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Reportage

Ilakaka

Exploitation du saphir : le début de la fin (2/4)

mercredi 20 juin 2007 | R. L.

L’exploitation sauvage de cette pierre précieuse a entraîné la détérioration d’un certain nombre de valeurs sociales et traditionnelles. Ainsi le cas du village de Manombo où des pratiques maffieuses et la loi du plus fort prédominent.

Manombo est un village qui se situe à 14km d’Ilakaka sur la RN7 en direction de Sakaraha et Tuléar. Avant le grand rush de 1998, une centaine de personnes vivotait à Manombo. C’est devenu, depuis, un grand centre de revente des pierres sorties des carrières environnantes. 3.000 personnes y vivent aujourd’hui. Les commerçants sri lankais y ont bâti des grands « shops » où se font le soir les transactions d’achat de la production de la journée. Manombo a, aujourd’hui, éclipsé complètement Ilakaka et Sakaraha. La raison en est toute simple. A l’entrée d’ Ilakaka et de Sakaraha se trouvent deux barrages de policiers et de gendarmes distants l’un de l’autre d’une centaine de mètres. Les forces de l’ordre sont censées faire un contrôle de la régularité des papiers des véhicules qui passent. C’est une activité qui apparemment est très dangereuse car, à chaque barrage, il n’y a pas moins de 6 militaires armés. Cela donne évidemment lieu à un racket régulier sur les quelques deux cents taxis qui font la tournée des villages de mineurs. Des 4L et 504 Peugeot d’un âge plus que respectable font régulièrement le tour des villages miniers avec à leur bord plus de 8 passagers. La vérification des papiers des véhicules se résume régulièrement à un échange de billets de banque qui passent de la main du chauffeur à celui du policier ou du gendarme. Un autre racket consiste à vérifier que tous les passagers des taxis disposent d’une carte d’identité nationale. Tous les mineurs qui ne sont pas en possession de leur carte d’identité sont « bloqués » et relâchés contre le paiement d’une somme pouvant atteindre 20.000 Ar par personne. Les mineurs ayant trouvé une pierre de valeur sont tout de suite repérés. Ils sont généralement originaires de Diégo, Antsirabe ou Fianarantsoa. Travaillant en équipe de quatre ou cinq, ils se déplacent ensemble pour vendre leur production. Les ventes se faisaient à l’époque soit à Ilakaka soit à Sakaraha. Mais, il y a cinq ans des commerçants sri lankais ont eu l’ingénieuse idée de monter des « shops » à Manombo qui se trouve avant les barrages. Les mineurs, plutôt que de se faire racketter à l’entrée d’Ilakaka ou de Sakaraha ont préféré vendre leurs pierres à Manombo et se disperser après la vente. Aujourd’hui, tous les gros acheteurs sri lankais ont leur « shop » à Manombo. Pour les négociants malgaches, Manombo est devenu un passage obligé. Toutes les grosses pierres y transitent.

Un racket organisé

Le plus intéressant reste cependant la manière dont les habitants traditionnels de Manombo ont su tirer leur épingle du jeu. Une quinzaine de familles, unies derrière le chef de village a su se montrer intransigeante devant l’invasion. Tous les terrains où sont construits les « shops » sont loués aux commerçants qui y bâtissent. Par ailleurs, tous les mineurs qui travaillent sur les carrières autour du village doivent versés au chef de village un pourcentage représentant parfois le tiers de la production. Les quelques mineurs qui ne veulent pas se plier à cette règle sont expulsés grâce au recours d’une garde privée prétorienne et/ou de gendarmes ou de policiers. Tout ceci évidemment est contraire à la loi, qui dit que la propriété du sous-sol revient de droit soit à l’état soit au permissionnaire à qui l’Etat a rétrocédé ce droit.

Les parrains règnent en maître

Les anciens habitants du village ne sont pas titulaires des droits miniers. Ils ne peuvent donc prétendre à un quelconque droit sur le produit du sous-sol. Les terres autour du village sont des terrains domaniaux. Tous les malgaches, quelque soient leurs origines, peuvent donc prétendre à travailler sur ces terrains au même titre que les habitants du village. L’utilisation de la force et de la menace des armes pour obliger les mineurs à rétrocéder une très grosse partie du fruit de leur labeur constitue un cas extrêmement intéressant de racket organisé. Ceci se passe tous les jours à cinq cent mètres de la route nationale 7 qui relie Antananarivo à Toliara. Les « parrains » de Manombo sont aujourd’hui à la tête de quelques milliers de zébus et d’une dizaine de voitures et de camions. Cependant, les choses sont en train de changer. Cette pratique maffieuse est remise en cause par l’action d’un certain nombre de gens qui se sont regroupés au sein d’une association pour faire face à l’intimidation. Cependant, au vu de certains actes commis par cette association, il y a tout lieu de penser que ce n’est qu’un « lasa vazaha misolo vazaha » (littéralement un blanc qui part est remplacé par un autre blanc).

(A suivre)

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