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mardi 1er juillet 2025
Antananarivo | 17h00
 

Editorial

Les chroniques de Ragidro : Iles Eparses … si j’étais négociateur

mardi 1er juillet | Lalatiana Pitchboule |  369 visites  | 2 commentaires 

Le bruit fait autour des négociations entre Madagascar et la France sur les Iles Eparses, ne pouvait que, moi, m’interpeller … Je me suis rêvé dans la délégation de négociateurs malagasy… Je me suis réveillé …  😊

Nous sommes là, face à vous. Parlons clair.

Nous sommes là, face à vous, à discuter de quelques grains de sable et de récifs que vous dites rattachés à vos “Terres Australes” et que nous appelons nos « Nosy Kely » (petites iles).

Vous voulez les garder, nous les réclamons. Depuis 1979, l’ONU nous donne raison. Depuis 1960, l’histoire nous donne raison. Et depuis que le monde est monde et depuis qu’on prétend que le bon sens existe, le monde sait que ce qui est juste n’est pas toujours ce qui est légal… Surtout quand les cartes ont été dessinées par ceux qui détenaient la règle.

Parlons clair …

Soyons clairs, vous ne gardez pas les Eparses par attachement affectif. Ce ne sont pas la poésie et les tortues d’Europa ou les sables blancs et les eaux cristallines de Juan de Nova qui vous préoccupent. La ZEE, le quadrillage maritime, les lignes de fond halieutiques, les hypothétiques gaz et pétrole ou les supposées richesses des nodules polymétalliques pourraient être des sujets plus essentiels et plus dignes d’intérêt. Mais en fait, vous tenez à ces îles parce qu’elles vous prolongent stratégiquement… Et parce qu’elles projettent votre puissance loin des ronds-points de l’Hexagone.

La souveraineté est un principe

Et nous ? Nous n’aurions, paraît-il, pas les moyens de faire flotter un drapeau tous les matins sur ces îlots. Pas de frégate, pas de satellite, pas de budget pour une station météo. Mais cela n’autorise personne à nous les confisquer. Ce n’est pas parce que nous ne pouvons pas, pour l’instant, y exercer notre souveraineté que ce droit ne nous appartient pas

La souveraineté n’est pas une médaille qu’on mérite. C’est un principe. Et quand bien même nous ne serions pas prêts à les administrer aujourd’hui, cela ne vous autorise pas à les verrouiller pour demain.

Une question de perte d’influence …

Car soyons honnêtes : vous n’osez pas nous les restituer, non pas parce que nous serions incapables d’en faire quelque chose, mais, au-delà de vos enjeux géostratégiques, d’abord parce que vous avez peur que nous les négociions avec d’autres puissances. Pour d’autres alliances… Pour d’autres agendas. Nous comprenons votre crainte. Elle est rationnelle. Elle s’appelle la perte d’influence. Vous l’habillez de précautions diplomatiques, de solution de co-gestion, de coopération scientifique. Mais au fond, ce qui vous insupporte, c’est l’idée de ne plus tenir les cartes.

Nous savons ce que vous ne pouvez pas faire…

Nous savons très bien par ailleurs dans quel piège vous êtes. Vous ne pouvez pas, politiquement, juridiquement, symboliquement, céder un centimètre carré de “territoire de la République” sans que vos colonnes de matinales (de droite) ne hurlent à la forfaiture. Vous ne pouvez pas restituer ce que vous avez proclamé vôtre sans que certains, chez vous, crient à l’abandon, au reniement, à l’humiliation nationale. Et nous savons que dans vos imaginaires, l’expression “perdre un bout de la France” est un crime suprême.

Nous ne sommes pas naïfs. Nous voyons les mirages que vous entretenez pour éviter la décision : le mot “cogestion” comme rideau, les protocoles scientifiques comme dérivatifs, les rencontres bilatérales sans échéance comme tranquillisants diplomatiques.

Mais nous ne venons pas vous demander de perdre la face. Nous venons vous aider à ne pas perdre le sens.

… Mais nous savons aussi ce que vous pourriez oser.

