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Editorial

Élections : ni le pouvoir, ni l’opposition, ni le peuple, ni la Communauté Internationale (?) n’y trouveront leur compte !

mercredi 13 février 2013 | Anthony Ramarolahihaingonirainy

À quoi serviraient des élections sans mesures préalables qui ne contenteront personne et n’amélioreront rien ?

La situation actuelle à Madagascar est évidente mais curieusement ni la classe politique ni la CI ne semble vouloir la regarder en face. Les élections peuvent être reportées 1000 fois, les risques de non réalisation ou de contestations postélectorales demeureront tant que l’un quelconque des deux principaux protagonistes dispose de quelque pouvoir de décision que ce soit dans la transition en général et relativement à l’organisation des scrutins en particulier. Dans la configuration actuelle, l’un des deux, fort du fait qu’il a la manette du pouvoir est juge et partie et il souffle le chaud et le froid depuis 2009. Par une incroyable erreur, les concepteurs de la feuille de route n’y ont pas pensé. Par ignorance manifeste également du vécu socio-culturel, politique et historique de Madagascar, ils n’ont pas été en mesure de déjouer la jalousie, l’hypocrisie, la méfiance, le manque d’honneur ambiants au sein de la classe politique et n’ont par conséquent su anticiper la querelle d’égo entre les deux principaux protagonistes tel que les rédacteurs de la convention du 31 octobre avaient bien su le faire en 1991 [1]. Là où nous en sommes, rien ne vaut une nouvelle transition sans participation aucune des politiciens pour ménager les susceptibilités des deux protagonistes ainsi que de leurs camps respectifs et ce pour le plus grand bien des Malgaches.

Y a-t-il un minimum de lueur à espérer dans la situation politique délétère actuelle ? Quoi espérer des discordes éclatées au grand jour entre d’une part le Président et le PM et d’autre part entre le Président et la Présidente de la CENIT ? Lequel des deux ment ou se trompe sur la vraie pensée de Ban Ki Moon relativement à la fixation du calendrier et de la séquence électorale ? Le Président oserait-il mettre en pratique sa menace à peine voilée de limoger le PM ? Quid de la Feuille de Route dans un tel cas ? Le mécontentement et les propos acerbes dirigés par les partis proches du Président à l’endroit du PM et de la CENIT et la crainte affirmée par ce dernier lui-même lors de son intervention télévisée du 8 février dernier ne présagent-ils pas des contestations certaines à l’issue des scrutins en cas de refus de l’inversion des législatives et de la présidentielle ? De deux choses l’une, en restant avec le statu quo actuel, c’est-à-dire avec la structure actuelle et le dernier calendrier des élections, nous essuierons à coup sûr la contestation à la fois des proches du Président mécontents de ne pas avoir obtenu les législatives avant la présidentielle et de tous les vaincus qui pointeront par contre la responsabilité de ces derniers — considérés à tort ou à raison comme organisateurs des scrutins du fait de leur présence au pouvoir — dans l’unilatéralisme dans l’adoption de la Constitution, des textes électoraux, des textes sur les partis politiques ou pour les diverses imperfections techniques entourant les échéances électorales etc. En cas d’inversion des deux scrutins, nous récolterons certainement à l’issue des élections le mécontentement de tous les autres qui ne sont pas dans le camp du Président. Dans tous les cas, nous nous retrouverons toujours dans une nouvelle crise. L’affirmatif est de rigueur pour l’ensemble de l’analyse car tout est tellement prévisible. À quoi serviraient alors des scrutins qui ne contenteront personne ? N’est-il pas temps après quatre années d’errance de penser enfin à une transition neutre ?

Nous ne répéterons jamais assez qu’une transition repensée de 18 mois maximum [2] conduite par un gouvernement restreint de 15 techniciens en lieu et place des 36 politiciens actuels serait la bienvenue [3]. À côté de l’expédition des affaires courantes, ce gouvernement se pencherait quasi exclusivement sur l’organisation des élections et sur l’apaisement politique. L’abolition des deux chambres parlementaires de la transition serait recommandée. Il va de soi que le premier scrutin à organiser (en juillet ?) devrait être les législatives- assemblée constituante pour combler le vide laissé par une telle abolition. Le nouveau parlement confectionnerait une nouvelle Constitution, les diverses lois électorales, les lois sur les partis politiques etc. Ce serait également la structure idéale pour le traitement des dossiers d’amnistie. Les dispositifs actuels sont contre-nature. L’amnistie y est confiée en dernier ressort aux Tribunaux. Pourtant dans n’importe quelle démocratie, seule un parlement élu est investi d’un tel pouvoir. Une amnistie ne se décrète pas ni n’est décidée par un arrêt de la Cour. C’est un pouvoir appartenant au peuple souverain et exercé par ses représentants (les parlementaires élus) par le biais d’une loi d’amnistie.

