ont pu résister à l’attrait des hauteurs. Le Crocodilus ambohitsorohitrensis est devenu d’autant loquace qu’il vole haut. Plus il vole haut, plus il chante. Dans leur amour pour les alouettes qui sont, je le rappelle, des oiseaux des vraies savanes et des savanes arborées, ils ont décidé de leur offrir une seule, vraie et grande savane dans les limites de notre insularité et ils font couper tous les arbres. La Grande Île va devenir l’Île de la Grande Savane qui, à l’ouest du vieux monde austronésien, sera la réplique de l’Île de Pâques à l’extrême orient du même monde.

Depuis Sigmund Freud, on sait que la civilisation ne fait pas le bonheur, car elle demande de renoncer à nos pulsions les plus instinctives. Pourtant, on ne peut vivre sans elle. Comme les sociétés humaines, les sociétés animales ont aussi leur organisation. Dans la Cité des animaux, à la périphérie du groupe Crocodilus ambohitsorohitrensis, continue à coexister une population d’Homo sapiens sapiens, qui a de longtemps renoncé à ses pulsions les plus instinctives et qui reste civilisé. Il pense, comme Ernest Renan (Qu’est-ce qu’une nation ?, 1882) il y a plus d’un siècle, que « Le moyen d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé » et de rester civilisé. Pour eux qui savent l’anglais et savent aussi que lark ne désigne pas seulement l’alouette, ils n’admettent pas qu’Ambohitsorohitra se comprenne comme « La colline de la rigolade, de la blague et de la farce ». Ils voudraient revenir au sens malgacho-malgache de sorohitra.

Mais pendant ce temps-là, le Crocodilus ambohitsorohitrensis continue à chanter son hymne : « Alouette, gentille alouette, alouette, je te plumerai ».

2 commentaires

Vos commentaires

  • 6 septembre 2010 à 18:26 | Emyrna (#1956)

    Tohizana kely amin’ny ohabolana merina :

    - Zana-tsorohitra amoron-dàlana (ny vahoaka ?) ; tsy nariako fa narihan-dreniny (sy ny dadany ?)

    - Lasa ny mamba (mpanao ampihi-mamba ?) ; misosoka ny voay (mpanararaotra ?)

  • 7 septembre 2010 à 14:31 | da fily (#2745)

    Mister G met un point d’honneur à pointer votre point G spirituel, qui saura concilier humour et réflexion sur notre condition d’être vertébré darwinien.

    Le voay est emblématique de la force indomptable, de la férocité et de la sournoiserie dans notre histoire collective. Il faut croire que c’est encore l’unique symbole qui a cour chez nos hâtifs elitistes du pire ! mais soyons magnanime, ils n’ont, hélas, l’exclusivité, d’autres colombes et autres toatoakafos se sont compromises avec les voays, sans doutes par attrait pour ces écailles qui font si bling-bling !

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