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Editorial

Changement de paradigme

vendredi 4 décembre 2009 |  2389 visites  | Patrick A.

Si l’on cherche à caricaturer la situation actuelle, les ingrédients ne manquent pas : on a ce jour deux portions du pays séparées, au sens propre, par un gouffre appelé Canal du Mozambique. Entre ces deux portions, on a un échange de fort aimables qualificatifs : l’une qualifie l’autre de rassemblement de vieillards cacochymes et crachoteux [1], l’autre qualifie l’une de démonstration mathématique que le zéro existe [2]. De plus, à en croire certains, les armes de guerre sont de sortie, et le débarquement de Noro Mandihy est pour bientôt. Tantara sy jeografia ity, re olona â !

Pour décrire l’évolution récente du climat politique, on pourrait aussi dire qu’il règne une ambiance de cour de récréation agitée. Sauf que dans notre enfance, nous évitions plutôt de lancer les billes vers l’adversaire pour ne pas nous les faire chiper. L’instituteur arrivera-t-il à persuader tout le monde de remiser le lance-pierres au plus profond des cartables ?

Un peu plus sérieusement, et en faisant l’effort de prendre un peu de recul par rapport aux protagonistes de l’heure, on a sur les derniers mois un prodigieux accéléré des situations catastrophiques qui se sont répétées dans ce pays. D’une part, l’homme au pouvoir cherche à renforcer chaque jour un peu plus sa mainmise sur tous les rouages administratifs du pays. D’autre part, en l’absence de véritables mécanismes démocratiques pour faire face, l’opposition n’a d’autre choix que de former une coalition hétéroclite des « contre », coalition qui sera inévitablement condamnée à éclater tôt ou tard, surtout lorsqu’elle arrivera au pouvoir et que les déceptions sur le partage des postes se feront jour.

Et c’est justement parce qu’il est conscient que sa coalition éclatera que l’homme que les alliances de circonstance auront porté au pouvoir s’empressera de renforcer son pouvoir personnel et de fonder son propre appareil qui cherchera, coûte que coûte, à pénétrer tous les rouages de l’administration, dont la seule finalité sera d’être à son service. Et tous les ingrédients seront donc rassemblés pour un nouveau tour de ce cercle vicieux...

Schémas de pensée encore adaptés ?

En philosophie des sciences, on désigne par le terme « paradigme » la manière dominante de voir les choses, la perception du monde ayant cours à une certaine époque dans une communauté scientifique donnée. Le terme est employé pour décrire l’ensemble d’expériences, de croyances et de valeurs qui influencent la façon dont un individu perçoit la réalité et réagit à cette perception.

De toute évidence, le paradigme de base de la classe politique malgache est marqué au fer rouge par les événements de 1972 et de 1991. Et nos politiciens, et avec eux une bonne partie de la population, ne peuvent s’empêcher de reproduire ces schémas de pensée dans des situations qui n’ont plus forcément grand chose à voir.

Si l’on pouvait encore identifier des idées comme moteur des mouvements de 1972 et de 1991 [3], en 2002, début 2009 et fin 2009, le débat s’est situé uniquement par rapport à des personnalités dont l’idéologie n’intéresse personne mais dont le style de direction suscite toutes les passions. Il semble que personne n’ait véritablement intégré le fait que, en l’absence de rassemblement autour d’un minimum d’idées, les coalitions sont forcément beaucoup plus fragiles et que chercher à créer l’unanimité autour d’une personne devient un exercice de plus en plus vain.

De même, la bataille autour des ministères paraîtra bien ubuesque pour bien des personnes extérieures au microcosme malgache. « Tout ça pour être ministre pendant quelques mois ? ». Nous sommes ici victimes du syndrome de l’homme au sommet qui serait omnipotent sur son administration. Si les plus passionnés prenaient un peu de recul, ils se rendraient compte que la promesse d’élections rapides modifie pas mal les perspectives, et que les ministres auront bien plus de difficultés dans un calendrier aussi serré pour TIMiser, TGVétiser, AREMAtiser ou UNDDétiser leur administration pour en faire ensuite une machine au service d’une campagne électorale...

Quadriumvirat généralisé ?

