Affaire d’Ambohimalaza : une parole officielle peu crédible

Les pompiers de service s’agitent pour éteindre l’incendie de l’affaire d’Ambohimalaza, qui, jusqu’à présent a causé plus d’une vingtaine de morts. Magistrats, professeurs de médecine, et surtout les facebookers à la solde du régime sont mis à profit pour soutenir la version officielle : il s’agirait d’un acte d’empoisonnement volontaire.

Comme d’habitude sur les sujets sensibles, ce sont les médias étrangers qui ont osé porter la contradiction. Faute de moyens ou de courage, les journalistes d’investigation malgaches n’ont pu enquêter là où Pauline Le Troquier (RFI) et Gaelle Borgia (TV5 Monde) ont pu utiliser leurs réseaux en France. Elles ont donc ont été en mesure de recouper les informations auprès de l’Institut médico-légal de Strasbourg, et de soulever les zones d’ombre sur ces fameuses analyses toxicologiques dont les résultats ont été annoncés par les autorités sans vraiment convaincre.

Également comme d’habitude, les pompiers du régime ont immédiatement organisé la levée de boucliers pour dénigrer ces reportages : on se souvient de la fameuse campagne après que Gaelle Borgia ait révélé que des Malgaches mangeaient du cuir dans le Sud, il y a exactement quatre ans. Si besoin était, on rappelle que cette journaliste est récipiendaire du prestigieux Prix Pulitzer 2020, considéré comme l’équivalent d’un Prix Nobel de Journalisme. Or jusqu’à preuve du contraire, cette distinction est attribuée à des journalistes au professionnalisme et à l’éthique indiscutables. Par conséquent, on aimerait bien que les propagandistes du régime sur Facebook nous présentent leurs faits d’armes journalistiques à l’échelle mondiale pour évaluer leur crédibilité au-delà du cercle des récipiendaires de koveta et des fanatiques pro-pouvoir. Il ne suffit pas d’aboyer à tort et surtout à travers sur les réseaux sociaux, enhardi par un titre pompeux, une nécessité de solelakisme, ou pour la plupart, l’anonymat derrière un clavier. On rappelle que sur France 24, Gaelle Borgia (encore elle) avait révélé l’utilisation d’usines à trolls par le régime actuel. Quand les menaces de régime diététique sauce gagazo invitent beaucoup de leurs confrères malgaches au silence, il faut donc saluer le travail de Mesdames Borgia et Le Troquier qui peuvent encore éclairer l’opinion publique.

Dans le contexte de l’affaire d’Ambohimalaza, il y a une question fondamentale qui se pose : pourquoi les autorités s’évertuent-elles à mettre de côté la thèse du botulisme, malgré la convergence de faits qui autorisent la suspicion légitime ? Que veulent-elles couvrir, et qui veulent-ils protéger ? Si elles avaient eu une once d’intelligence ou de sens politique, elles auraient fait faire des analyses indiscutables pour infirmer cette thèse, au lieu d’envoyer au front un Professeur de médecine faire à la télévision un cours magistral.

Des pompiers peu efficaces

Hélas pour les autorités, les tentatives de ces pompiers semblent attiser l’incendie au lieu de l’éteindre. Il faut dire que les maladresses de la communication gouvernementale se sont accumulées ces dernières semaines : précipitation à emprisonner des suspects alors que les résultats de l’analyse toxicologique envoyés en France n’étaient pas encore connus ; contradictions entre déclarations officielles au sujet de différentes marques d’huiles alimentaires ; puis résultats des fameuses analyses communiqués avec beaucoup de délai et peu de transparence, ce qui a exacerbé la suspicion : le nom du poison responsable a été occulté derrière l’expression « singa mahery vaika ». Quinze jours pour sortir cela, c’est de la fumisterie. La montagne n’a pas accouché d’une souris, mais de sa puce.

Rappelons que dès le 22 juin, nous attirions l’attention sur plusieurs point, et en particulier ces deux questions. Primo, quel est le rôle des délestages de la Jirama dans la sécurité de la chaine alimentaire ? Secundo, les enquêtes sont-elles faires sérieusement ou professionnellement, ou sont-elles bâclées juste pour donner des coupables afin de calmer l’opinion publique ? Presqu’un mois après, aucune réponse claire sur ces deux points n’ a pu être établie.

Il y a donc ici un signal fort à l’égard des autorités qu’elles devraient étudier, au lieu d’utiliser des stratagèmes à la nord-coréenne : pourquoi en est-on arrivé à ce point de défiance où la parole officielle a perdu toute crédibilité au sein de la majorité de la population ? À force de mensonges, de montée en épingle d’opérations werawera pour couvrir (en vain) le manque de performance, et de résultats fumeux aux élections, la reality check se rappelle au bon souvenir du pouvoir, et les intimidations et menaces ne suffisent plus à faire taire les citoyens.

Il est vrai qu’Andry Rajoelina a depuis 2009 démontré qu’il ne se préoccupait pas de la vérité dans l’opinion publique : il lui suffit d’avoir des stades remplis avec des gens encouragés à être là pour l’applaudir, quelques awards bidon, la loyauté de certains bidasses et juges et une ceinture noire 6ème dan de complaisance pour flatter sa mégalomanie narcissique. Toutefois, il devrait toutefois garder en tête que tant en 2018 qu’en 2023, il n’a été élu que par un électeur inscrit sur quatre et évaluer le soutien des trois autres. De plus, il devrait aussi se demander pourquoi des gens plus intelligents, plus instruits et plus patriotes que lui tels que les Présidents Ratsiraka, Ravalomanana et Rajaonarimampianina ont eu la fin de mandat que l’on connait.