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Editorial

De badaud à citoyen

mercredi 16 septembre 2009 |  3297 visites  | Patrick A.

Du débat télévisé entre Monja Roindefo et Fetison Andrianirina sur les ondes publiques, on retiendra quelques éléments :

- Les Nenitoa [1] RNM et TVM sont conscientes qu’elles sont obligées, sous peine de disparaître du paysage médiatique, de tenir compte de la diversité des opinions qui est apparue au grand jour cette année 2009 et que nous avions déjà évoqué hier. On peut juger leurs efforts pour combattre le réflexe poussant à n’être que la voix de son maître très insuffisants, ils sont néanmoins là, et si le verre n’est pas entièrement plein, il n’est pas non plus entièrement vide. Cela se traduit par le débat d’hier, mais aussi plus régulièrement par l’émission du Samedi Allo RNM où des auditeurs aux opinions parfois diamétralement opposées peuvent s’exprimer par téléphone.

- Monja Roindefo a une lecture très personnelle de la Charte de la Transition, faisant valoir, si j’ai bien compris, que comme cette Charte n’a pas encore été ratifiée, la HAT faisait preuve de bonne volonté en mettant d’ores et déjà en oeuvre quelques actions. On ne sait si, à picorer ainsi, le Premier Ministre arrive à apprécier la différence entre le menu et la carte d’un restaurant. Toujours est-il qu’il semble se référer à l’article 45 de la Charte de la Transition [2] qui prévoit une ordonnance de ratification. Mais il semble oublier que ce même article stipule que la Charte entre intégralement en vigueur dès sa signature.

- Malgré les tensions politiques de l’heure, un minimum de civilité perdure au sein de la classe politique. Les loups ne se mangent pas entre eux, et le citoyen de base peut encore espérer que tout ce petit monde se rassiéra autour d’une table sans que trop de sang ne coule.

Espérer seulement ? Minoa fotsiny ihany ? Dépasser le statut de badaud pour obtenir celui de citoyen peut passer par des actions pour pousser vers la table de négociation nos hommes politiques et jouer un rôle de vigile vis-à-vis de leurs actions.

On peut cependant penser que ces actions de la société civile ne prendront réellement corps que si elles satisfont à quelques critères, dont certains sont déjà réunis.

Elles devront être transverses, signées par des organisations aussi diverses que possibles. Lorsque les administrateurs civils bougent seuls, ils risquent facilement de retomber dans le corporatisme. Lorsqu’ils se joignent à d’autres groupements, ils s’obligent à dépasser leur petit horizon et à faire résonner des cordes sensibles au sein des quatre mouvances.

Elles devront être dépersonnalisées, en ce sens qu’elles ne proposeront aucune personne à des postes de responsabilités. Andry Rajoelina n’avait jamais été capable de faire respecter ses mots d’ordre de « ville morte » ou de « grève générale ». Les zanak’i Dada se font tout autant d’illusions en imaginant que les ouvrières de zone franche sortiront de leurs usines pour se rallier à leur bannière. Les personnes qui n’ambitionnent à aucun poste sont condamnées à se rapprocher entre elles. Dans une certaine mesure, l’idée d’un Conseil Économique et Social, qui est pourtant salué comme un des progrès de Maputo, est une négation de l’idée même de société civile qui ne peut exister qu’en dehors de l’État et des ambitions politiques.

Elles devront être publiques et pacifiques. L’État sera toujours tenté de « criminaliser » les dissidents, de faire passer leur action comme potentiellement délinquante et violente. Le meilleur des antidotes à cette volonté est de rester ferme, à la fois sur les moyens non-violents utilisés et sur le discours de la non-violence. L’action, même lorsqu’elle est contrainte à prendre la forme d’actions de désobéissance civile, doit rester civile, c’est-à-dire qu’elle respecte les principes, les règles et les exigences de la civilité. La désobéissance civile est la manière civilisée de désobéir. Elle est civile en ce sens qu’elle n’est pas violente. C’est le choix de la non-violence qui permet de tenir, de rester ferme et uni.

Elles devront être motivées par une haute idée du droit. Jean Jacques Rousseau écrivait : « Un peuple libre obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres, non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles. »

Plutôt que légalistes, appelez nous citoyens...

Notes

[1Tantes. Allusion à l’expression Auntie BBC.

[2Rappelons à nos lecteurs que les textes des documents signés à Maputo ont été retranscrits en intégralité sur notre site depuis le 13 août, et qu’on peut également les télécharger, en version française et malgache, au bas de cet article.

10 commentaires

Vos commentaires

  • 16 septembre 2009 à 08:39 | Ramarolanoana J (#1663)

    Le débat d’hier a montré les limites de Monja R. et des TGVistes en général. Son seul argument c’est la force militaire à sa disposition et son entêtement. La mouvance TGV aurait du envoyer Ratsirahonana ou Ny Hasina et le débat aurait été plus équilibré.

    • 16 septembre 2009 à 11:07 | bema (#828) répond à Ramarolanoana J

      Vous aussi, vous avez atteint votre LIMITE.MISAOTRA TOMPOKO !