Et l’on se met à se demander si la solution à ces bataille homériques ne passera pas par le principe que lorsque le ministre sera issu d’une mouvance, l’agent comptable du même ministère sera issu d’une autre mouvance, le responsable des ressources humaines de la troisième et le responsable des archives de la quatrième...

Mais espérons que l’on n’en arrivera pas là, et que chacun comprendra qu’une masse significative de fonctionnaires réalisera qu’ils auront plutôt intérêt à prendre des précautions lorsqu’ils seront confrontés à des ordres potentiellement illégaux, plutôt que d’obéir aveuglément à un ministre placé sur un fauteuil éjectable.

Notes

[1Tsy mila an’ireo mpanao politika taloha tsy nahavita n’inon’inona ireo !

[2« Il est nul ! »

[3la malgachisation en 1972, le changement de Constitution en 1991

14 commentaires

Vos commentaires

  • 4 décembre 2009 à 08:20 | diego (#531)

    Après un coup d’etat, la seule issue est l’organisation d’une élection. Ce ne serait plus une élection anticipé, mais une élection.

    Et il ne faut pas sortir de l’ENA pour s’appercevoir et comprendre qu’on prete bien à Mr. Rajoelina une intelligence qu’il n’a pas.

    Vous avez tout dit Mr. Patrick A. Mais je continue à penser dans mon coin que Mr. Rajoelina n’est pas un Ravalomanana, ni un Zafy, ou surtout Mr. Ratsiraka, il n’arrive pas à la chevielle de ces trois hommes, qui n’oublions pas au passage qu’ils ont été des hommes d’Etat. Mais bon, il semble que parmis nos compatriotes, il y en a qui acceptent d’etre diriger par un DJ, c’est etrange, mais quand on vit dans un pays dont les 70% de la population sont complètement en dehors du systeme et 35% ont faims tout le jour que Dieu fait, ce n’est pas trop etonnant.

    Esperons un avenir meilleur au retour des trois mouvances.

    • 4 décembre 2009 à 10:11 | ragasy (#416) répond à diego

      Qu’on en finisse Diego, qu’on en finisse ! Il faut se préparer.

    • 4 décembre 2009 à 11:25 | Lemurkata (#801) répond à diego

      « Mais je continue à penser dans mon coin que Mr. Rajoelina n’est pas un Ravalomanana, ni un Zafy, ou surtout Mr. Ratsiraka ».

      Si, si. Il est même tous les trois à la fois car il cumule les défauts des ces trois là (en plus des siens). Malheureusement, il n’a pas eu l’intelligence (un bien grand mot aplliqué à ce PT) de se doter également de leurs qualités.

    • 4 décembre 2009 à 21:02 | diego (#531) répond à ragasy

      Montrons qu’il y a des Malgaches qui ont l’hatitude d’utiliser leurs tetes pour resoudre les problèmes. Ceux qui utilisent les KALAK-NIK-OV, KALAKELY NIKOTRIKA OVIMANGA ne sont pas nos representants....

  • 4 décembre 2009 à 11:42 | da fily (#2745)

    Remise en cause totale des fondements (mauvais) acquiq depuis 40 ans.

    Quadriumvirat ? J’éspère que c’est une blague de la part de l’éditorialiste : à 2 c’est déja corsé, à 3 ça devient piquant, à quatre ce sera brûlant ? Et pour quel résultat hipothétique ?

    • 4 décembre 2009 à 11:56 | Lemurkata (#801) répond à da fily

      Le résultat d’un quadriumvirat ? Mais c’est la quadrature du cercle évidemment !

    • 4 décembre 2009 à 13:24 | maminah (#2788) répond à Lemurkata

      Envisager l’instauration d’un quadriumvirat généralisé est bien entendu de la caricature : partager les sièges à tous les niveaux de l’administration serait tout simplement dingue.

      Il faut plutôt veiller à ce que chacune des institutions de la République remplisse son vrai rôle de contre-pouvoir. A défaut de cette fonction de garde-fou, lorsque les institutions servent davantage de faire-valoir au régime en place, la société civile peut se faire entendre pour dénoncer des dysfonctionnements ou abus. Mais tout ça reste très théorique sans des structures et entités capables de recevoir et de traiter ces plaintes.