Oui, la proposition est réalisable. Un accord politique proche de la Convention du 31 octobre 1991 suspendant la Constitution contestée de 2010 et réservant deux postes de Présidents à titre honorifique (ou sans les deux) serait tout à fait envisageable à l’issue des consultations actuelles diligentées par le FFKM, à charge pourtant d’inviter chacune des 4 églises du FFKM de prendre seulement leur n°3 ou 4 pour les représenter au sein de la plate-forme de dialogue. Cette démarche permettrait d’aplanir le problème posé par Rasendrahasina/Ravalomanana n°1 et n°2 du FJKM, Razanakolona Odon n°1 de l’EKAR et n° 1 actuel du FFKM et Lahiniriko Jean trésorier du FLM. Les quatre risqueraient en effet d’être à la fois juges et parties. [4] Sur le côté financier, le lifting du gouvernement et l’abolition du Parlement de Transition permettraient déjà de faire une économie considérable en dégageant les émoluments de 19 ministres et d’un peu moins de 500 parlementaires. Les contributions de la CI seront les bienvenues mais la réorientation du budget consacré à un certain nombre de projets d’infrastructures vers la réalisation des élections constituerait une bonne piste à explorer. Notre article intitulé « L’après ni ni : M.Beriziky, le FFKM, l’armée et la CI face à leurs responsabilités » contient d’autres considérations et détails à méditer relativement au processus proposé.

Enfin, il ne faut pas se leurrer. Clamer sa souveraineté est bien beau pour un pays tel le nôtre à l’économie exsangue et dépourvue de puissance militaire pour la faire prévaloir, mais à un moment donné il faut se rendre à l’évidence que c’est la CI qui tire les ficelles en ce moment. Ce que la CI veut, elle peut. Sans ses pressions, le ni ni ne serait jamais passé. Le récent report du calendrier électoral et le maintien de la séquence initiale malgré le lobbying mené par Rajoelina à New York et à Paris ont démontré une fois encore sa puissance. Bref, si la CI a pu influencer les choses dans un sens, elle a tout autant les possibilités de le faire dans un autre. J’ose espérer que cette fois ci dame Sagesse lui porte conseil, d’une part, pour qu’elle comprenne qu’en cas d’organisation des scrutins avec la structure de la transition actuelle et le dernier calendrier de la CENIT contesté par le pouvoir, personne ne sera content, proches de la transition comme membres de l’opposition. Et d’autre part, pour qu’elle oriente sa pression dans le bon sens c’est-à-dire dans le sens d’une vraie refondation de la République pour enterrer le spectre des crises cycliques. Tergiverser sur les dates et la séquence des scrutins nous fera juste perdre du temps précieux pour nous retrouver dans une queue de poisson à l’arrivée car il est évident que l’apaisement politique fait défaut actuellement. Par contre, commencer de suite une nouvelle transition telle que décrite plus haut nous permettrait de gagner en terme de temps et surtout en substance. Le changement, la vraie refondation de la république ne seraient plus des vœux pieux. D’une seule pierre Madagascar atteindrait à la fois ladite refondation et le début d’assainissement de sa classe politique.

La CI est la seule (malheureusement) qui peut nous sortir de ce bourbier, à défaut de classe politique et d’une armée minimalement responsables et regardant les vrais intérêts supérieurs de la nation. C’est pour cette raison que nos écrits ne sont plus adressés à nos politicards depuis un certain temps. Autant parler tout de suite à ceux qui décident vraiment… même subtilement en coulisse. Il en va de la sécurité de vos intérêts économiques et géostratégiques aussi Messieurs et Mesdames de la CI ! [5]

Notes

[1Ny mandresy tsy hobiana ary ny resy tsy akoraina

[2La Transition régie par la convention du 31 octobre 1991 aura réussi à mettre en place la 3ème République en moins de 18 mois. Nous avons le choix entre, d’une part, consacrer 18 mois supplémentaires pour une vraie transition qui aura pour mission une véritable refondation de la république aux termes desquels nous sortirions définitivement des spectres des crises cycliques, et d’autre part, se hâter dans des élections aux issues incertaines pour se retrouver avec une nouvelle crise dans 18 mois !

[3Un nouveau gouvernement de techniciens ne serait-il pas souhaitable pour l‘organisation d’élections crédibles afin de parer à l’absurdité d’un gouvernement constitué de membres aux appartenances politiques hétéroclites, disparates et aux intérêts inconciliables dans lequel la solidarité est tout sauf une réalité ?

[4N’oublions pas que le dialogue malgacho-malgache est prévu dans la Feuille de Route. Il s’agit donc d’une étape parmi tant d’autres de la réalisation de celle-ci mais à en croire ce qui se passe actuellement, même la CI qui l’a pourtant accouché semble l’avoir oublié pour ne plus jurer que sur des élections aux issues incertaines.

[5Comme avec les deux éditoriaux (1 et 2) qui le précèdent, des copies PDF du présent article assorties des liens utiles sont soigneusement envoyées aux différentes Chancelleries et organismes internationaux et régionaux présents à Madagascar pour pallier à d’éventuelles défaillances de leurs organes de presse respectifs. Espérons que tout ce bon monde capte l’objectivité et le réalisme de ces propositions. En tout cas je n’ai pas manqué de leur signifier mon entière disponibilité pour apporter des explications supplémentaires en cas de besoin. Deux chancelleries et un organisme régional l’ont fait jusqu’ici.

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