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Editorial

Le cirque du coliseum

mercredi 12 décembre 2012 |  5278 visites  | Ndimby A.

Nombrilisme auto-jubilatoire et relents de propagande : le Président de la transition (PT) a usé et abusé de ces deux mamelles pour inaugurer en grandes pompes un coliseum dédié à la musique à Antsonjombe [1]. Full disclosure, comme dirait mon ami Patrick : je ne vais jamais aux concerts et autres manifestations musicales, sauf quelquefois ceux de Madajazzcar. Par conséquent, le coliseum d’Antsonjombe n’aura aucune espèce d’incidence sur ma vie quotidienne. Et comme vous pouvez l’imaginer, le palais du rugby d’Andohatapenaka en aura encore moins, dans la mesure où je n’ai aucune propension à fréquenter ce milieu. Quant aux fameux hôpitaux manara-penitra  [2] dont le premier a été inauguré il y a peu à Antsiranana, j’ai déjà eu l’occasion d’en dire ce que je pensais : initiative ridicule, dans un pays où il y aurait tant à faire pour mettre à niveau les ressources humaines, matérielles et financières des hôpitaux déjà existants. S’agiter d’un côté pour construire de nouveaux hôpitaux , et de l’autre, ne même pas être capable de payer les factures d’oxygène des hôpitaux publics actuels (ce qui les oblige à le rationner), relève d’un phénomène qui tient plus de la psychiatrie que de la psychologie.

At the end of the day, pour parler comme aux États-Unis, les gesticulations à vocation propagandiste d’Andry Rajoelina ne m’impressionnent pas. Il faut être un niais patenté et certifié pour y voir des réalisations extraordinaires et utiles au pays. Espérons juste que lors de la prochaine crise politique, les opposants se gardent bien d’appliquer l’éducation citoyenne que les leaders de la Révolution orange ont enseignée : brûler et piller ce qui rappelle les réalisations des gens du régime en place, comme les magasins Magro, ou les nouveaux locaux de la TV nationale [3].

Un style qui plait aux kondrana manara-penitra.

Malheureusement, depuis toujours, le principal moteur dans les agissements d’Andry Rajoelina sont le paraître et le superficiel. Peu importe que les hôpitaux publics existants manquent de ressources, car pour Rajoelina, l’essentiel est qu’il puisse voir son nom sur la plaque de marbre. Peu importe que son coup d’État ait plongé des centaines de milliers de malgaches dans le chômage, l’essentiel est qu’il puisse dire aux quelques jeunes qui vont y aller pour oublier les limites de leur horizon le temps d’un kawitry : « je me suis occupé de vous, je vous ai construit des salles de spectacles et des stades de rugby ». Quant à la relance de l’économie et de l’emploi, ça peut attendre, ce n’est pas sa priorité. De toutes manières, la vision des badauds de son fan-club ne leur permet pas de voir plus loin que le bout de leur nez. Dans quelques mois ou quelques années, ils iront de nouveau user leur fonds de culotte sur la Place du 13 mai ou au Parc d’Ambohijatovo, quand un autre bonimenteur de place publique usera d’un mégaphone pour leur vendre la même salade avariée comme en 1991, 2002 et 2009.

Le style Rajoelina, basé sur la superficialité et la poudre aux yeux, et donc sur un grand écart entre promesses et réalisations, ne date pas d’hier. Il suffit de voir ce qu’il a fait à la tête de la Mairie de la Capitale. Les trois seules choses à mettre à son actif sont (1) l’inscription « Antananarivo » sur les flancs de la colline d’Ampamarinana, (2) le carrelage des tunnels de la Capitale, et (3) la transformation du jardin d’Andohalo en une espèce de piste de boite de nuit à ciel ouvert avec des éclairages du plus mauvais goût [4]. Autant dire donc qu’il n’y avait aucune raison de donner foi en la moindre de ses promesses du premier trimestre 2009, quand il s’était engagé à amener la démocratie, l’état de droit et la bonne gouvernance dans le pays. Comment les engagements d’un type capable de faire un coup d’État pouvaient-elles paraître crédibles un seul instant ? Il fallait être kondrana manara-penitra pour le croire, et malheureusement, il n’y a pas eu pénurie en la matière.

Ce qui est le plus risible, c’est que certains anciens leaders de la Révolution orange de 2009, anciens membres de la Haute autorité de la transition ou anciens ministres, se permettent maintenant de prendre des distances en espérant qu’on oublierait leur forfait, et font semblant de se comporter comme des opposants. Dernier phénomène dans la liste des pitreries : Organès Rakotomihantarizaka, qui a créé un parti pour « sauver la patrie ». Il vaut mieux entendre ça que d’être sourd. Dans la liste des gens qui devraient éviter d’attirer l’attention sur eux, ce Contrôleur général de police qui n’a rien contrôlé, et qui fut même un champion hors-catégorie de l’insécurité publique, figure sans aucune contestation possible sur le podium. Alors quand je lis que son parti « souhaite une société équilibrée plus juste et plus harmonieuse édifiée et administrée en collaboration avec l’opposition et l’instauration d’un État de Droit constitue un processus de développement en vertu duquel une justice indépendante veille à l’éradication de toute impunité », cela a le même effet sur mes intestins qu’un gros plat de haricots.

