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Tribune libre

Hommage

Jean-Louis Rafidy, le déclencheur de la carrière des Surfs

lundi 12 juin 2023 |  3494 visites 

Le 30 juillet 1963 à Antananarivo, une grande surprise pour nous Les Béryls (Rabaraona 6 mianadahy). On annonçait notre participation à un spectacle télévisé à Paris pour le 8 septembre. La Radio Télévision Française (RTF) nous invitait au Salon International de la Radio et de la Télévision organisé à la Porte de Versailles pour l’inauguration de la chaîne 2, avec un éventuel spectacle au Luxembourg. C’était une nouvelle qui avait fait l’effet d’une bombe.

Deux semaines avant notre départ, le gouvernement avait désigné Jean-Louis Rafidy, la voix d’or de la radio nationale dans le temps, comme notre accompagnateur durant notre court séjour en France. Deux semaines avant notre départ, il prenait l’avion pour Paris afin de préparer notre arrivée. Le jeudi 5 septembre 1963, nous avions pris le vol Antananarivo-Paris à l’aéroport international d’Arivonimamo. Vers huit heures du matin le lendemain, le Boeing 707 d’Air France avait atterri à l’aéroport de Paris Orly. Dès notre descente d’avion, Jean-Louis Rafidy nous avait accueillis et nous avait pris en charge. Le temps de vérifier nos passeports à la Sécurité et récupérer nos valises, il nous emmenait au Foyer Universitaire Malgache de Cachan où nous allions demeurer pendant notre séjour à Paris.

La veille du spectacle, Jean-Louis Rafidy nous avait introduits auprès des producteurs et du personnel de la future deuxième chaîne. En arrivant à Paris bien avant le groupe, il avait déjà discuté avec eux, présenté notre répertoire qui avait été accepté. Nos chansons choisies étaient dans l’ordre : « Les trois cloches », Petite fleur », « Marin » ( extrait de notre disque sur étiquette Rex), et une chanson d’Henri Ratsimbazafy, « Le lamba blanc » .

Après la répétition au studio de la télévision, Jean-Louis Rafidy nous emmenait faire quelques balades dans les rues de Cachan, histoire de prendre un peu d’air. Plus tard, il nous emmenait dans un restaurant pour un petit snack avant de rejoindre le Foyer Universitaire Malgache de Cachan. Il agissait avec nous comme un grand frère, un zoky be.

Le dimanche 8 octobre, c’était le grand jour. La fin de notre performance fut saluée longuement par les animateurs et les invités présents sur le plateau. Dans les coulisses, on pouvait voir la joie et la fierté de Jean-Louis Rafidy.

Pendant notre court séjour à Cachan, nous étions invités à participer à des émissions de radio pour Madagascar, surtout à l’Office de Coopération Radiophonique (OCORA) à Maisons-Laffitte (Yvelines). Barijaona et sa femme Odette Suzanne, un très célébre duo de chanteurs-compositeurs malgache, nous recevaient pour des interviews, chanter à capella. Jean-Louis Rafidy avait programmé cette rencontre pendant sa présence à Paris. Dans la bonne humeur, nous avions eu le privilège et la chance de rencontrer nos idoles dont les chansons ne cessaient de passer sur les ondes de la radio nationale : Vorona ô, Manimanina, Andeha hilalao, Bako, etc...

Mais la plus grande surprise de notre séjour venait de Jean-Louis Rafidy lui-même. À peine une semaine après notre performance à la Porte de Versailles, il nous annonçait un rendez-vous avec une maison de disques à Paris alors que nous étions en pleine préparation de notre retour chez nous. Vu qu’il avait organisé tout notre séjour avant notre arrivée, j’avais donc conclu qu’il en avait largement profité pour essayer de nous trouver une place dans le monde du spectacle français. Il croyait fermement en nos talents après tous ces succès que nous avions récoltés au pays, et il attendait sûrement celui du Salon de la Radio et de la Télévision pour tout concrétiser et avoir des preuves solides de nos talents. Un matin, arrivant par le train RER B de Cachan à la gare St Lazare et ensuite par le métro, toujours accompagnés par Jean-Louis Rafidy qui nous servait cette fois-ci de conseiller, nous nous dirigions vers notre rendez-vous. La maison de disques choisie était les Disques de France Festival, située au 3 rue de Grammont dans le 2è arrondissement. Dans une salle d’attente, nous exprimions nos inquiétudes à voix basse, et je sentais une nervosité envahir la famille. C’était la première fois que nous allions rencontrer ceux qui, peut-être, seraient les responsables de notre future carrière artistique, mais cette fois-ci en France.

