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Antananarivo | 06h23
 

Editorial

Crise politique

Délégations spéciales ou délégations normales ?

mercredi 4 février 2009 | Patrick A., Valis

Andry Rajoelina a déclaré hier que « la nomination d’un Président de Délégation spéciale (PDS) à la tête de la Commune urbaine d’Antananarivo est de son ressort mais ne relève pas d’un ministre ».

Il va lui-même désigner les chefs de Région et demande à ce que les autres Régions suivent le chemin emprunté par celles qui ont déjà procédé à ce changement. Le chef de Région d’Amoron’i Mania a toutefois démenti cette information car il exerce toujours ses fonctions.

Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’être interpellé par le fait que Andry Rajoelina s’arroge des fonctions qu’il n’ose même pas nommer, tout en laissant croire à la population qu’il est l’égal d’un Président de la République sinon le nouveau président de la nation.

Le Maire n’est qu’un Maire...

On conviendra qu’Andry Rajoelina a été élu dans la capitale comme maire. Cependant la Mairie, fut-elle hors catégorie, reste une circonscription parmi les 1546 qui composent le territoire national.

Le fait d’être élu au suffrage universel direct donne certainement une certaine aura, un certain honneur et une autorité sur ses électeurs. Mais l’autorité d’un maire reste limitée à une circonscription électorale.

La personnalité et le charisme peuvent rayonner au-delà de la circonscription mais l’autorité ne peut s’exercer que dans ladite circonscription d’élection. Andry Rajoelina n’est-il pas en train d’usurper des fonctions au nom d’une certaine légitimité acquise partiellement dans la rue ? Et pour se donner une légalité recherchée par la Communauté internationale, ne risque-t-il pas de s’autoproclamer PDS de Madagascar ?

... mais le Maire est le Maire.

Inversement, le camp pro-Ravalomanana vient de donner un nouveau coup sévère aux notions de respect de la Constitution et de la Loi qui ont été jusqu’ici parmi ses principaux arguments.

À partir du moment où la Constitution et les lois prévoient des compétences particulières aux Communes, il n’appartient pas à l’État de s’y immiscer à tout bout de champ et selon son bon vouloir, mais seulement d’exercer un contrôle de légalité a posteriori de leurs actions.

Si la voie des urnes est sacrée pour désigner le Chef de l’État, rien ne permet de dire que la voie des urnes n’est pas moins sacrée pour désigner le maire d’une Commune. Rien dans la loi 94-001 déterminant le fonctionnement des collectivités territoriales décentralisées, ni dans la loi 94-009 portant statut particulier de la ville d’Antananarivo, n’autorise le gouvernement à instituer à sa guise un Président de Délégation Spéciale pour remplacer un maire qui n’est pas démissionnaire et dont l’élection n’a pas été annulée.

Entre reconnaître une légitimité à un ministre de nommer un PDS de commune ou de région, et reconnaître à une foule une légitimité à nommer un PDS de Madagascar, il n’y a qu’un pas. Nous voilà, avec la Communauté internationale, bien embarrassés.

Dans le même ordre d’idée, pourquoi tout ce beau monde persiste-t-il à vouloir nommer des Chefs de Région, alors que la Constitution et la loi prévoient explicitement que ceux-ci doivent être élus ?

Le Président est le Président, mais n’est que le Président

Le fait que presque tout le monde, y compris la fameuse Communauté internationale, ait laissé jusqu’ici commettre toutes ces anomalies montre dans quel état de déliquescence est tombé notre État de Droit.

Ah, le Droit. Une notion bien agaçante par moments. Mais a-t-on inventé quelque chose qui soit mieux adapté au fonctionnement apaisé et durable d’une grande communauté d’hommes ?

Le philosophe Montesquieu a écrit dans les Lettres Persanes : « Quelles que soient les lois, il faut toujours les suivre et les regarder comme la conscience publique, à laquelle celle des particuliers doit se conformer toujours. ». À ce titre, un Président de la République, un Ministre ou un Maire ne sont que des particuliers, certes un peu particuliers.

Et à cet égard, ils ont le devoir et l’obligation de ne pas tordre les lois et leur application selon l’orientation du vent. Nous ne serions peut-être pas dans le bourbier actuel si l’on avait pris garde de ne pas modifier à tout bout de champ les textes régissant notre République.

Montesquieu, toujours lui, a écrit : « La plupart des législateurs ont été des hommes bornés, que le hasard a mis à la tête des autres, et qui n’ont presque consulté que leurs préjugés et leurs fantaisies.

Il semble qu’ils aient méconnu la grandeur et la dignité même de leur ouvrage : ils se sont amusés à faire des institutions puériles, avec lesquelles ils se sont, à la vérité, conformés aux petits esprits, mais décrédités auprès des gens de bon sens. »

Le suffrage universel direct, à remettre sur le tapis ?

Dans un moment de découragement, on peut être amené à se demander si le suffrage universel direct nous convient car le problème semble se ramener à la concurrence entre deux élus au suffrage universel direct. Andry Rajoelina a été élu au suffrage universel direct et selon un mode de scrutin uninominal. Marc Ravalomanana a été élu au scrutin uninominal et au suffrage universel direct par l’ensemble des citoyens répartis dans les 1546 circonscriptions électorales qui composent le pays.

Quand on sait que des électeurs n’ont comme principe dans le bureau de vote que de choisir le premier bulletin qui est proposé sur la table au détriment des autres qui sont alignés ; quand on sait que le choix de certains dépend trop souvent de l’apparence pour ne pas dire de la figure du candidat ; quand on sait que le choix de l’électeur lambda est trop souvent fonction de la couleur du bulletin, qu’elle soit attrayante ou soignée, ou de la qualité du matériel de propagande ; quand on sait la corruption des électeurs est courante ; on s’interroge si l’adoption du suffrage censitaire ou du moins adapté en fonction des capacités scolaires ne serait pas lucide ?

Ce n’est sans doute qu’une aberration, mais qui montre notre état de découragement.

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