Le bilan sans illusions du Comité de Pilotage

Le Premier ministre Omer Beriziky avait dit lors d’une conférence de presse le 12 août 2013, que les trafiquants de bois de rose sont constitués en tout un réseau mafieux depuis le plus bas de l’échelle en passant par les autorités locales, civiles et militaires jusque dans la Justice, et à l’international. Des exemples d’implication directe de la Justice dans le trafic ou le refus des juges à combattre le trafic de bois de rose ont été cités par Omer Beriziky : non citation à comparaître, mandat d’amener sans suite, et surtout collusion avec les trafiquants. Un juge du ministère public a été surpris et pris en photo sur un navire impliqué dans le trafic, précise Omer Beriziky. Le Conseil supérieur de la Magistrature en est-il informé et qu’est-ce qu’il en pense ?

Dans une lettre en date du 8 avril 2014 adressée au président de la République, Hery Rajaonarimampianina, le Premier ministre et non moins président du Comité de pilotage Bois Précieux , Omer Beriziky, avoue qu’il a été incapable de se faire obéir par beaucoup de ses collaborateurs et ses administrés dans la lutte contre le trafic de bois de rose. Cela ne l’empêche pas, au contraire, de faire des recommandations. Il estime en effet que le président de la République et chef d’État investi de la légitimité des urnes accordera davantage d’intérêt à cette lutte et la conduire de main ferme.

Des dizaines de milliers de tonnes de bois de rose

Au moins 12 714 rondins de bois de rose saisis dans le pays depuis le mois de février 2014 ; dans les villes du nord-est de Madagascar, à Mananara, Antalaha, Soanierana Ivongo, à Makira, à Ambalabe Cap Est (mais curieusement ni à Vohémar, ni à Fenerive Est). Dans le Sud-Est aussi, à Fort Dauphin et dans l’Ouest à Belo sur mer.

Grâce à l’implication et à la collaboration au niveau international des pays qui sont membres de la CITES, 3090 tonnes de bois de rose ont été saisies à Singapour et au Mozambique.

Le Comité de pilotage aurait pu faire mieux et obtenir plus de résultats s’il en avait les moyens, laisse entendre cette lettre. Mais surtout il aurait pu décourager les trafiquants et éviter la recrudescence du trafic de bois de rose de ces derniers mois. Voici quelques mois, Omer Beriziky, en son temps chef du gouvernement, avait déjà affirmé et regretté son impuissance à mettre un terme au trafic de bois précieux en raison de plus puissants que lui.

Le président de la République et président du CSM, interpellé

Dans cette lettre adressée au président Hery Rajaonarimampianina, le président du Comité de pilotage, Omer Beriziky, a pris soin de ne relever que et de ne citer que les saisies effectuées après le 25 janvier 2014. Le président Hery Rajaonarimampianina avait déclaré dans son discours d’investiture qu’il n’est pas de ceux qui fouillent dans les ordures ou de ceux qui ont les yeux fixés à regarder derrière mais qu’il regarde toujours devant lui. Ainsi il a averti qu’il sera intolérable et intraitable contre ceux qui continuent dans les trafics en tout genre. Peut-on alors s’attendre à ce que cette lettre du président du Comité de pilotage soit considérée avec tout l’intérêt et toute l’attention escomptés ?

Omer Beriziky cite des noms d’individus suspectés soit d’être les commanditaires de ces trafics, ou d’être des financiers, des concessionnaires ou affréteurs de navires qui transportent les cargaisons de bois de rose. Le chef du gouvernement démissionnaire, Omer Beriziky, fait constater que des convocations officielles à comparaître devant le Procureur, et des mandats d’amener n’ont eu aucun effet sur certains trafiquants identifiés et dont il cite les noms (hommes et femmes) ; ils refusent d’obtempérer. Des auxiliaires de la Justice sont eux aussi dans la combine sinon les ordres auraient été exécutés comme il faut.

Un organe opérationnel fort

Omer Beriziky suggère qu’au Comité de pilotage soit mis en place un organe opérationnel rattaché directement sinon à la Présidence de la République, du moins à la Primature. Cet organe sera la main agissante du Comité de pilotage et disposerait d’un fonds et des moyens qui lui permettent de sévir, de poursuivre les commanditaires et délinquants identifiés et de faire le suivi des ordres qui ont été pris. Le président du Comité de pilotage recommande aussi la responsabilisation systématique des magistrats dans les régions et sur toute la chaîne d’enquête pour l’efficience de la lutte contre le trafic de bois de rose.

Omer Beriziky souligne que la vente dans les meilleurs délais des stocks de bois de rose dépend de l’adoption de ces mesures qu’il estime préliminaires dans l’élaboration d’un plan de gestion des stocks à soumettre à la CITES pour avoir son approbation et son appui.

Recueilli par Bill

Lettre du 8 avril 2014.