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Portrait

Le parcours surprenant de Parfait Randrianitovina

« Construire un État de bas en haut »

samedi 19 avril 2014

Parfait Randrianitovina était professeur de Mathématiques dans le second cycle d’un grand collège du côté d’Amparibe en son temps. Une dizaine d’années après, plus ou moins, il se trouve qu’il est devenu cadre d’un programme de la coopération internationale suisse (programme SAHA), puis membre du SEFAFI, l’Observatoire de la vie publique. Des sciences mathématiques qui pouvaient le conduire vers des sommités dans le champ des infinis, il préfère se tourner vers le monde rural, vers le monde de l’humain, sur le terrain des populations paysannes dans les communes rurales. Il est expert en gouvernance/développement local et évaluateur de projet.

- Que s’est-il passé pour expliquer ce changement de cap ?

Parfait Randrianitovina : Ma passion est d’avoir un impact significatif et positif dans la vie des autres : « miorimpaka mba hanasoa olona ». C’est ainsi que j’avais choisi de devenir enseignant après avoir terminé mes études universitaires ; j’ai travaillé ainsi, comme vous l’avez mentionné au collège Saint Michel, entre autres.
Mais la crise politique de 1991 m’a ouvert les yeux, j’ai participé au forum national, étant encore très jeune dans le temps, comme représentant des anciens de Saint Michel (ASM), et j’ai découvert l’ampleur des défis que Madagascar va affronter : pauvreté, malnutrition, enclavement, analphabétisme, économie peu développée.

J’ai donc décidé d’abandonner l’enseignement et j’ai travaillé comme responsable de formation dans un programme d’appui à la décentralisation, réalisé par la Fondation Friedrich Ebert Stiftung (1996 – 2000)… Cette expérience m’a permis de comprendre les réalités dans les communes rurales ainsi que la faiblesse du gouvernement de l’époque à répondre aux demandes des citoyens et des collectivités. Le processus de mise en œuvre de la décentralisation a avancé surtout grâce aux appuis des projets et programmes de développement.

- Que faisiez-vous chez SAHA ? L’appropriation ou la prise en main de responsabilités par les collectivités impliquées dans le projet que vous, SAHA, aviez initié, a-t-il porté ses fruits ? Pouvez-vous citer un ou deux exemples ? Et que sont devenus ces responsables que vous avez formés ou ces associations et projets que SAHA et ces collectivités ont développés ?

Parfait Randrianitovina : J’ai travaillé depuis 2003 comme responsable de la thématique gouvernance dans le programme SAHA ; cette expérience m’a permis d’accompagner des initiatives des paysans et des élus locaux. SAHA a accompagné les paysans et les acteurs locaux à débattre autour des enjeux locaux, à trouver ensemble les solutions et développer les outils, à réaliser des actions où les plus vulnérables bénéficient des résultats ; c’est ce que la Suisse appelle « empowerment » ou bien appropriation sociale du développement local. Entre temps, j’ai terminé mes études sur l’ingénierie du développement local et j’ai obtenu le diplôme de troisième cycle de CIEDEL : Centre international des études et du développement local de l’Université catholique de Lyon, France.

Grâce à l’accompagnement du programme SAHA, des communes ont nettement amélioré leur gouvernance : transparence de la gestion financière, participation des citoyens dans l’élaboration et la mise en œuvre du budget communal, mécanisme local de redevabilité sociale fonctionnel, solidarité de la population autour de la réalisation des projets d’envergure locale : réhabilitation et maintenance des pistes rurales, organisation et gestion du marché, réhabilitation des écoles et des Centres de santé de base (CSB), adduction d’eau potable, valorisation et exploitation des sites touristiques communautaires.

Je peux confirmer que les 40 communes qui ont collaboré directement avec SAHA fonctionnent bien et pourront servir d’exemple pour les autres communes à la recherche de stratégie pour rendre efficace la délivrance des services communaux.

SAHA et la Coopération Suisse ont aussi accompagné les initiatives au niveau national et ont participé dans l’élaboration de la politique nationale de décentralisation et de déconcentration en 2006, la mise en place du Fonds de Développement Local en 2008, l’élaboration du SRAT (schéma régional d’aménagement du territoire) Amoron’i Mania en 2010 et la finalisation du SNAT en 2012.

Ce continuum local, régional et national était la stratégie développée par SAHA pour stabiliser, diffuser et institutionnaliser les acquis de la coopération.

- MATOY, c’est quoi exactement ? Quels sont les problèmes majeurs auxquels sont confrontées les collectivités depuis que les grandes sociétés agricoles ou minières affluent ? Comment les paysans et éleveurs procèdent-ils ?

Parfait Randrianitovina : À la fin du programme SAHA en 2012, la Coopération Suisse a capitalisé l’ensemble de ses expériences dans le pays et a conclu que sans un développement économique du territoire, les acquis en termes de bonne gouvernance restent superficiels et instables.

