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Divers

Laïcité

Madagascar doit trouver sa propre voie

mercredi 20 octobre 2010 | Mona M.

La laïcité est une notion à la fois juridique et sentimentale. Dans les pays qui choisissent d’être laïques, le droit positif cristallise à un moment donné une controverse politique, créée à partir de choix philosophiques différents.

Ce thème a été le centre de la première conférence de l’année académique 2010-2011 du Centre d’études diplomatiques et stratégiques (CEDS) d’Antananarivo, qui s’est tenue dans les locaux de la Haute cour constitutionnelle(HCC) à Ambohidahy mardi 19 octobre 2010. C’est un professeur de droit français, Jean-Pierre Machelon, qui a animé cette conférence, en se basant sur l’exemple français. Il a longuement retracé le cheminement de la notion de laïcité, des premiers combats menant à la loi Ferry de 1882 consacrant une école publique où l’instruction, y compris morale, est dégagée de tout dogme religieux, à la loi dite « anti-burqa » du 11 octobre 2010, interdisant de se couvrir le visage dans l’espace public.

Entre ces deux dates, de nombreuses étapes se sont succédées : la suprématie progressive du mariage civil sur le mariage religieux, l’ouverture des cimetières à tous, croyants ou non, la suppression des prières publiques à la rentrée du Parlement, la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, et la consécration du principe par l’inscription de la laïcité de l’État dans les Constitutions successives de 1946 et 1958.

La laïcité dans l’Océan Indien : se dégager de l’histoire française

Cette présentation a ensuite été complétée par l’intervention de Gilbert Ahnee, journaliste mauricien, spécialiste des questions de laïcité dans les pays de l’Océan Indien. D’après ce dernier, il est impossible pour les pays de la région de s’approprier la laïcité à la française, car l’histoire est très différente. Au sujet de l’école, par exemple : on ne peut pas brutalement séparer Églises et écoles, alors qu’au milieu du XXème siècle encore, seuls les missionnaires dispensaient une instruction scolaire. Mais si le concept de laïcité tel que l’a développé le professeur Machelon est chargé d’histoire française, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas arriver à la laïcité autrement. C’est-à-dire principalement en retenant les bases de la liberté religieuse, que sont la liberté de conscience (croire ou ne pas croire, choix du culte, droit d’abandonner sa religion), la liberté d’expression et de manifestation, et enfin la liberté de culte.

Le journaliste a pris l’exemple de son pays, l’Île Maurice, pour expliquer que le débat sur la laïcité n’avait pas vraiment eu lieu juste après l’Indépendance ou la proclamation de la République, en 1992, mais en mars 1995, quand le directeur de la Police nationale avait présidé un culte hindou diffusé à la télévision nationale. La controverse avait alors été houleuse, voire violente, mais depuis l’idée de laïcité « semble avoir fait son chemin ». La prochaine étape pour le journaliste est de voir ce qui va se passer pour Mayotte, en passe de devenir département français avec une population majoritairement musulmane, « alors qu’on sait que le concept de laïcité en Islam est difficile ».

Les questions malgaches

C’est l’auditoire qui est finalement revenu sur l’aspect purement malgache de la question, lors de la séance de questions-réponses qui a suivi la conférence. Les intervenants ont été plusieurs à déplorer l’absence de ligne de démarcation claire sur la Grand Île entre politique et religion. Pour l’un d’eux, « à Madagascar, ce n’est pas l’État qui n’est pas laïque mais les institutions religieuses qui s’impliquent trop dans la vie politique ».

Alors que certains s’interrogeaient sur la possibilité d’appliquer des sanctions contre de tels agissements, d’autres se sont inquiétés que d’une définition juridique trop stricte, la laïcité ne se transforme en franche hostilité envers la religion, et de citer le cas d’un élève adventiste du lycée français, renvoyé pour avoir refusé de participer à un devoir un samedi.

