Plus d’un auront constaté ces derniers temps et en particulier depuis lundi 26 novembre 2012, la pagaille qui règne dans les institutions de la transition ; c’est le bordel entend-on dire dans la rue. Ailleurs dans les salons, on ne s’empêche pas de dire que c’est la guerre déclarée entre gouvernement et conseil supérieur de la transition ; sinon que les institutions de ce régime de transition recèlent des gens irresponsables et peu soucieux de leur honneur et de leur fonction et qui plus est, sont très peu conscients de la portée de leurs actes et de leurs propos. Un vrai « mpikabary » aurait trouvé mieux comme forme d’expression que celles utilisées par des jeunes adolescents entre eux pour dire et faire comprendre au Premier ministre qu’il a fauté ou qu’il n’est pas à sa place.
A l’intérieur même d’une institution, tel le Conseil supérieur de transition (CST), les membres ne se respectent pas entre eux. Tout le monde aura remarqué l’insolence juvénile manifeste de plus d’un « honorable conseiller », qui a perturbé le cours de la séance de question-réponse de près de 17 heures. En tout cas, l’image des membres ou de l’institution CST a été écornée malgré les corrections apportées par un Alain Tehindrazanarivelo ou un Vyvato Rakotovao. C’est le bordel chez les politiciens du CST.
Idem dans la vie quotidienne du commun des citoyens. Un semblant d’ordre sous forme de fait accompli et accepté ou du moins toléré par lassitude ou l’indifférence-démission ; un calme flou dans le désordre et l’incivisme mêlé d’ignorance ou d’arrogance mal placé ou l’expression de frustration ; ce sont là le vécu quotidien partout, dans les rues par les piétons et les automobilistes. A beaucoup d’égards, une forme de résignation entremêlée de sentiment et d’esprit de révolte qui n’attend que des opportunités d’explosion, plane partout. C’est peut-être la raison pour laquelle plus d’un observateur s’accordent à dire que la population en a marre et que la colère est à fleur de peau partout.
En tout cas, dans plusieurs secteurs de la vie publique, les grèves se succèdent. Quelle qu’en soit les raisons, il y a une succession ou une simultanéité difficilement compréhensible des grèves. Alors que les enseignants des écoles et collèges publics ont arrêté de faire grève, ce sont les transporteurs urbains qui ont déclenché les leur. Et on ne sait trop pourquoi ni comment, c’est le président de la transition qui a réussi à mettre fin au bordel tout en avalisant un tarif de 400 ariary pour la majorité des usagers –objet de récrimination de ces derniers, et en instaurant pour une minorité, un tarif pour étudiants et une frange des travailleurs – les ouvriers des zones franches ; mais en oubliant superbement les handicapés. Que peuvent dire et faire ces personnes handicapées ? A-t-on entendu une association ou une Ong de quoi que ce soit s’insurger contre une telle discrimination ? Leur attention est sans doute émoussée par la crise et ses conséquences sur les droits de l’homme et les droits humanitaires.
Il faut dire que les agitations ou les vagues engendrées par les dahalo et l’affaire Remenabila dans le sud dans le monde de la sécurité ou de la justice, les trafics de bois de rose et autres bois précieux, voire tout simplement de la gestion des forêts et de l’environnement et surtout de la politique, sont très prégnantes. Les greffiers de justice sont en grève pour des raisons d’indemnités. Les pénitenciers qui attendent aussi la satisfaction de leurs revendications leur manifestent leur solidarité au même titre que les magistrats affiliés au SMM (Syndicat des magistrats de Madagascar). Les forestiers réclament en observant une grève, depuis lundi 26 novembre eux aussi, un ministre à temps plein et déclarent ne cesser leur mouvement tant que leurs revendications ne soient satisfaites ; ils envisagent de porter l’affaire devant la SADC et le président de la transition car il y a blocage fondé sur la feuille de route sachant que la mouvance Zafy ne donne pas de remplaçant après révocation du Dr. Joseph Randriamiarisoa.
Car la SADC elle aussi est sollicitée dans la résolution de certains problèmes. Hier, après avoir interpellé le Système des Nations unies, des émissaires qui se disent envoyés spéciaux des populations du sud, sont montés au créneau pour faire campagne contre Amnesty International et déplorer les allégations de génocide dans le sud perpétré apparemment dans le cadre de l’opération de rétablissement de l’ordre appelée « opération tandroka ». Ces individus (dont les mentors ne sont pas difficiles à définir) comptent interpeller également la SADC et les chancelleries installées dans le pays et réclamer de ces entités, une descente sur terrain pour recueillir les témoignages au lieu de demeurer en simple observateur et cautionner implicitement les accusations d’Amnesty International. A certains égards, il s’est déclenché depuis les déclarations d’Amnesty international, une campagne de désaveu et de dénonciation dont les aboutissants n’ont pas été mûrement réfléchis. Quelques analystes et observateurs avertis lisent en effet autrement ces déclarations/accusations d’Amnesty international, comme un message et une revendication pour une enquête indépendante approfondie sur les bavures ou dérives dans la conduite des opérations. D’autres avancent cependant que c’est plutôt un avertissement contre d’éventuelles entrées en scène des forces armées dans d’autres opérations. Quoi qu’il en soit, il est un fait : c’est la pagaille partout et les multiples questions formulées sous forme de remarques ou de regrets à l’endroit du Premier ministre pour son « ni, ni » traduisent une certaine angoisse, une certaine perte de confiance dans la transition, ou du moins au sein d’une chambre du Parlement tel qu’il s’est dégagé lors de cette séance que l’on peut qualifier de tristement historique du lundi 26 novembre 2012.