Le programme MATOY (Miaramiasa ho antoky ny toekarena Ifotony ou « travaillons ensemble pour le développement économique du territoire ») a donc été mis en place, il cherche à consolider les acquis du programme SAHA en accompagnant les collectivités (groupes de communes et région) à mobiliser les ressources et le partenariat, à améliorer de façon significative les conditions cadres, à coordonner les interventions au niveau d’un territoire, afin de promouvoir l’économie locale.

Le programme travaille aussi directement avec le secteur privé qui est le moteur de la croissance économique. Le programme vise à créer des emplois, à augmenter les revenus des ménages, et à augmenter les recettes des collectivités.

MATOY travaille spécifiquement sur les questions foncières dont je suis le responsable, afin d’aider les paysans à sécuriser et valoriser économiquement leurs parcelles. MATOY collabore ainsi avec la Direction générale des services fonciers sur la fiabilisation des PLOF (Plan local d’occupation foncière), sur le recensement parcellaire et la certification collective, et l’accompagnement des collectivités à disposer des réserves foncières pour investissement, type zone d’investissement agricole.

- Aujourd’hui, vous êtes membre du SEFAFI. Vous a-t-on sollicité ou c’est de votre propre chef que vous avez décidé d’intégrer cet observatoire ? Qu’avez-vous vécu ou ressenti dans vos activités en milieu rural pour expliquer ce besoin ou cette nécessité de partager vos observations et votre expertise ?

Parfait Randrianitovina : Mon travail m’a permis de travailler directement ou indirectement avec la société civile et particulièrement avec les membres du SEFAFI. En 2013, ils m’ont proposé de devenir membre de SEFAFI afin que je puisse apporter mes expériences de terrain pour enrichir les réflexions de SEFAFI et mieux cibler les thèmes objet des interpellations : sur la décentralisation par exemple.

Je suis pour la construction d’un État de bas en haut ; la démocratie n’a pas de sens tant que la population et la société civile n’arrivent pas à se constituer en contrepouvoir crédible et efficace pour garantir un changement pacifique au pouvoir sans passer par une crise politique.

Je suis témoin des potentiels de ressources au niveau local, des potentiels qui restent à valoriser en renforçant le système de gouvernance : séparation de pouvoir, justice crédible, sécurité rurale, plus de compétences et de ressources gérées au niveau des collectivités.

- Étant un œil perçant et critique de la vie en milieu suburbain et rural, pouvez-vous nous instruire sur les techniques de survie des paysans et des « intellectuels » des localités où un citadin d’Antananarivo ne peut guère rester qu’une semaine au plus. Comment doit-on comprendre le phénomène dahalo et les dina ?

Parfait Randrianitovina : Je suis témoin de la mobilisation citoyenne dans une localité où l’insécurité règne et où les dahalo attaquent toutes les semaines : les notables du village ont mis en place le Dina, et dans ses articles, il est interdit de porter des kiranila car ce sont des sandales des dahalo. Une femme qui héberge un étranger doit informer les responsables du Dina pour assurer qu’il ne s’agit pas d’un agent de renseignements des dahalo ; et les citoyens de la commune limitrophe ne peuvent pas passer dans cette commune car ils sont tous considérés comme des potentiels dahalo.

En lisant ces articles du Dina, on est loin des droits de l’homme. Cependant, la localité a connu depuis la paix et le calme ; le système d’autodéfense villageois qu’ils ont mis en place fonctionne à merveille.

Parfait Randrianitovina n’a pu s’empêcher de raconter dans les détours de notre conversation, ses vacances chez ses grands parents à Ambalavao Fianarantsoa ou à Antsenavolo Mananjary quand il était encore étudiant. Il les aidait dans les cultures dans les champs, au repiquage du riz, à la cueillette du café.

Il est convaincu de deux choses. D’une part, les capacités acquises par les communes en milieu rural leur ont permis d’offrir les services essentiels malgré la crise et la période de transition. D’autre part et surtout, le « fihavanana » et la sagesse ancestrale sont encore vivaces dans nos campagnes ; les ménages s’entraident dans les moments difficiles et la solidarité-cohésion est forte autour des ménages en situation très précaire. C’est tout cela qui a permis aux ruraux de traverser la crise. Il faut dire aussi que les accompagnements de SAHA y sont pour quelque chose. SAHA a développé des alliances stratégiques avec le PGDI, le PGRM, le FDL ou le PIC qui ont été d’autres opportunités aux communes ou qui leur ont ouvert d’autres horizons et ressources. En tout cas, le programme MATOY est toujours en appui en développant une dynamique rurale et urbaine autour des enjeux économiques et des chaînes de valeurs : encouragement à la production du blé dans les environs d’Antsirabe, de haricot dans la région de Miandrivazo ou d’arachide à Ambositra.

Recueilli par Raw

5 commentaires

Vos commentaires

  • 19 avril 2014 à 16:24 | RAMAHEFARISOA Basile (#6111)

    Peut-on vraiment éradiquer ==« la pauvreté »==avec les ONG ?
    Les ONG de playdoyer ,
    - "un groupe non négligeable d’ONG n’a pas de but la défense de l’intérêt public,mais des ambiguĩtés idéologiques et commerciales ;
    Les ONG humanitaires,
    - les ONG caritatives,souvent spécialisées dans l’aide d’urgence,
    - les ONG de développement,engagées sur des programmes à long terme.