Mais Jean-Louis était près de nous et, en grand frère, nous transmettait sa confiance en nous. Quelques minutes après notre arrivée, un monsieur entrait en nous saluant avec un sourire. Il se présentait comme étant le directeur artistique de la maison : Roger Marouani. Après nous avoir adressé quelques mots de bienvenue, il nous entrainait vers le bureau du directeur général, André Chagneau. On nous demandait un peu des informations sur notre groupe, ce que nous aimions. Et Jean-Louis ajoutait ses commentaires positifs pour témoigner de nos talents. Dans un petit studio adjacent du bureau, afin de savoir notre façon de chanter et notre style, nous avions fait une mini audition avec des chansons de notre répertoire. Les deux responsables nous écoutaient avec beaucoup d’intérêt et d’attention et souriaient de temps en temps comme pour nous exprimer leur contentement. Emballés, ils nous demandaient si nous serions interessé à signer un contrat avec la maison de disques, en nous promettant que nous serions de grandes vedettes de la chanson. Jean-Louis Rafidy leur expliquait que, les coutumes malgaches étant ancrés en nous et aussi à cause de nos études, nous devrions demander l’autorisation de nos parents avant de signer un quelconque contrat professionnel. Avec ce contrat, nous serions obligés de rester en France pour un temps indéterminé et que nous devrions aussi abandonner nos études. André Chagneau et Roger Marouani étaient très conscients de cela. Après nous avoir tranquillisé l’esprit, et avec les suggestions de Jean-Louis Rafidy, André Chagneau décrochait son téléphone et commençait à appeler papa à son bureau après qu’il eut reçu ses coordonnées. Probablement surpris au téléphone, papa avait parlé très longtemps avec le directeur général, demandant des éclaircissements et des informations pertinentes avant d’acquiescer verbalement. Jean-Louis Rafidy aussi lui avait adressé quelques paroles de confiance et d’encouragement. Au bord de larmes de joie, nous avions remercié papa chacun au téléphone en lui promettant que tout irait très bien et que allions prendre bien soin de nous. Le 26 septembre 1963, le contrat était finalisé. Il ne restait plus qu’à opposer la signature de papa pour autorisation paternelle, Nicole étant encore mineure. Déjà, la machine était mise en route. De retour à Cachan, nous nous exprimions chacun sur cette merveilleuse expérience et sur cet accord du contrat avec les Disques de France Festival. Jean-Louis Rafidy était fier de nous, nous félicitait et nous annonçait que sa mission d’accompagnateur allait se terminer bientôt. Il allait rester encore quelques jours avec nous, histoire d’être sûr que tout irait bien et lorsque nous serions capables de nous prendre en main avec l’aide de Roger Marouani. Un vrai zoky be. J’avais cru comprendre qu’il retournait au pays sans nous. Cela m’a rendu un peu triste car nous nous étions attachés à lui. En attendant le départ de Jean-Louis Rafidy, il nous fallait nous trouver un hôtel pas loin de la maison de disques pour faciliter nos déplacements. Dès lors, il nous fallait aussi nous habituer à nous appeler LES SURFS. Et la suite, on la connait.

Merci Jean-Louis Rafidy d’avoir cru en nos talents. Merci de nous avoir introduits dans ce monde artistique international. Merci de nous avoir dirigés, conseillés comme un grand frère, un zoky be, pendant nos premiers pas en France. Merci d’avoir été patients envers nous. Merci d’avoir accompli ce que tu voulais faire de nous : de grandes vedettes internationales.

