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Editorial

Quel dirigeant pour Madagascar ?

lundi 19 novembre 2012 | Ndimby A.

La publication du livre recouvrant l’étude réalisée par l’association Liberty 32 sur le sujet « Quel dirigeant pour Madagascar ? » mérite une mention très honorable avec félicitations du public [1]. Pour la première fois depuis longtemps, un projet s’est donné pour objectif de s’enquérir de l’opinion politique de citoyens. Il a vu la participation de 7000 Malgaches, qui ont répondu au questionnaire destiné à cerner les aspirations des malgaches quant aux caractères et traits idéaux de leur dirigeant.

Sans vouloir faire de l’américanisme et encore moins de l’obamania primaire, j’aime assez la citation du Président Obama donnée par Brett Bruen, Conseiller culturel à l’ambassade américaine, et qui signe la préface : « Si tes actions inspirent les autres à rêver davantage, à apprendre davantage, à faire davantage, et à se dépasser davantage, alors tu es un leader ». De quoi mesurer les années-lumière qui séparent Monsieur Rajoelina de ce statut. Car se faire le gourou d’une secte orangée pendant des semaines ; réussir à hypnotiser la plèbe et la populace par des paroles de bonimenteurs (où le boni est de trop) en lui promettant monts et merveilles, pour ne lui offrir ensuite que chômage, inflation et insécurité galopante ; ce n’est certainement pas faire acte de leadership utile et de qualité. Al Capone et Hitler étaient aussi des leaders dans leur style...

Les dix commandements du bon dirigeant

On ne va pas soupçonner Liberty 32 d’avoir voulu faire un pamphlet anti-pouvoir de transition. On salue toutefois la lucidité de cette association dans l’introduction du livre : « A l’issue du coup d’Etat, le pays a plongé dans une gabegie totale qui laissera certainement des traces dan l’Histoire de Madagascar : trafic de ressources naturelles, spoliation de la population, abus de pouvoir sous toutes les formes, désobéissance militaire, disparition des règles civiques et du savoir-vivre en société, etc. Les politiciens de tous bords ont profité du marasme ambiant et du désarroi populaire pour servir leurs propres intérêts. Il est temps de dire STOP. ASSEZ ! ».

Voici donc un petit commentaire de texte sur « les dix commandements d’un(e) bon(ne) politicien(ne), futur(e) homme/femme d’Etat », que Liberty 32 a déduit d’après les opinions recueillies au cours de son étude.