  • 16 septembre 2009 à 08:42 | da fily (#2745)

    Bôf, Patrick, bof. Ce n’est pas parce que Monja a encore tourné autour du pot publiquement, qu’il faille tourner avec lui et se la mettre en bandoulière ! La chanson est connue...

    Tiens, en parlant de citoyens, les descendants des Gaulois en ont une bonne le jour où ils ont dit « assez » à la domination du monarque, ils ont scandé : « aux armes citoyens ! ». La suite on connait, mais chut...ici le Fis veille à ce qu’il n’arrive rien de fâcheux à sa mère Hat (marâtre ?).

    Même si je me ferai taxer d’émotif plutôt que de constructif, on voit bien que le pouvoir tourne le dos au peuple, il n’en a cure de l’extrême dureté de ce qu’il vit, mince il faut le crier. Jusqu’à quand peut-il tirer le diable par la barbichette ? Il y en a marre, et nous ne devons pas nous mettre à accepter ad vitam eternam chaque fait accompli !

    • 16 septembre 2009 à 11:23 | lalatiana (#1016) répond à da fily

      Hey ... je n’avais pas volonté de vous agresser et encore moins de vous blesser ... et ne visais personne en particulier...

      Je culpabilise moi même de ne pas être là bas ...

      Cordialement ...

    • 16 septembre 2009 à 12:37 | da fily (#2745) répond à lalatiana

      Il n’y pas de mal Lalatiana, on est solide par ici, mais je vois qu’on se dirige vers un consensus mou qui me hérisse, car il fait le jeu des hâteux profiteurs.

      Je monte au créneau et je re-harangue : non aux usurpateurs, qu’ils TIENNENT PAROLE d’abord, et on discute après !

      Le badaud-citoyen en a plus que marre qu’on le prenne pour un « bado » bon qu’à servir de piedéstal à des péteux sans scrupules !

  • 16 septembre 2009 à 09:14 | Lemurkata (#801)

    Il nous manque un Mandela, un Luther et autre Gandhi. Si on avait vulgarisé la lutte pacifique de ces grands hommes en lieu et place des Karl Marx et Mao. Si on a échangé le « Hany ka tsy ’zany va ... » et les « minoa fotsiny ihany » contre une éducation citoyenne responsable. Alors, on aurait peut être vécu autre chose que ces coups d’état répétés à Mada.

  • 16 septembre 2009 à 09:49 | observatrice (#2065)

    pourquoi on n’entend aucune voix s’élever du côté des intellectuels malgaches ? Se seraient-ils fourvoyés aussi dans ce magma inqualifiable ? ils devraient être les porte-flambeaux de la citoyenneté avec suffisamment d’intelligence et de recul pour analyser la situation.

    • 16 septembre 2009 à 11:20 | lalatiana (#1016) répond à observatrice

      Très très bonne question ...

      Instinct de survie dans des environnements politiques versatiles où leurs prises de position risqueraient leur faire perdre leurs postes ... ???

  • 16 septembre 2009 à 16:34 | kakilay (#2022)

    Ils n’avaient aucune légitimité politique de représenter le peuple ces putschistes.

    Ils viennent de perdre devant le tribunal de la raison hier au soir.

    Reste à semer la peur ? Jusqu’à quand ?

  • 16 septembre 2009 à 20:45 | el che (#344)

    Superbe article, A.Patrick !
    De la manière dont évolue la situation, il devient clair que A. Rajoelina, emboite dangereusement le pas de ses prédécesseurs : une dérive dictatoriale, dictée par la vanité, sous la pression d’une fraction influente de l’armée.

    Nous allons assister à une série probables d’arrestations pour les réfractaires à la HAT, et la consécration pour les anciens pro-ra8, prêts à se rallier à la HAT, ceux-là même qui ont maintes fois retourné leur veste, sans état d’âme.

    Nous voilà avec un gouvernement décousu, avec une superposition de personnages de circonstance, dont la seule cohésion consiste à faire briller sa carrière personnelle.

    Quelle est la place des citoyens dans tout cela ?

    Le passage de la logique à l’épilepsie est consommé !

    Nous sommes, je pense, victimes d’un réflexe atavique : il s’agit de Idolâtrie
    Notre conception de la politique est unique en ce sens : l’attente de l’homme providentiel qui viendra sauver le pays.

    Mais à chaque fois, le messie tant espéré se révèle être un vampire assoiffé de puissance et gloire !

    Comme le dit le professeur de droit sur ce forum, « C’est le système qu’il faut changer ».

    Exit les messies, les hommes géniaux et charismatiques. Les idées de société sont le fruit de concertation entre les différentes familles politiques, et société civile. Elles ont pour corolaire la prise en compte des doléances de la majorité des citoyens.

    Les politiciens doivent fédérer autour de principes, des idées et des programmes de société. Ces derniers sont issus de concertations mûres et réfléchies avec tous les membres d’une famille politique.

    Si les hommes politiques restent sourds aux doléances du peuple, alors c’est à ce dernier de manifester et de le faire savoir haut et fort qu’il est la source de toute légitimité, qu’il faut maintenant l’écouter, au lieu de spéculer sur son dos.
    Ces manifestations doivent bien sur rester pacifiques, mais empreinte de détermination sans faille.

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