      Jane d, dans l’édito de mardi, a envoyé un post sur une pratique américaine, les « watchdog groups » ou groupes de chiens de garde (?). Ce sont des professionnels spécialisés dans un domaine particulier (juristes, économistes, journalistes, informaticiens, enseignants...), voire de simples étudiants qui, à titre bénévole, veilent
      sur le bon fonctionnement de l’Administration et traquent les abus, fraudes et autres corruptions...

      Mais cela suppose des moyens infrastructurels assez lourds pour nos moyens. C’est à ce titre que les médias restent encore pour nous le meilleur vecteur d’un Etat de droit.

    • 4 décembre 2009 à 15:28 | maminah (#2788) répond à maminah

      Le post de jane d date plutôt de mercredi

    • 4 décembre 2009 à 16:33 | maminah (#2788) répond à maminah

      Et le nom exact de ces groupes est « civil watchdog groups » : « civils » car indépendants de l’Etat

    • 5 décembre 2009 à 00:48 | jane d (#2353) répond à maminah

      _Absolutely agree with maminah about how the current U.S. watchdog system is way too sophisticated for Madagascar at this point ; and the traditional media outlet (newspapers) is still our best tool to sensitize the citizens of all political related wrongdoings.

      But in my opinion, the media itself could be more effective in reaching out to the public.
      For example, why not create a new column that would specifically address the issue of good governance ; and publish this new ’good governance column’ at a specific time, maybe on weekends ?

      Also, said media could set up an anonymous tip line (phone or e-mail) where the ordinary citizen could report any suspicious government activity.

      Thanks !

    • 6 décembre 2009 à 13:57 | maminah (#2788) répond à jane d

      C’est une proposition très judicieuse. Elle peut être vraiment porteuse si elle est bien maîtrisée. C’est en tout cas une idée à creuser.

  • 4 décembre 2009 à 12:09 | Rabery (#3463)

    Merci Patrick, avec Ndimby, on a toujours du plaisir à vous lire

    La situation et l’heure sont graves et le pire est à craindre. Mais esperons toujours les « 5mn du Stade menavalahana » (dimy minitran’ny Stady) ou la « main de Thierry Henri », et pourquoi pas le gong ?

    Qui a tort, qui a raison dans tout ça ? A mon avis, celui qui a le plus de torts c’est celui qui a le plus de pouvoirs donc le plus d’intérêts à préserver. Il pense toujours qu’il fait trop de concessions parce que toutes concessions lui grignotent ses intérêts, mais son plus grand interet c’est de faire le maximum de concessions au risque de tout perdre et même d’aller au « négatif ». C’est logique. à moins qu’il ait un grand et épais parapluie l’encourageant à répéter une lointaine leçon comme « tssak, tssak, tssak » (Tsia, tsia, tsia !!!). Mais c’est un mauvais plagiat.

    Ce qui m’étonne dans tout cela, c’est de voir que SEM le PàRabazy, croit toujours qu’il n’a fait qu’une BA, qu’un putcsh est une BA qui mérite considération, éloge, et à mettre seul à la première loge alors que les condamnations internationales recommencent à pleuvoir

    • 4 décembre 2009 à 15:10 | da fily (#2745) répond à Rabery

      Revoir le modèle mental surtout, et apprendre...

      Je crois qu’il n’a pas été utile d’attendre l’avis de la CI pour savoir si on sera sanctionné ou non. Je crains que cette même CI ne soit aussi efficace qu’un pansement sur une jambe de bois concernant la résolution de notre cas.

      Il n’y a pas grand chose à rajouter si ce n’est attendre les résultats de l’extérieur. Andry va lâcher, c’est indubitable, mais comment...? Là est la question.

  • 4 décembre 2009 à 14:58 | meloky (#637)

    Après 40 ans d’indépendance, les attitudes adoptées et acquises auprès de Renimalala s’avèrent bel et bien apparents !

    Les politiciens ne sont que des futés bien instruits, nul que des générations d’Ikotofetsy et Imahaka.

    Mais on est là pour suivre tout prêt ceux qui peuvent se passer !

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