  1. « Tu serviras le bien commun (et non ton coffre-fort et tes comptes en banque) ». Commentaire personnel : que lesdits coffres et comptes se trouvent à Madagascar, à Maurice ou à Dubaï.
  2. « Tu te soumettras aux élections et respecteras le verdict des urnes ». Commentaire personnel : se soumettre aux élections pour prendre le pouvoir est non seulement un signe de courage, mais également la marque d’un minimum d’éducation.
  3. « Tu ne mentiras point à tes électeurs ». Commentaire personnel : cela ne concerne pas Monsieur Rajoelina, qui n’a pas été élu au poste qu’il a obtenu par son coup d’Etat, et donc n’a pas d’électeurs. On ne peut donc lui reprocher ses promesses-mensonges de démocratie, de respect des droits de l’homme, de bonne gouvernance et autres fariboles. Il est vrai que comme disait le Président Chirac, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
  4. « Tu ne voleras point (que ce soit des voix ou des deniers publics) ». Commentaire personnel : no comment, faute de preuves publiables. Dans un régime où ce sont les mamo qui miantso polisy [2], mais également par respect des règles basiques de la presse, ne nous hasardons pas à proférer d’accusations sans preuves tangibles contre qui que ce soit, même si les manifestations d’enrichissements sans cause dans l’immobilier, les parcs automobiles ou le nom des actionnaires de certaines entreprises autorisent les questions. Et ce, sous peine d’avoir le tangalamena Patrick Zakariasy comme voisin de cellule. Par contre, on s’étonne de voir dormir sur leurs deux oreilles ceux qui ont proféré des accusations sans preuve contre le Président Ravalomanana comme quoi il serait soit-disant à l’origine du phénomène Remenabila. Que pense le Ministère de l’injustice de ce deux poids, deux mesures, pour la même infraction manifeste ?
  5. « Tu ne considèreras point Madagascar et ses ressources comme ta propriété ». Commentaire personnel : voir commentaire personnel après commandement n°4.
  6. « Tu respecteras et feras respecter les lois ». Commentaire personnel : on ne peut que ricaner, en voyant depuis mars 2009 la croissance exponentielle des trafiquants de bois de rose, du banditisme et des trafics d’armes dénoncés par la presse. Force est de se poser la question : l’Etat est-il capable d’assurer l’état de droit ?
  7. « Tu ne verseras point le sang du peuple pour servir ta soif de pouvoir ». Commentaire personnel : salutations distinguées au régiment de fantômes qui passent, les uns affublés du T-Shirt orange du 7 février 2009, les autres de banderoles tâchées de sang et marquées « marche de la liberté 1991 ».
  8. « Tu t’efforceras d’être un modèle moral pour tes compatriotes ». Commentaire personnel : la morale étant une valeur élastique dans un pays où même un coup d’Etat équivaut à une élection aux yeux de certains esprits obtus, on ne prendra pas la peine de commenter.
  9. « Tu agiras en bon leader, ouvert d’esprit et toujours en quête de progrès ». Commentaire personnel : actuellement, le progrès et le leadership signifient faire des hopitaly manara-penitra juste pour que certains ego hypertrophiés puissent se masturber avec une plaque de marbre à leur nom dans le hall, alors que de l’autre côte le Ministère de la Santé n’a même plus les moyens de payer les factures d’oxygène dans les hôpitaux existants (d’où rationnement de cette denrée) ; ou encore bâtir des stades et des salles de concerts pendant que la relance de l’économie, laissée exsangue par les impacts de la crise, peut attendre.
  10. « Tu respecteras tes adversaires politiques ». La notion de respect est inculquée aux enfants bien élevés, à qui l’on apprend à respecter les lois, les règles et les normes. C’est une perte de temps à rechercher une trace de respect des autres chez des gens qui n’ont pas honte de s’abaisser à faire un coup d’Etat.

Conclusion : ce n’est certainement pas chez les dirigeants actuels que l’on va trouver un dirigeant ayant ce profil. S’il fallait noter le PT (Président de la transition), il obtiendrait 1/10 (0,5/1 points aux critères 4 et 5, au titre du bénéfice du doute). Il manque juste à mon avis dans la liste de Liberty 32 le sens de la responsabilité, du style « tu assumeras les conséquences de tes actes et de tes décisions ». Les putschistes et leurs griots ont une propension comique à se saisir de n’importe quel prétexte pour tenter d’expliquer la catastrophe socio-économique actuelle causée par leur incompétence : c’est la faute du vendredi 13, de la communauté internationale, de la SADC, des Français, des Américains, des francs-maçons, de Marc Ravalomanana, des éditorialistes de Madagascar-Tribune.com, des cyclones, de l’arrêt des financements internationaux, du plat de tsaramaso qu’a mangé le voisin etc.

« Peuple du 13 mai » : combien de citoyens ?

Avec cette recherche de Liberty 32, au moins on peut savoir ce que souhaite une partie du peuple. La principale difficulté d’une vie politique en dehors des urnes, telle que celle vécue depuis le coup d’Etat de 2009, est de ne pas savoir exactement ce que veut ce peuple, dont la voix est soigneusement cachée par les protagonistes qui s’en proclament tous les porte-paroles. Les moracrates proclament à qui veulent les entendre qu’Andry Rajoelina est arrivé au pouvoir par la volonté du peuple. Ce serait ramener le peuple à une assemblée de badauds et de nigauds de places publiques, et écarter les électeurs dont la majorité acquise au cours d’un vote est censée refléter l’opinion.

