Facebook Twitter Google+ Les dernières actualités
mercredi 8 mai 2024
Antananarivo | 07h23
 

Editorial

Le verbe, la rue et le goupillon

mardi 17 février 2009 |  3872 visites  | Patrick A.

Faut-il tempêter contre Andry Rajoelina lorsqu’il lance à la foule des promesses « impossibles à tenir », ou le féliciter lorsqu’il demande aux manifestants de ne pas prendre trop à la lettre ses propos initiaux ?

En tout cas, la journée de Lundi, si elle a été vécue sous forte tension, n’a pas tourné au désastre que l’on pouvait craindre ; crainte que l’on pouvait avoir après que le gouvernement ait décrété tous les ministères « zones rouges », alors que le leader de TGV avait fait comprendre qu’il n’entendait plus négocier et qu’il allait installer « ses » ministres dans les bâtiments gouvernementaux.

Lundi noir évité

Il aura fallu beaucoup de choses pour que ce Lundi ne soit pas pour Antananarivo un nouveau Lundi noir.

Il aura fallu qu’Andry Rajoelina, averti des risques, ait d’abord demandé aux manifestants de se tenir à l’écart de la marche vers les ministères.

Il aura fallu que, confrontés à une foule récalcitrante qui n’entendait pas rester sur la place du 13 mai, les dirigeants du TGV répètent patiemment les règles d’une manifestation non violente, et qu’ils sachent temporiser en improvisant des séances de prières de nature à inspirer des sentiments plus pacifiques à leurs ouailles.

Il aura surtout fallu beaucoup de professionnalisme aux éléments de l’État Major Mixte Opérationnel National (Emmo-Nat) qui ont réussi à faire face à des émeutiers frondeurs et parfois inconscients sans utiliser de moyens léthaux.

Il aura fallu encore le retour en fin d’après-midi d’Andry Rajoelina sur la place du 13 mai pour éloigner le gros des manifestants du camp militaire du RM1 où les forces de l’ordre avaient dû s’abriter des jets de pierre.

Quels enseignements ?

De ces dernières journées, on peut tirer au moins quatre leçons.

La première est une évidence : les meilleurs discours ne sont pas en eux-même des réalisations. Un gouvernement, une politique ne peuvent exister par la magie du verbe d’une seule partie. L’ordre ne se décrète pas à une descente d’avion à Ivato ou sur une tribune à Analakely : il se construit. Et dans les circonstances présentes, plutôt à deux (voire trois) que tout seul.

La deuxième leçon, c’est que le 7 février, il y avait effectivement des moyens plus adéquats de défendre la dignité des symboles de la République que ceux qui ont été utilisés. Il n’était sans doute pas nécessaire de subir la désapprobation de la communauté internationale pour découvrir des alternatives à l’usage de la mitraillette. Et il aurait été préférable de se souvenir que les méthodes de la non-violence avaient été testées par Gandhi avant d’« avouer » à demi-mot que l’on avait sous-estimé les risques d’affrontement.

La troisième leçon, c’est que parmi les suiveurs des deux camps, il y a des personnes de conviction. Mais aussi des profiteurs qui entendent se partager les dépouilles de la nation. Autant autour de la place du 13 mai qu’aux environs de Mahamasina, on a vu ces derniers jours bien de pauvres hères munis de sacs à dos suspectement vides. Tout comme on y a aperçu des hommes « politiques » aux fidélités aléatoires et aux passés troubles vis à vis desquels il serait largement temps de prendre ses distances.

La dernière leçon, c’est qu’aujourd’hui à Madagascar plus qu’ailleurs, et la journée d’hier l’a encore démontré, tout se noue et se dénoue par des prières.

Faut-il pour autant persister à instrumentaliser à tout va la religion ? Les difficultés actuelles montrent qu’à vouloir diaboliser l’adversaire politique, à envoyer en première ligne des dévots exorcistes, on prend des risques. Imaginons quelque secondes que nous ayons eu hier deux groupes de religieux face à face, chacun d’eux brandissant ses bibles pour chasser les démons d’en face...

Rappeler les vertus de la laïcité de l’État, ce n’est pas comme le pensent certains prôner l’athéisme de la Nation, mais protéger respectueusement les opinions des uns et des autres, tant qu’elles ne troublent pas l’ordre public.

Espérons que dans leurs prières qu’ils nous assurent nombreuses, nos leaders n’oublient pas l’existence de ces soldats du siècle précédent qui avaient gravés sur leurs ceinturons les mots « Gott Mit Uns » (Dieu avec nous).

Quitte à avouer que pour l’instant, on en est réduit à prier que Dieu soit vraiment avec le peuple malagasy.

Publicité




Newsletter

[ Flux RSS ]

Suivez-nous

Madagascar-Tribune sur FACEBOOK  Madagascar-Tribune sur TWITTER  Madagascar-Tribune sur GOOGLE +  Madagascar-Tribune RSS