C’est la peur et le désarroi

Au marché du quartier et dans la rue, les usagers et les commerçants, les travailleurs à domicile et les mères de famille n’en peuvent plus. Tous se plaignent pour la simple raison que rien ne va plus, c’est la terreur.

Les petits commerces situés en bordure de route sont constamment sur les nerfs et ferment boutique à chaque détonation de fusil et de grenades lacrymogènes. Dans les trottoirs, les marchands ne cessent d’étaler et de ramasser leurs marchandises au moindre mouvement de foule. Trois jeunes gens ou quatre qui fuient on ne sait quoi, tout en parlant au téléphone portable, et les piétons sont entraînés, bousculant tout sur leur passage, provoquent la panique. En réalité, les forces de l’ordre sont stationnées à un carrefour situé à plus de 200 mètres et se meuvent vers une direction opposée. Seulement le seul coup de fusil en l’air provoque la panique chez les simples gens.

Interrogée sur son anxiété, une mère de famille déclare que c’est vraiment impossible. Elle « supplie les responsables étatiques et les dirigeants « mpitari-tolona » » car son ménage souffre. Aux difficultés de la vie quotidienne s’ajoutent ces « korontana » ou émeutes, qui réduisent davantage les rentrées d’argent. « Les études des enfants sont perturbées et les chances aux examens s’amenuisent dans un tel climat social », déclare-t-elle.

Une autre mère de famille dénonce « l’usage de la force car cela donne l’impression d’un pays en guerre . Pourquoi ces « miaramila » viennent-ils déranger nos occupations quotidiennes dans les quartiers ? Lorsque les partisans de Andry Rajoelina étaient confinés sur la Place 13 mai, je pouvais tranquillement faire mon métier dans mon quartier. Aujourd’hui, alors qu’il n’y a plus de 13 mai, c’est le désordre dans plusieurs quartiers », remarque-t-elle. « Est-ce que les partisans de Andry Rajoelina se sont déplacés dans les quartiers pour que les forces de l’ordre les pourchassent jusqu’ici ? »

Un marchand ambulant fait la remarque suivante en entendant les complaintes de ces femmes : « Ce ne sont pas les forces de l’ordre qui sont fautives. Ce sont les jeunes gens qui les excitent en lançant des pierres contre elles et prennent ensuite la fuite dans les ruelles des quartiers. Savez-vous que des jeunes gens, qui sortent d’on ne sait où se sont approvisionnés en pierres sur les voies ferrées à Antanimena pour les cacher dans leur sac à dos ? Ce sont ces jeunes gens qui provoquent les « mpitandro filaminana » (ou forces en charge de préserver la sécurité), Mesdames », soutient notre homme, qui vend du « mangidy » ou tisane dans les rues de la capitale.

Un employé qui rentre de son travail explique : « Ce n’est plus un rétablissement de l’ordre, c’est de la pacification. Des coups de feu ici, des coups de feu là-bas, des détonations qui viennent d’ailleurs et des foules qui accourent dans tous les sens ; c’est le désordre. C’est mettre vos nerfs à vif. Il faut avouer que la jeunesse aussi n’est pas infaillible face à ces éléments armés qui manifestent une certaine arrogance. Qu’ils rentrent dans les casernes car ils n’ont rien à faire dans les quartiers ».

En tout cas, l’affluence au marché du jeudi à Mahamasina était révélatrice de cette fébrilité dans la capitale et ses environs. Les commerçants ont boudé ou du moins étaient réticents, ils n’étaient arrivés sur les lieux que vers 7 heures ou 8 heures pour étaler leurs marchandises.

Recueilli par Valis