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Fonds monétaire international

Dominique Strauss-Kahn « plutôt optimiste » pour l’Afrique

mercredi 10 mars 2010 |  1692 visites 

(MFI) En visite au Kenya, en Afrique du Sud et en Zambie, le directeur général du Fonds monétaire international, le Français Dominique Strauss-Kahn, réaffirme sa volonté de restaurer l’image du FMI en Afrique après des années de plans d’ajustements structurels. Un thème dont il fait l’une de ses priorités. Quel regard porte-t-il sur les économies africaines ? Depuis Washington, il a répondu à Christophe Boisbouvier, sur RFI, le 4 mars dernier. Une occasion aussi de lui demander ce qu’il pense des sondages qui le donnent gagnant face à Nicolas Sarkozy en 2012. Entretien.

Radio France Internationale : Depuis le début de l’année, vous dites que la reprise de l’économie mondiale est fragile. Est-ce qu’une rechute est possible ?

Dominique Strauss-Kahn : Elle est peu probable. Ce n’est pas notre scénario principal, mais elle n’est pas impossible surtout si on retirait les différents stimuli qui ont été mis en place trop rapidement.

- L’Afrique a été touchée par cette crise. Beaucoup de pays ont perdu deux points de croissance l’an dernier. Quelles sont vos prévisions pour cette année ?

Je suis plutôt optimiste pour l’Afrique sub-saharienne. C’est vrai qu’elle a été durement touchée par la crise mais les années de croissance exceptionnelles depuis trente ans, qui ont existé notamment en Afrique de l’Ouest juste avant la crise, avaient donné quelques marges en matière budgétaire ou en matière monétaire selon les pays. Elles ont été correctement utilisées. Et donc, globalement, l’Afrique s’en sort mieux qu’on n’aurait pu le craindre. Et maintenant, on voit dans la plupart des pays le retour à la croissance.

- La Banque africaine de développement annonce que les pays à économie diversifiée, comme le Maroc, ont mieux résisté et pourrait retrouver un taux de croissance supérieur à 5 %. Est-ce que vous faites la même analyse ?

Oui, c’est sûr. Un des problèmes de certaines économies africaines, mais d’ailleurs ça existe dans d’autres parties du monde aussi, c’est le fait d’avoir une économie soit insuffisamment diversifiée soit totalement énergétique. Pensons au Nigeria par exemple, où la part du PIB, qui n’est pas le PIB pétrolier, s’est beaucoup réduite au cours de ces dernières années, ou bien d’autres exemples... Evidemment, dans ces cas-là, il est plus difficile de résister à la crise. Plus les économies s’intègrent dans le marché mondial avec une grande diversité de produits (et mieux c’est, ndlr). Vous citiez le Maroc, et c’est un très bon exemple. Le Maroc a très bien traversé la crise. Il va retrouver une forte croissance, mais beaucoup dépend des pluies et de la partie agricole, et il se trouve que ça s’est bien passé cette année… Donc, c’est un cas un peu particulier – mais globalement les économies les plus diversifiées s’en sortent mieux, c’est exact.

- En Afrique de l’Ouest, le taux de croissance moyen l’an dernier tournait autour de 3 %. Est-ce qu’il pourrait retrouver les 5 % des années précédentes ?

Il va les retrouver. Pas immédiatement, mais il va les retrouver. Notre prévision est au-dessus de ces 3 % là pour l’année qui vient. Donc, on est sur la bonne pente. On ne va pas revenir au taux de croissance des 5 à 6 % qu’on a connus pour beaucoup de pays au cours de la décennie précédente. On va les retrouver assez rapidement. Sans doute pas pour 2010, mais on va les retrouver assez rapidement.

- Parmi les pays les plus touchés par la crise en Afrique de l’Ouest, il y a la Côte d’Ivoire. Les délestages se multiplient, la pauvreté augmente. Aujourd’hui, près de la moitié des Ivoiriens vivent sous le seuil de pauvreté. Est-ce que vous êtes inquiet ?

Oui, la Côte d’Ivoire est quand même une triste tragédie. C’est un pays qui est très riche. La situation politique ne rend pas l’économie très « vibrionnante ». Le climat des affaires n’y est pas excellent et il faut absolument que la situation politique se rétablisse, sans doute par des élections, le plus rapidement possible. C’est vraiment très dommage de voir ainsi des années gâchées.

