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28 novembre 2017 à 17:35 | RAMBO (#7290)

On aurait tort, toutefois, de s’en tenir là. Car Voltaire s’adoucira. Plus tard, notamment dans l’« Essai sur les moeurs et l’esprit des nations », de 1756, il change ses jugements, au point de devenir élogieux envers le monde musulman, de voir en l’islam une religion sage et austère, d’insister sur ses aspects philosophiques et tolérants. On ne saura oublier que c’est sans doute moins l’islam qui l’intéresse que l’usage qu’il peut en faire contre le catholicisme. Certains expliquent ainsi la plupart des violences voltairiennes ; ne pensant qu’à« écraser l’infâme »(le fanatisme, incarné par l’Église et le clergé), le philosophe ferait feu de tout bois. S’il attaque tant les juifs, ce serait parce que le christianisme se réclame de la Bible, s’il dénonce la violence de Mahomet, c’est en visant celle des chrétiens, s’il loue la tolérance musulmane, c’est pour mieux dénoncer la religion chrétienne,« la plus ridicule, la plus absurde et la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde », écrit-il à Frédéric II de Prusse en 1767.
Partiellement juste, cette explication par l’antichristianisme ne justifie pas tout. Parcourir tant de pages où le héros de la tolérance se révèle haineux et méprisant laisse un goût amer et des interrogations ouvertes. Pour s’en sortir, on ne dispose que d’hypothèses. On peut notamment essayer d’en appeler à l’« air du temps » : tous ces préjugés qui nous embarrassent, ces jugements péjoratifs et offensants sur les femmes, les homosexuels, les juifs, les musulmans... ne seraient qu’inévitables, et donc excusables, séquelles des temps anciens.
« À l’époque », dira-t-on, pareils énoncés n’avaient pas le même sens ni la même portée qu’aujourd’hui. Habituelle et facile, cette réponse s’en tire à bon compte et ne va pas loin. Certes, on ne peut nier que les sensibilités évoluent, mais il est également bien facile de trouver, parmi les contemporains de Voltaire, des penseurs qui combattaient pour l’égalité des sexes, la liberté des moeurs, la dignité des juifs et celle des musulmans. Vingt ans avant la naissance de Voltaire, par exemple, François Poulain de la Barre publiait « De l’égalité des deux sexes » (1673), l’un des premiers grands classiques du féminisme,« où l’on voit l’importance de se défaire des préjugés ». En 1714, le philosophe irlandais John Toland, libre-penseur, publiait un texte délibérément « philosémite », « Reasons for Naturalizing the Jews in Great Britain and Ireland ». Eux et quelques autres contrevenaient donc à cet « air du temps » supposé tout-puissant, et l’on eût aimé compter Voltaire en leur compagnie. Ce n’est pas le cas.
Dès lors, certains seront tentés de le brûler. Aux indulgents, qui dissolvent ses propos infâmes dans les habitudes de l’époque, succèdent les teigneux à courte vue, qui aiment par-dessus tout cracher sur les idoles et déboulonner les statues. Si le philosophe de Ferney n’est plus tout entier admirable, diront-ils, qu’on le jette tout entier, qu’on l’oublie à jamais ! Au lieu du Panthéon, les poubelles de l’Histoire. Voilà encore une esquive, elle aussi bien simpliste. Car la difficulté, la seule intéressante, est d’affronter la coexistence de ces deux faces : ici tolérance, raison, Lumières, là mépris, calomnies, exclusions.

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