Pour toi, Jean-Louis Rafidy, notre zoky be, c’est mission accompli depuis longtemps. Nous pouvons te dire maintenant : « À présent tu peux t’en aller ».

Reposes en paix, tu l’as bien mérité. Nous prions Dieu pour qu’Il puisse t’accepter à ses côtés. Nous ne t’oublierons jamais.

À ta famille, nous offrons nos plus sincères condoléances. Nous sommes là en pensée avec vous pour atténuer votre tristesse et votre chagrin.

Rocky A. Harry Rabaraona
Les Surfs

13 commentaires

Vos commentaires

  • 12 juin 2023 à 12:07 | pisokely (#9950)

    belle histoire, chapeau.. j aime bien ecouter les surfs.. une musique , il y a 60 ans.. ma préférée est .. je veux partager toutes mes rêves.. je le joue au piano.. j ai déjà arpenté beaucoup de maison de musique à la recherche d une partition de cette chanson.
    encore chapeau

    • 12 juin 2023 à 12:57 | Shalom (#2831) répond à pisokely

      Oh ! Papa .. Et si Maman savait ça ...
      Je ne me souviens plus, et Monique que nous avons surnommée « vazimba mikalo »

  • 12 juin 2023 à 12:17 | Ibalitakely (#9342)

    Repose en paix Jean-Louis Rafidy, & si je ne me trompe, de son vrai nom RAFIDISON Jean-Louis.

    • 12 juin 2023 à 13:19 | Ibalitakely (#9342) répond à Ibalitakely

      & peut-on savoir le choix du nom du groupe LES SURFS ??

    • 12 juin 2023 à 13:39 | Saint-Jo (#8511) répond à Ibalitakely

      « Surf » désigne la façon d’origine polynésienne de glisser avec une « planche » sur les vagues à la surface de la mer . C’est devenu un sport dont une section professionnelle de nos jours .

      Au temps où la fratrie Rabaraona débutait en France , une des danses à la mode de l’époque s’appelait « surf ». Comme une autre s’appelait aussi « twist ».
      Ils avaient choisi "Les Surfs’’ !

    • 12 juin 2023 à 14:36 | Ibalitakely (#9342) répond à Ibalitakely

      à (#8511),
      Merci pour l’info, & bonne journée à vous, Ibal’.

  • 12 juin 2023 à 12:44 | Isambilo (#4541)

    C’est grâce à Jean Louis Rafidison que j’ai entendu pour la première fois de la musique classique facile à apprécier.
    J’ai vu les Surf au gymnase, ça me vieillit drôlement.

  • 12 juin 2023 à 14:28 | Shalom (#2831)

    Jean-Louis Rafidy tao amin’ny Radio Madagasikara, rehefa taty aoriana dia nisy an-dry Rasoabakobako, Vahandanitra, Eléonore Rasolofomanana, ry Latimera sy ny forongony...
    Fiainana fahiny izany, tsara ny mampatsiahy fa tsara lavitra mihaotra ny mampita ny soa-toavina novohizin’izy ireny.

    • 12 juin 2023 à 14:58 | Saint-Jo (#8511) répond à Shalom

      ’Ty ary misy tantara iray nolazain’i Latimer Rangers tao amin’ny radio Gasy.

      Namadi-drazana ireto fianakaviana iray ireto , kanefa mpiady antrano lava izy ireo ary tena nifanasa vangy tokoa tamin’io fotoanan’ny famadihana nataony io . Niditra tao ampasana ny olona sasany hanolo lambamena ny razana. Efa niparitaka ny taolan’ny razana isany , dia tsy maintsy nangonina avy mba atao anaty lamba vaovao iray avy . Saingy nisy razana anankiray nanahirana mihitsy an-dry zareo. Tafasaraka tamin’ny taolana hafa namany ny karan-dohan’ilay razana . Tsy maintsy raisina izany ilay karan-doha , dia atambatra amin’ireo taolana hafa namany ho iray lambamena . Kinanjo , raha vao nandroso tanana handray io karan-doha io ’ty olona iray , dia nihifikifika ’lay karan-doha. Akory ny hatairan’ireto mpanolo lamba. Dia mbola nandroso tanana ihany ny olona iray handray ilay karan-doha , fa hééé-hé ! mbola nihifikifika ihany ilay karan-doha. Dia toy izay foana. Nivoaka ny fasana ary ny sasany tamin’ireto mpanolo lambamena ireto, ka nilaza tamin’ny zana-drazana hoe : « Tokony hifanraka sy hifankatia ’nareo , fa tsy manaiky mihitsy ny razanareo ao ampasana ao @ izato ataonareo izato » ! Dia nifamela tokoa ry zareo. Niverina tao ampasana ireto mpanolo lamba. Ndeha handray indray ilay karan-doha. Kinanjo iny nisy voalavo niporitsaka nivoaka ilay karan-doha. Dia tsy nihifikifika intsony ilay karan-doha fa noraisim-potsiny !

