Le risque à ne pas courir
Le mieux aurait été de poursuivre le remblayage jusqu’aux abords de l’Ikopa. C’est justement l’erreur à ne pas faire, heureusement, car les eaux de ruissellement en cas de forte pluie doivent attendre, avant de rejoindre l’Ikopa, dans ces bassins de retenue que sont les étendues marécageuses. Autrement, la grande rivière sera vite débordée et ce sera la catastrophe. Il faut donc arrêter impérativement ces remblayages. Car ce cours d’eau a dû mal à contenir ses eaux avec l’apport de ses trois affluents : l’Andromba, la Sisaony et la Mamba qui se mélangent à lui un peu en amont de Bevomanga. Ce qui justifie l’installation de l’échelle dite de Bevomanga à cet endroit.
De Bevomanga, Farahantsana n’est plus loin. Cette grande chute est un véritable cauchemar pour les responsables à chaque saison de pluie. Il s’agit d’un barrage naturel fait de gros blocs de granite qui freine la vitesse de déversement, provoquant la hausse du niveau en amont. « Si c’est comme ça », diraient certaines personnes, « pourquoi ne pas le faire sauter ? ». La nature a bien fait les choses, car le dégât serait incalculable s’il venait à disparaître : assèchement des plans d’eau et des plaines de culture, tarissement même de la nappe phréatique, ce qui provoquerait un bouleversement écologique catastrophique dû à l’affaissement du sol de surface.
Un canal de dérivation ?
Une visite du site en 1999, que nous avons effectuée avec une équipe de techniciens : ex-BPPA, Travaux Publics, Agriculture, nous a permis de relever la possibilité d’augmenter le débit pendant la période de crues, en aménageant rive droite un canal de dérivation, bétonné ou en pierre maçonné (pour éviter l’effet érosif de l’eau).
Ce canal permettra, un bienfait ne vient jamais seul, d’alimenter une station hydroélectrique d’appoint avantageuse de par sa proximité de la capitale. Cette protection de la capitale et des environs contre les inondations gagnera beaucoup plus en efficacité par le dragage de ces cours d’eau. Un recalibrage pour retrouver le volume originel s’avère nécessaire après des années d’envasement dû à la déforestation. Cet envasement est le fait de l’homme qui déboise à tout va, une activité qui s’inscrit dans le quotidien du Malagasy pour ses besoins alimentaires : agriculture extensive sur les flancs de montagne, pâturage, cuisson.
Sur la côte Est, le tavy ou culture sur brûlis, est une nécessité vitale. Le relief de cette partie de l’Ile n’offre pratiquement pas d’espace propre à la riziculture irriguée, ce qui contraint la population à recourir à cette pratique. Outre les campagnes de sensibilisation que les autorités qui se sont succédé n’ont pas manquées de prodiguer, le ravitaillement en riz subventionné n’a pas produit plus d’effet. Le tavy n’occasionne aucune dépense monétaire puisqu’il n’exige ni labour, ni engrais, ni repiquage. Les travaux sont le fait du mari qui défriche et brûle, et de la femme qui fait les poquets.
Si la station hydroélectrique d’Andekaleka subit un déficit de production, c’est dû aux tavy qui fragilisent la surface des montagnes qui se laissent lessiver par la pluie qui, à son tour, entraîne boue, sable, débris de végétaux, jusqu’à la rivière Ivohitra. Et pourtant, c’est l’eau de cette rivière charriant boue, sable, débris de végétaux qui s’engouffre dans les tuyaux d’amenée vers les turbines De même que les fréquentes coupures du trafic ferroviaire dans les années 1990 par des éboulements sont les conséquences des tavy. La déforestation est un mal endémiqué qui tend à gagner en ampleur face au déséquilibre du pouvoir d’achat par rapport aux prix. Vers la fin des années 1980, des campagnes de séduction ont été lancées dans le but d’abandonner le bois et le charbon comme mode de cuisson au profit du gaz et de l’électricité, en affichant des prix attractifs. JIRAMA faisait à cette époque la promotion de son réchaud « ketrika ».
RAOBELISON Aimé-Arsène
Ancien PDS du Faritany d’Antananarivo.
(A suivre)