4 commentaires

Vos commentaires

  • 20 octobre 2010 à 19:42 | Lucie (#101)

    - 1) Avant la colonisation

    La société malagasy avait ses croyances ancestrales , ses interdits , ses coutumes . Le tout globalement réuni sous le terme de « Culte des Ancêtres » . Les souverains et le peuple pratiquaient ledit culte et prenaient aussi conseil auprès de « devins-sorciers » . Ces derniers n’avaient cependant jamais main-mise sur la politique proprement dite , mais tenaient juste lieu de conseillers parmi d’autres .

    - 2) Au moment de la colonisation

    Le christianisme est devenu le fer de lance de la colonisation , les évangélisateurs préparant le terrain pour les soldats . La religion ancestrale est vouée aux gémonies , ceux qui la pratiquent , sont poursuivis et persécutés . Elle continue cependant de survivre dans le secret . La « bonne » religion devient celle des vainqueurs , les souverains se convertissent officiellement au christianisme et sont suivis par la population .

    - 3) Et maintenant ?

    A Madagascar plusieurs religions coexistent dans la paix : Culte des Ancêtres ,
    Islam , Christianisme , Hindouisme etc …Les efforts de prosélytisme effrené , sonnant et trébuchant de certaines sectes relevant des principales religions monothéistes , sont actuellement couronnés de succès car grande est la misère du peuple . A Antananarivo , à tous les coins de rue fleurissent des « églises de ceci » et des « églises de celà » qui brassent largement dans les quartiers défavorisés , faisant leur « beurre » de l’angoisse du présent et du lendemain que vivent les gens . On voit ainsi s’ériger orgueilleusement au sein des 67 Ha , l’imposante église américaine mormone . Tout ce travail d’approche n’est pas sans rappeler la main-mise de certaines sectes musulmanes extrêmistes dans les banlieues françaises défavorisées qui sont le vivier de leurs futures recrues pour les camps d’entraînement de la Lybie, l’Afghanistan ou la Syrie .

    Et maintenant ? Le ver est dans le fruit de toute façon .

    La laïcité à la malagasy doit tenir compte de toutes ces composantes religieuses historiques en les respectant . Pour que ce respect soit réel et affirmé , il importe que l’Etat soit laïc et que chaque individu se sente libre et en sécurité dans la pratique privée de la religion qu’il a choisie . Cette pratique évidemment , ne doit en aucun cas nuire au « savoir vivre ensemble » . A Madagascar , les religieux comprennent mal qu’ils doivent se cantonner uniquement à leur domaine d’élection , à savoir : « sauver les âmes » . Si , de par leur vocation charitable ils interviennent dans le domaine social –éducatif – hospitalier et que par ricochet leurs actions débouchent sur la politique : ce ne serait alors que dans le but d’une plus grande justice sociale et d’une égalité des droits pour tous .

    Ainsi ,en réalité cette laïcité est celle qui se pratique partout dans les pays laïques du monde : Turquie , Europe etc… et si le fait d’attacher l’adjectif « française » à la laïcité rebute certains esprits , il faut se dire que la notion de laïcité est devenue universelle et qu’il faut la comprendre comme telle .

    • 21 octobre 2010 à 18:46 | Vary-Manta (#2623) répond à Lucie

      Vous ne pouvez pas inventer ou re-inverter notre histoire. Ce que vous ecrivez ne correspond nullement à Madagascar et à son histoire. Puis prendre le modèle francais comme exemple, c’est encore une fois méconnaitre, que nous étions bien plus avancé sur ce plan que les Européens. Aussi, il n’y que la Turquie, la France et les ex-pays du pact de Varsovie qui définissent la laicité dans leur constitution : les turques parce qu’Ataturk voulait toujours distinguer la Turquie des pays arabes. Et la France, à cause des mefaits de l’inquisition. Chez nous ily a toujours eu de tout. C’est ravalo qui a empoisonner le systeme en favorisant les sectes pour ses interets financiere et politiques.
      Je suis désolé d’intervenir, mais je crois que vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi le calendrier malgache est islamique ? Le Zoma , le Sabotsy,... etc ca viens d’ou ?!

