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Philosophie Malagasy : Le Fanahy

Fanahy et Vatana

vendredi 21 novembre 2008

Jean Germain Rajoelison a présenté en 1986 une solide thèse, <> qui s’appuie sur les proverbes, sur leur structure, en particulier. Il accorde l’importance qu’il mérite au dicton << Ny Fanahy no olona>>, mais il pose la question : en attribuant la primauté au Fanahy, les Ohabolana ne risquent-ils pas de surestimer la dimension spirituelle de l’homme au détriment du corps ? Force est de remarquer d’emblée que le vatana qui signifie corps est employé rarement dans les Ohabolana. La philosophie malgache serait-elle dualiste ? Il s’agit plutôt de la primauté de la dimension morale.

La philosophie malgache n’est pas dualiste

On revient sur l’énoncé qui semble mettre en opposition le vatana et le Fanahy : « Arim-batana fa tsy ary fanahy ». Bien fait du corps, mais pas du Fanahy. Il semble que ce soit le seul cas ou l’opposition entre Fanahy et vatana est mise en relief. Mais l’opposition n’est qu’une apparence. Le lien est indiqué par le terme « ary », créé. C’est l’homme tout entier qui est créé. Il peut être plus développé de corps que d’esprit. Une constatation somme toute pas rare.

C’est l’homme total qui est appelé à se développer. Un corps sans le Fanahy est simplement un cadavre. Un Fanahy sans le corps est peut être un ambiroa, un avelo, une sorte d’ombre. L’ambiroa suit le corps comme son ombre. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’homme n’est jamais un Fanahy sans corps. Il ne s’agit pas du corps biologique qui se désagrège, mais de ce que Maine de Biran et Michel Henry appellent corps propre. Le Fanahy de l’homme n’est jamais désincarné.

Il faudra revenir sur cette affirmation de l’unité psychosomatique de l’homme qui n’a rien à voir avec le dualisme platonicien ou cartésien. Pour Descartes, en effet, ce qui fait l’homme, c’est le cogito, la pensée. Le corps est de l’étendue. L’homme n’est homme que parce que c’est un être qui pense. Il n’en est nullement ainsi dans la pensée malgache.

Primauté de la dimension morale

L’homme doit se conduire en homme et c’est le Fanahy qui le guide, qui éclaire son chemin. Il est l’artisan de son propre devenir. Il ne trouve pas devant lui une voie tracée à l’avance, c’est lui qui fait son chemin, aussi bien dans le monde moral que social.

La différence avec l’animal, c’est que celui-ci est guidé par son instinct. L’instinct est l’expression de sa loi naturelle. L’homme est guidé par le Fanahy, sorte de compréhension spontanée qui lui indique la direction à prendre, le comportement à adopter. Dans un second temps, il réfléchit sur cet élan intuitif. C’est-à-dire que le Fanahy réagit en deux temps : un élam primesautier et une réflexion seconde.

On prend ici le mot « moral » dans toute sa dimension humaine.Il ne s’agit pas seulement de l’inclination vers le bien, mais de tout ce qui spécifie la nature humaine, I’hominité. Le Fanahy est aussi bien une sorte d’antenne sur les données sensibles. C’est parce que je suis Fanahy que je distingue le vert du rouge. C’est toujours le Fanahy qui me conduit à la perception. Au plan intellectuel, c’est le Fanahy qui me convainc que deux et deux font quatre et qu’il n’y a pas de fumée sans feu, ni de mouvement sans cause. Au plan esthétique, c’est le Fanahy qui me permet d’admirer un beau coucher de soleil, en liaison étroite avec le corps, car sans les yeux, point d’émerveillement devant pareil spectacle. Au plan moral, c’est le Fanahy qui me fait éprouver un remords après un mensonge. Au plan religieux, c’est le Fanahy qui entretient en moi le besoin de Dieu, la capacité de le prier. Mon Fanahy l’adore, et mon corps se prosterne. Et quand il s’agit de Thérèse de Lisieux, son Fanahy lui inspire de dire à Dieu : « Papa, je t’aime à la folie » et elle s’installe sur ses genoux.

Cette intuition de l’unité du corps et le l’esprit est très remarquable. Elle est en désaccord avec Platon et en accord avec les recherches contemporaines. Ce qui signifie que la sagesse des nations est le meilleur fondement de l’authentique philosophie.

Raymond SAINT-JEAN

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