J’avais déjà eu l‘occasion dans ces colonnes de me moquer du côté instable et illogique de certains zanak’i dada qui avaient placé leurs espoirs dans la tentative de putsch du BANI, alors qu’il était perpétré par une majorité d’officiers qui, non seulement, avait participé au coup d’État de mars 2009, mais ensuite, avait contribué à la répression du mouvement légaliste. Et depuis quelques jours, je m’étonne de voir que des zanak’i dada véhiculent à tour de bras via Facebook et autres forum les déclarations du lieutenant-colonel Charles Randrianasoavina (et appellent même à le soutenir financièrement), comme s’il était leur nouveau gourou. Il faut être amnésique ou idiot pour oublier ce qu’a fait cet officier qui a tant déshonoré l’armée en 2009. Sans doute dans leur désespoir, certains partisans de Marc Ravalomanana et/ou opposants à Andry Rajoelina sont prêts à se raccrocher à n’importe quelle branche pour animer ce qu’il leur reste de flamme. Mais de là à voir en Rasarla le nouvel évangéliste, il y a un pas que je ne franchirai pas.

C’est sans doute un autre attribut de mon sale caractère : en matière politique, les lignes de démarcation doivent être claires et immuables. Les retourneurs de veste et autres retourneurs de pantalons sont des parasites de la classe politique, qui sont malheureusement nourris par les foules écervelées qui suivent leurs transhumances et pitreries, même jusqu’à aller à l’attaque de Palais présidentiels classés zones rouges. Tous ceux qui ont fricoté avec les auteurs du coup d’État n’ont aucune excuse pour se faire pardonner, et devront rendre des comptes au tribunal, si ce n’est celui des hommes, du moins de l’Histoire. Alors les rats qui quittent le navire et autres putschistes défroqués qui font semblant de faire amende honorable pour tenter de se blanchir, qu’ils passent leur chemin avec leur barbichette !

P.-S.

Il y a quand même des questions qui se posent. Les comptes de dépenses sur l’utilisation de l’argent donné par Wisco (et qui aurait financé tous ces bâtiments aussi tape-à-l’oeil que peu utiles) sont-ils publics et transparents ? Quel réel intérêt pour les artistes d’avoir ce coliseum, quand ce ne sont pas les infrastructures de spectacle qui manquent de façon urgente, et que tant d’autres problèmes subsistent actuellement (lutte contre le piratage, baisse du sponsoring des entreprises à cause de la crise, accès au marché international) ? Par conséquent, ce coliseum sert-il les intérêts des artistes, ou bien ne sert-il que l’intérêt de celui qui veut passer dans l’histoire comme un bâtisseur, même s’il s’agit de choses futiles.

Notes

[1Coliseum : nom latin pour désigner un grand amphithéâtre. Et pour rester dans les latineries, soulignons que le niveau de culture des parvenus de la Transition ne les empêche pas d’appliquer (même si je doute qu’ils aient jamais lu Cicéron ou le fameux De viris illustribus urbis Romæ qui fit notre terreur lors des versions latines) un principe fondamental de l’Empire romain : panem et circenses, du pain et des jeux de cirque. Sauf que le pain se fait de plus en plus rare à cause de la crise issue du coup d’État, et que pour compenser, il y a de plus en plus de jeux de cirque. Mais de toutes façons, qu’attendre de la part de stars du show-biz ayant plus une vocation de clown que d’hommes d’État ? D’ailleurs, dans la mouvance des allusions latines grotesques, certains médias nous annoncent la création en France d’une association dénommée CESAR (Comité d’Encouragement et de Soutien à Andry Rajoelina). À quand l’association TAPETE (Troupes d’APpui à l’État de Transition Eternelle) ?

[2Manara-penitra : nouveau leitmotiv du pouvoir de transition et de ses griots pour qualifier des réalisations qui, paraît-il, suivent les normes. Reste à savoir si le chômage, l’inflation, l’insécurité et la croissance de la pauvreté qui résultent de la crise sont aussi manara-penitra.

[3Au nom de l’objectivité, rappelons cependant les pillages du domicile de Guy Willy Razanamasy et l’incendie de Radio Tsioka Vao perpétrés par les pro-Ravalomanana en 2002.

[4Au nom de l’objectivité, on reconnaîtra cependant la reconstruction de l’Hôtel de ville, tout en se demandant à quoi cela sert dans le contexte, à part de pouvoir dire que « hourrah, hourrah, c’est moi-je qui ai fait ça... Ok ? ».

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