    • 22 octobre 2010 à 07:30 | malo6 (#4832) répond à Lucie

      Il faut quand même rappeler que la « religion ancestrale » relève de la religion primitive, c’est à dire de croyances en toutes sortes d’esprits qui n’ont de raison d’être que de pallier à l’ignorance. Le culte des ancêtres est certainement très respectable, mais on ne devrait plus invoquer les esprits là où l’éducation scolaire de base doit permettre de s’en passer.

      Il est vrai que les religions des colonisateurs (christianisme sous différentes formes) présentaient des croyances tout aussi farfelues (dieu créateur, résurrection, virginité d’une mère, etc.) qui palliaient de même aux interrogations de l’époque (pour lesquelles nous avons maintenant les réponses scientifiques). Il n’empêche que des centaines de milliers de morts furent causés par Ranavalona I pour contrer la religion des Vazaha tandis que les pasteurs et missionnaires ont travaillé positivement à l’éducation des Malgaches malgré leur prosélytisme.

      Mais enfin, le danger potentiel d’intolérance, de haine, de guerre, de massacres n’est inhérent qu’aux monothéismes chrétiens et musulmans puisque eux seuls affirment qu’il n’y a qu’un seul dieu auquel tout le monde devrait ou doit croire (les juifs, eux, ne prônent pas l’universalité du Dieu créateur).
      Or le christianisme évolué a depuis longtemps (des siècles) accepté l’idée que la Science en savait plus que le Pape et que la Bible n’était qu’une histoire inventée. Les Chrétiens sont donc théoriquement capables de différencier le subjectif de la foi et l’objectif de la connaissance, c’est à dire de ne pas imposer leur foi dans le domaine publique.
      Mais il n’en est pas de même de l’islam, car les musulmans croient toujours que le Coran est la parole même de Dieu et que leur vie au XXIè siècle doit donc toujours être régie par des textes du Moyen Age.

      C’est pourquoi il est si important d’affirmer le laïcisme d’un état, d’une nation. Voyez ce qui se passe en Europe (Allemagne, Suède, Hollande, Angleterre...) où les sociétés ont accepté le communautarisme, le multiculturalisme. Tous ces pays sont confrontés à des problèmes insolubles à cause du développement de l’islam de plus en plus dur.
      Bien sur, en France aussi il y a des problèmes, mais grâce à sa laïcité, la France peut prendre les mesures nécessaires pour combattre et enrayer les dérives. Notons que la Turquie se dit laïque mais ne l’est plus depuis que des « croyants » sont au pouvoir.
      Madagascar peut s’appuyer sur sa religion des ancêtres pour accepter toutes les croyances, mais se garder de tout impérialisme religieux (éventuellement chrétien, surement musulman) en déclarant l’état laïque.

    • 22 octobre 2010 à 12:24 | Vary-Manta (#2623) répond à malo6

      Je trouve votre point de vue fort interessant et je la partage entièrement. Cependant, c’est devenu une grande mode, depuis le 11/09/2001 de fixer sur l’islam, alors que la réalité malgache est l’invasion des sectes christianistes de tout genre. Les tribut musulmanes de Madagascar n’ont jamais dérangé qui que ce soit. On les a même oublié.
      Puis je rappelle une chose : vous pouvez dire ce que vous voulez, sur les religions ancestrales. J’étais comme vous, jusqu’à mon dernier passage à mon village natale. Je vous promet, il n’y a pas que de la foutaise dans ces croyances. Je ne suis pas de ceux qui pratiquent ces rituelles bizarroïdes. Mais pour moi-même, je crois l’avoir vécu, je ne plaisanterai plus, sur ce sujet. Même au brésil, il y a des brésiliens, qui parlent malgache en transe, alors qu’il n’ont jamais été à Madagascar et ils ne connaissent aucun mot malgache, en état conscient.
      L’eglise veut tout faire pour éliminer ses concurrents, mais pire encore, l’eglise a volé, puis integré les rituelles animistes. Il n’y a qu’a voir ce qu’ils appelle l’exorcisme. En Europe, ils font un tabac avec ce business... demadez aux familles malgaches les plus pieux. Et vous y apprendrez quelque chose. Je vous garantie.

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