Il suffirait de considérer que, en vérité, vous ne perdez rien. Vous cédez une anomalie historique, vous corrigez une distorsion coloniale. Vous gagnez un allié, vous évitez un précédent imposé. Et surtout, vous pourriez démontrer que la France peut être une puissance mondiale sans être une puissance possessive. Les exemples d’anomalies diplomatiques et géopolitiques actuelles suffisent à montrer que la France peut se grandir en adoptant une posture de progrès… Elle l’a déjà fait.

Et nous, de notre côté, nous reconnaissons nos propres contradictions.

Nous réclamons la souveraineté sur des territoires que nous n’avons pas les moyens d’administrer aujourd’hui. Nous évoquons le potentiel halieutique mais nos pirogues ne chasseront pas les thoniers chinois… Ou espagnols… Ou français. Nous parlons d’intégrité, mais nous savons que sans coopération, ce serait du sable sous tutelle, des eaux sans surveillance, des droits sans effectivité. Quant aux fabuleux gisements promis par certains, disons-le franchement : aujourd’hui, c’est une galéjade.

Alors disons les choses franchement.

Ce conflit ne porte ni sur la vie de ces îles (elles sont vides), ni sur leur usage immédiat (il est marginal), ni même sur leur valeur économique réelle (elle est spéculative).
Ce conflit porte sur la maîtrise des récits : qui écrit l’histoire, qui la clôt, qui la reconnaît.

Pour vous, rendre ces îles à Madagascar, même dans quarante ans, c’est ouvrir la boîte de Pandore : Mayotte, Polynésie, Nouvelle-Calédonie… C’est tout le domino de votre outre-mer qui se voit vaciller… Pour nous, les reprendre c’est refermer un cycle d’infériorité, c’est dire que notre voix porte, même après soixante ans de silence.

Et pourtant, il y a peut-être une autre voie.

Nous pourrions bâtir ensemble une souveraineté en transition. Une souveraineté qui commence par la reconnaissance de notre droit, et pourrait s’accompagner d’un transfert de capacité. Un passage de relais maîtrisé, construit, structuré.

Une période de co-administration, mais sans ambiguïté sur l’objectif : le retour plein et entier à la souveraineté malgache. Vous voulez préserver votre rôle stratégique ? Aidez-nous à bâtir les moyens de notre présence maritime et de notre sécurité maritime. Vous craignez un vide ? Remplissez-le avec nous, pas à notre place.

Parce que sans cela, vous poursuivez une fiction néocoloniale que vous avez cessé d’assumer, mais que vous n’avez pas cessé d’exercer. Quant à nous, à défaut de pouvoir affronter frontalement cette fiction coloniale, nous la nommons… Cela ne suffit-il pas à fissurer la façade ?

Alors, mettons cartes sur table. Nous savons que les hydrocarbures vous excitent moins qu’en 2008 quand, avant la crise de 2009, le baril flirtait avec les 140$. Nous savons que Total s’agite mais temporise. Nous savons que les scientifiques viennent observer les oiseaux mais pas les pêcheurs clandestins. Nous savons que les Glorieuses sont vides, et que Juan de Nova est muette, quand Europa dort sous le vent. La seule vraie richesse de ces îles aujourd’hui, ce sont les émotions qu’elles suscitent : les vôtres, celles de possession feutrée ; les nôtres, celles d’une dépossession amère.

Et pourtant, nous ne venons pas vous demander un acte de charité. Nous venons vous proposer un pacte politique. Une manière élégante de solder ce contentieux historique sans perdre la face.

Une façon pour vous de montrer au monde que vous savez encore réparer les erreurs du passé, sans attendre qu’un tribunal vous y contraigne comme pour les Chagos. Et une façon pour nous de prouver que la souveraineté peut se construire avec méthode, pas seulement avec slogans.

Vous tenez à ces îles ? Nous tenons à notre dignité. Faisons en sorte que ces deux attachements ne s’excluent pas.