    La distinction entre les organisations de la solidarité internationale (-OSI-) et les organisations de la solidarité internationale des Migrants (-OSIM-) a permi de rendre visibles les actions initiées par les organisations créées ou animées par des personnes vivant hors des Pays d’origine,mais qui agissent pour promouvoir des initiatives de développement,en lien,avec leurs Pays d’origines.

    Les grandes entreprises signent des partenariats avec des ONG,de façon à acquérir une vision plus globale de l’environnement==MONDIALISE==,et afin de disposer des compétences les aidant à mieux ==prévoir==les attentes des consommateurs et des==MARCHES==
    Avec les ONG,peut-on espérer la promotion dans ==la haute sphère== des intellectuels et techniciens ==ORIGINAIRES==du PAYS" ??
    Parmi les profils recherchés (-en général hors du Pays à aider-) se trouivent :
    des médecins et autres professionnels de la santé ;
    - des agronomes,
    - des ingénieurs et techniciens ,en traitement de l’eau.
    - des professionnels du BTP (-routes et constructions-),
    - des logiticiens,
    - des techniciens radio dans le milieu de catastrohe,
    - dea administrateurs et comptables.
    Les ONG sont elles ==la solution==pour éradiquer la « PAUVRETE » dans un Pays donné !
    Que les ONG recrutent des « PROFESSIONNELS »,parmi les originaux pour promouvoir les emplois dans le Pays donné.Point barre !
    Basile RAMAHEFARISOA-1943
    b.ramahefarisoa@gmail.com

    • 19 avril 2014 à 23:09 | Jipo (#4988) répond à RAMAHEFARISOA Basile

      C’ est vous qu’ il faut éradiquer et les racailles que vous soutenez . /

    • 22 avril 2014 à 03:02 | NY OMALY NO MIVERINA (#1059) répond à Jipo

      Tout à fait d’accord !

      Beaucoup de bla-bla sans comprendre les principes !

      C’est un pôv’ zokilahy lany vatsy !

      Plus le temps passe, plus il radote et se répète ! Rien de 9 !

      Avec Basile, il est capable de copier-coller tout texte et le balancer à tout va ...

      « Point barre ! ». aime t’il conclure tout !

      J’ai rien compris pourquoi il use toujours « barre » après un point ???
      Et, il la place où sa « barre » après un point ?

      « point barre ! » ...

    • 23 avril 2014 à 09:26 | RAMAHEFARISOA Basile (#6111) répond à NY OMALY NO MIVERINA

      A cause des ONG,les GOUVERNEMENTS n’ont plus de politique générale,une politique d’intérêt public.
      Pour ma part,les ONG accentuent les écarts des niveaux de vie d’une Population d’un Pays donné.Point barre !
      Basile RAMAHEFARISOA-1943
      b.ramahefarisoa@gmail.com

  • 22 avril 2014 à 02:21 | NY OMALY NO MIVERINA (#1059)

    Ce qui est sûr, M/car a pas mal de ses enfants qui travaillent et servent de façon désintéressée dans l’ombre pour l’intérêt général.

    Seulement ils sont tellement discrets et réservés qu’on les occulte.

    Vraiment dommage pour eux personnellement et pour M/car et tous les Malagasy.

    Le principe de « construire un Etat de bas en haut » est le fondement de toute organisation fiable et pérenne. Les pouvoirs de notre Président de la République, de nos députés sont bien assis par « le bas » ou plus simplement par le vote des électeurs malagasy.
    Ce qui fait la différence entre les pouvoirs de Transition et de la IV° République inauguré par l’élection des députés et de Hery Rajaonarimampianina au suffrage universel direct.

    ’faut qu’on change notre conception du pouvoir.

    L’expérience de M Parfait Randrianitovina devrait inspirer nos responsables politiques sur l’aménagement du territoire, la lutte contre la pauvreté, la protection et la défense de nos agriculteurs, éleveurs, ... plus de 80 % des Malagasy.

    Sur ce plan, M Roger Kolo et M Ravatomanga ont du pain sur la planche pour chercher l’indépendance alimentaire et nutritive des Malagasy qui disposent d’énormes potentialités pour ce siècle et les suivants ... que convoitent les occidentaux (La France en particulier) et les extrêmes orientaux pour se nourrir.

    Si on ne veut pas que la population descende spontanément dans la rue, il faut les nourrir, subvenir tout simplement à leurs besoins primaires.

    Ce ne sont pas les millions d’hectares de surfaces agricoles exploitables qui nous manquent ...
    C’est la clé de notre réussite bien avant les énergies de fossiles ou les mines de pierres précieuses, de minéraux et terres rares, ... sources de contentieux inextricables avec les concessions octroyées aux étrangers.

    C’est évident et tombe sous le bon sens.

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