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Développement

Une « idéologie anti-urbaine »

samedi 16 octobre 2010 | Mona M.

Quelques jours après sa déclaration selon laquelle « les bailleurs se sont trompés en n’investissant pas plus dans les villes malgaches », le directeur de l’Institut des Métiers de la Ville Jean-Jacques Helluin est revenu sur cette question vendredi 15 octobre 2010, en organisant dans son institut une conférence sur le thème du « biais anti-urbain » de l’aide au développement à Madagascar.

En prélude à cette conférence, il a évoqué une étude effectuée en 2001 par la Banque Mondiale et restée depuis confidentielle et sans suite, car politiquement incorrecte. Cette étude affirmait que pour avoir un meilleur rapport coût-qualité, les investissements publics en matière d’infrastructures devaient se concentrer sur la capitale et son corridor routier jusqu’à Toamasina. Mais selon lui, cette étude a déplu car la ville est victime d’une « idéologie anti-urbaine », sans doute venue des influences de l’époque coloniale.

À titre d’exemple, il a cité le président Tsiranana, qui avait plaidé pour un « retour aux campagnes », et le MAP de Marc Ravalomanana, qui faisait du rural une priorité nationale, mais ne s’intéressait pas à l’urbain. « Il est étrange, a-t-il fait remarquer, qu’alors que plusieurs présidents de la République de Madagascar ont été auparavant maires d’Antananarivo, ils accordent, une fois arrivés à la magistrature suprême, une place si limitée au développement de la capitale ». Les transports en commun eux-mêmes ne reposent que sur des fonds privés, alors qu’ils transportent chaque jour quelques 700 000 personnes.

Pour le directeur de l’Institut des Métiers de la Ville, une politique de développement qui néglige les villes est une catastrophe. Quant à l’idée de freiner l’exode rural, c’est un pari impossible à tenir : « certains pays ont essayé : l’Afrique du Sud, la Chine, les républiques soviétiques… Tous ont échoué ».

La conférencière, Carole Guilloux, étudiante en Master 2 « Coopération pour le développement » à l’université Paris 1 Sorbonne, a un avis un peu différent sur la question. Pour elle, il s’agirait moins d’un discours « anti-urbain » sciemment tenu que d’une absence pure et simple de discours sur la ville. C’est d’ailleurs le constat qu’elle a fait au cours de ses recherches et des 40 entretiens qu’elle a menés : ses interlocuteurs, qu’ils soient des hommes politiques ou des acteurs de l’aide au développement, étaient rarement préparés à des questions touchant spécifiquement le domaine urbain. Même l’Union Européenne n’a pas de discours sur le développement urbain. Seul le Programme des Nations unies pour les établissements humains (UN-Habitat) a des programmes, mais son budget est plus que limité.

Après une enquête de cinq mois à Madagascar, Carole Guilloux est arrivée à la conclusion que la ville avait bel et bien été négligée par les bailleurs de fond et les politiques nationales, Ces derniers temps cependant, elle constate un revirement, tant au niveau international avec l’étude à paraître de la Banque Mondiale sur « L’urbanisation ou le nouveau défi malgache » qu’au niveau national avec la Politique nationale d’aménagement du territoire et la Politique nationale de l’habitat.

La nécessité de l’action

Pour la jeune étudiante, ce constat ne suffit pas. Il faut maintenant reconnaître les erreurs du passé et en tirer les leçons, car l’investissement dans les villes est urgent pour éviter l’anéantissement de toute possibilité de développement durable. À Madagascar, les villes abritent 27% de la population, mais produisent 70% du PIB. De plus, avec une croissance urbaine de 4% par an, les villes de plus de 5000 habitants sont passées de 33 en 1960 à 172 en 2007. Quant au point d’équilibre entre rural et urbain, il devrait être atteint en 2030.

Pour réparer les erreurs du passé, Carole Guilloux préconise une démarche en trois étapes : d’abord, créer une animation intellectuelle autour de la question, afin de susciter le débat et de pouvoir passer à l’étape 2, la construction d’une vision globale et d’une stratégie. Enfin, cela pourra entraîner des actions coordonnées entre les différents acteurs. Ce passage à l’aide au développement urbain ne devra cependant « surtout pas » s’inscrire en opposition au développement rural, car les deux doivent aller de pair.

Le revirement des bailleurs de fond vers une meilleure prise en compte de la ville ne semble pas gagné d’avance. En effet, aucun des représentants des principaux bailleurs de fonds, pourtant invités à la conférence, n’était présent vendredi. « Ils n’ont jamais été là en ville, et ne sont toujours pas là », a amèrement constaté Jean-Jacques Helluin.

1 commentaire

Vos commentaires

  • 16 octobre 2010 à 13:13 | Boris BEKAMISY (#4810)

    Cette etude est trés pertinente en plus d’un titre
    Les differents bailleurs ont effectivement fuit les villes .

    Antananarivo n’est pas la seule victime

    Rien que le classement d’une ville parmi la liste des communes urbaines constitue à l’heure actuelle un critère letal pour voir etre interdit d’acceder aux financements exterieurs

    Ces conditions d’interventions des bailleurs ont contraint beaucoups des Maires des diferrentes villes de Madagascar à refuser categoriquement la recente proposition du MDAT sur la mise à jour des listes des communes urbaines à Madagascar

    Des villes nomminées en commune urbaine ont preferé resté sur la liste des communes rurales

    Mais les biais anti-urbain ne sont pas seulement l’eouvre des bailleurs, les diferrents regimes qui ont succedé à Madagascar n’a pas du tout pondu et mis en eouvre un veritable politique des villes.

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