- Vous avez accordé, au mois de novembre dernier, la deuxième tranche d’un prêt global de plus d’un milliard de dollars. La troisième tranche est-elle à venir ?

La troisième tranche devra venir. Cela dépendra de la façon dont nous apprécierons la période qui s’est passée entre temps. Vous savez que lorsque nous déboursons des aides vers les pays en plusieurs tranches, il y a des procédures de révision, de contrôle de ce qui s’est passé dans l’intervalle. Normalement, cela devrait se passer comme il faut. Mais c’est très important qu’on soutienne l’économie ivoirienne qui est un poumon important de toute l’Afrique de l’Ouest.

- Au Congo Kinshasa, vous avez demandé aux autorités de revoir à la baisse l’emprunt chinois de 9 milliards de dollars qu’elles avaient contracté avec Pékin. Est-ce que c’est une condition indispensable à l’effacement de la dette congolaise et à l’accès au fameux point d’achèvement de l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés, ndlr) ?

Oui, l’affaire est très intéressante parce que, à la fois, ils avaient besoin de cet investissement chinois parce que cela allait développer le secteur minier et puis, ensuite, fournir pas mal de contreparties en termes de construction de routes, d’écoles, etc. Et à la fois, il ne fallait pas que cet investissement chinois mette à mal la procédure d’effacement de dette : parce qu’il y avait trois milliards d’effacement de dettes à récupérer de l’autre côté et cela aurait été extrêmement dommage que le fait de s’endetter de nouveau ou de fournir des garanties aux Chinois empêche l’effacement de la dette.
Et moi, j’ai été à Kinshasa pour dire à tout le monde, ce n’est pas l’un ou l’autre, ce n’est pas fromage ou dessert, ce que je veux, ce sont les deux : et l’investissement chinois et l’effacement de la dette. Et donc, je leur ai proposé une solution qui permettait de satisfaire les problèmes de garanties qu’avaient les Chinois sans que cela soit sous la forme d’une garantie de dette. Et du coup, maintenant, on aboutit. Avec un investissement effectivement un petit peu plus faible, mais globalement, on aboutit. Le Congo Kinshasa était un des derniers pays à ne pas avoir bénéficié de la grande procédure PPTE sur l’effacement de la dette. Enfin, on y arrive et cela va être un coup de pouce important à cette économie qui reste une des plus pauvres d’Afrique.

- Le point d’achèvement en 2010, c’est possible ?

Oui, je pense.

- En France, dans les sondages, vous êtes l’homme politique de gauche le mieux placé pour battre Nicolas Sarkozy en 2012. Qu’est-ce que ça vous fait ?

Oh, je mentirais en ne vous disant pas que cela me fait plaisir ! Mais ça n’est pas mon sujet d’aujourd’hui. Mon sujet d’aujourd’hui, c’est ce que je fais au Fonds monétaire. Je n’ai qu’une seule mission, celle-là, et j’entends la remplir jusqu’au bout.

- Au Parti socialiste, vous n’avez pas que des amis. Beaucoup espèrent justement que vous resterez à Washington et que vous ne vous présenterez pas à la présidentielle de 2012. Est-ce qu’aujourd’hui, vous pouvez leur dire « C’est vrai. Je vais rester au FMI, vous pouvez dormir tranquille » ?

Vous voulez que je fasse plaisir à ceux qui ne sont pas mes amis, mais c’est quand même une drôle de conception (rires). Ecoutez, je n’ai pas l’intention de faire des déclarations, ni maintenant ni plus tard, sur la présidentielle de 2012. Aujourd’hui, j’ai une mission qui est une mission internationale. C’est un rôle qui me passionne et qui me suffit amplement aujourd’hui.

- Dernière question, Dominique Strauss-Kahn. Vu le calendrier des primaires au sein de la gauche française – elles sont prévues au début de l’année prochaine –, n’êtes vous pas obligé de prendre votre décision sur votre avenir politique d’ici la fin de cette année ?

Mais je viens de vous répondre à cette question. Je vous dis, ce n’est pas mon sujet aujourd’hui.

- Un peu plus tard, on va dire ?

Je croyais que votre sujet, c’était l’Afrique...


Christophe Boisbouvier

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