      Alaivo antsaina ange ny hoe : tao ampandriana mitady torimaso @ 11:30 alina ianao no itantaran’i Latimer Rangers io eee !
      Asa fotsiny !

  • 12 juin 2023 à 15:10 | pisokely (#9950)

    ambo.drombe sy latomers ? tanana, lalana sy havoana mena masoandro ?

  • 12 juin 2023 à 15:11 | pisokely (#9950)

    nahaliana mihintsy ilay feom biby alainy radio.. tsy nahita tory intsony avy eo ?

  • 13 juin 2023 à 10:25 | lé kopé (#10607)

    Jean Louis Rafidy faisait partie d’une génération , qui avait comme objectif, l’excellence , la qualité et le respect de tous , en essayant de tirer les auditeurs vers le haut .En un mot , la radio de l’époque contribuait à l’Education de la population . Je me souviens d’une de ses émissions , alors que j’étais encore très jeune , sur la condamnation de Caryl Chessman , et qui nous terrorisait dans notre lit , par les effets sonores (fermetures des portes des cellules , et autres bruits inquiétants).
    D’autres animateurs , comme Latimer Rangers , avec son émission sur Ambondrombe , une colline à côté d’Ambalavao (Fianarantsoa), qu’il a visitée , en bravant les âmes de nos défunts, supposés y résider . Encore une fois , il nous faisait trembler tard dans la soirée , emmitouflé dans nos couvertures . J’ai surtout apprécié son émission sur les « Negro Spirituals » , où il commentait avec compétence les chansons bibliques " en Anglais , et nous les traduisaient .
    Daniel Ramaromisa avait une grande émission sur les questions d’actualité , et dont les lauréats des concours obtenaient un billet pour Paris .
    Rasoabakobako avait une émission sur le savoir vivre et le savoir être, et était appréciée des auditeurs , surtout de la gente Féminine . D’autre animateurs , aussi compétents , et qui ont été cités plus haut , complétaient la liste de cette brillante génération qui a bercée mon enfance.
    Dernière question , après cet hommage dithyrambique et l’éloge funèbre adressés à Jean Louis Rafidy , est ce que les Surfs lui ont ils renvoyé l’ascenseur , ou bien se sont ils simplement
    contentés de simples paroles , en disant Merciii ?

  • 13 juin 2023 à 17:18 | Saint-Jo (#8511)

    Ah ! Ces racistes vils colonialistes attardés autoproclamés "fransés’’ addicts à ce forum !

    13 juin à 17:01 , ANTICASTE 2 (11437)
    (i) Olivier,
    Un vrai puits de sciences ce Saint jo !
    Je le soupçonne néanmoins de trouver celle-ci « sa science » sur google !
    les habitudes de l’étalage de celle ci est trop forte en ce milieu Mérina !

    Comments :
    Tiens donc !
    Et cet abruti ose prétendre nous connaître !

    (il) C’est bien connu moins on en a [i.e. science] plus on l’étale ,c’est comme la confiture !

    Comments :
    Une banale citation et , de plus , encore plus banalisée car écrite puis ré-écrite des milliers de fois par tout le monde sur ce forum !
    Chacun ici fait ce qu’il peut !
    Même si c’est peu ! très-très peu !

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