Patrick Rakotomalala (Lalatiana PitchBoule) – 01/07/25

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2 commentaires

Vos commentaires

  • 1er juillet à 13:24 | Jipo (#4988)

    Bonjour Patrick et merci pour cette analyse !
    Réaliste, respectueuse, probante & indiscutable .

    Je doute malgré votre bonne volonté que les interlocuteurs choisis et formés pour ce genre de négociations accèdent à votre requête pour la simple raison qu’ ils sont là pour ne pas y accéder.
    Seule une demande d’ intervention de la CPI me parait possible ?
    Par contre qui pour veiller à son exécution ?
    quelle -s- menace-s de sanction-s Madagascar est-il en mesure de formuler

    Répondre

  • 1er juillet à 16:41 | Turping (#1235)

    Bonjour Lalatiana
    En revendiquant les îles éparses ,on veut parler de la souveraineté ,moins légère que la souveraineté n-nationale incluant le mot « nation » .
    Par ailleurs ,la nation n’est pas un fait mais une idée, de surcroît une idée relative du point de vue historique ,comme de vaste communautés humaines regroupant par un sentiment de commune appartenance politique ,de cultures diverses et des lois sur lesquelles se reposent la constitution et la puissance d’un pays pour évoluer et imposer sans être ébranlé par les intérêts restrictifs et colonial ....
     En parlant des pays asiatiques dont la plupart ont été colonisés par les asiatiques ou les occidentaux ,ces pays ont su garder leur souveraineté après la guerre (l’exemple du Vietnam de Ho Chi Minh ;idem la Chine colonisée par le Japon ,etc....) Des pays qui ont su évoluer en tirant la leçon du passé sans rejeter toujours les fautes aux autres car leurs dirigeants étaient à la hauteur de la situation pour faire évoluer réellement leur pays respectif .Paradoxalement ,ce qui n’est pas le cas de Madagascar même si Ravalo a fait beaucoup mieux que Radomelina ,/...........La preuve ,dès que l’intérêt restrictif des karana et la France étaient mis en jeu ,ils préféraient payer les généraux pacotilles au kilo en leur proposant 10 millions de dollar pour faire un Koudeta ,et c’est fini ,on ne peut plus parler de la « souveraineté » .
    La « souveraineté » s’inscrit, chez De Gaulle, dans une conception plus globale de la puissance de la France et de son rayonnement à vocation mondiale. Et celle-ci s’est longtemps déclinée sur le mode de la puissance impériale. La souveraineté de la France s’entendait ainsi sur un espace incluant non seulement la Métropole mais aussi ses prolongements ultramarins ; les colonies, devenues territoires d’outre-mer sous la IVe République, faisant partie intégrante de la République française et relevant pleinement de sa souveraineté.
    Donc ,pour avoir vraiment sa souveraineté ,il faut avoir la force d’envahir et de pouvoir se défendre comme le faisaient les samourais ,........Avoir la force de persuader par la dissuasion nucléaire ,etc......Même si cela parait contradictoire mes propos ,Madagascar de Radomelina n’évolue pas car le problème de la paupérisation généralisée devrait être avant tout la préoccupation majeure de l’état malagasy actuel ,ainsi que le problème lié à l’insécurité , la corruption ,les trafics ,l’absence de la productivité et compétitivité pour créer de richesses internes sans brader les ressources minières ,les faunes et flores ,etc.... ni de laisser aux chinois de vider les poissons sur les côtes en échanges des produits importés sans importances alors que le problème lié au délestage n’est pas encore résolu.
    Résumé : la mentalité de vouloir s’enrichir très vite « te hanankarena tampoka » et que dès qu’on sort de chez soi ,cela n’appartient plus à personne ,chacun se débrouille comme il ou elle peut sans garant ....même les supposés les responsables dans tous les secteurs se remplissent les poches pour avoir les derniers nouveautés en Europe ,US ,.........mentalité sans se soucier des autres
    D’accord ,en ce qui concerne les îles éparses logiquement rattachées à Madagascar selon la résolution de l’ONU mais comment faire ? sans avoir même un frégate ? devant le porte avion qui va débarquer en face ?à méditer !

    Répondre

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