J’invite les lecteurs à relire un article écrit le 3 mars 2009, et qui tentait de répondre à la problématique suivante : le peuple du 13 mai, cela fait combien de citoyens ? Il y était démontré que l’Avenue de l’indépendance toute entière ne pouvait accueillir au grand maximum que 150.000 personnes (soit environ le tiers pour l’endroit baptisé Place du 13 mai). Or 150.000 personnes, cela ne fait que 2% des électeurs malgaches ; 10% des électeurs de la région Analamanga (chiffres sur la base des élections présidentielles du 3 décembre 2006) ; ou encore 0,8% de la population malgache totale [3]. Au nom de quoi donc cette portion incongrue de l’ensemble des Malgaches pouvait-elle prétendre représenter le peuple de ce pays, que ce soit d’ailleurs en 2009, en 2002 ou en 1991 ?

A cette interrogation, un griot d’Andry Rajoelina m’asséna cette curieuse vérité : « pour 1 personne présente sur la Place du 13 mai, il y a au moins 20 personnes dans les bureaux ou dans les provinces qui soutiennent la Révolution orange ». A moins qu’il ne soit doté du privilège de la voyance extralucide, je serai étonné de savoir sur quelle base scientifique ou vérifiable cet individu avait sorti cet échantillonnage pifométrique. Mais il ne doit pas être étonnant que les partisans de la Révolution orange, nourris aux mamelles de rumeurs, de tsaho , de honohono et de tondro-molotra se satisfassent également d’à-peu-près et d’approximations hâtives. S’ils avaient eu une quelconque capacité de discernement et de jugement, on n’en serait pas là.

Pour finir sur , on notera avec satisfaction la victoire de notre compatriote D-Lain (ancien chanteur de Tana Gospel Choir) au concours Castel Live Opéra. Au moins voilà un Malgache qui est arrivé à se positionner en modèle positif pour la jeunesse, et qui donne une bonne image du pays à l’échelon continental. Comme quoi, en matière de musique à Madagascar, il n’y a pas que des (mauvais) DJ.

P.-S.

Liberty 32 est une association de jeunes soutenue (entre autres) par l’Ambassade américaine. La diplomatie culturelle de celle-ci est de plus en plus active depuis 2009, pour ne citer que le nouveau centre culturel américain à Tanjombato, les activités culturelles à Ranomafana, ou encore la multiplication de voyages d’information de jeunes leaders dans leur domaine. L’appui à la création du Youth Civic Center à Anosy en est un autre exemple.
Liberty 32 s’est créée autour d’un noyau de sortants du YLTP, un excellent programme de la Fondation allemande Friedrich Ebert destiné à favoriser le leadership dans les jeunes générations, même si cela produit également quelques phénomènes à l’égo enivré par leur statut de leaders autoproclamés.
On se gardera bien de critiquer de telles initiatives étrangères qui tentent de créer une dynamique d’engagement civique chez les jeunes malgaches, dans la mesure où il n’y a plus rien à attendre des vieux (ou des moins jeunes, pour rester courtois). On s’étonnera tout simplement du manque, si ce n’est de l’absence, de programmes malgacho-malgaches ayant de telles ambitions.

Notes

[1Le livre a été tiré à 4.000 exemplaires et est distribué gratuitement. Il peut être récupéré au Youth Civic Center à Anosy.

[2Expression malgache qui signifie littéralement : ce sont les ivrognes qui appellent la police. Une façon de dire que cela ne fait pas sérieux de voir un fautif appeler les représentants de la loi pour se protéger de ses propres turpitudes.

[3Sur la base d’une estimation à l’époque de 19 millions d’individus.

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