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Communiqué

Communiqué

Appel à Monsieur le Président de la République de Madagascar pour un audit des impacts environnements et sociaux de l’exploitation minière Rio Tinto QMM Tolagnaro et pour des mesures préventives urgentes face à la radioactivité

lundi 27 janvier 2020

Appel à Monsieur le Président de la République de Madagascar pour un audit des impacts environnements et sociaux de l’exploitation minière Rio Tinto QMM Tolagnaro et pour des mesures préventives urgentes face à la radioactivité

En cette période où les autorités de l’Etat soulèvent de manière publique et officielle des questionnements sur les impacts réels de l’extraction d’ilménite Rio Tinto/ QIT Madagascar Minerals (QMM) à Taolagnaro dans la région Anosy et annoncent la nécessité d’un audit financier [1], il est indispensable de souligner que des organisations de la société civile ont tiré la sonnette d’alarme à diverses reprises et continuent à alerter les autorités compétentes sur les préjudices subis par les habitants des villages directement affectés par l’installation de cette compagnie minière. Un examen sérieux des impacts environnementaux et sociaux des opérations minières s’avère également urgent.

Les impacts économiques

Au lieu du “boom” économique irréversible escompté au démarrage des activités d’extraction d’ilménite par QMM, c’est l’accumulation de dettes qui a amené les autorités étatiques à commanditer un audit au mois de novembre 2019. Ainsi, le gouvernement qui est actionnaire de QMM à 20 %, exige un audit des comptes, des investissements et de la gestion de ce grand projet. La raison principale de cet audit semble être liée aux recapitalisations récurrentes requises par QMM qui en est à sa troisième augmentation de capital depuis 2012 [2]. En outre, le Parc Ehoala d’une superficie de 400 ha, prévu pour devenir la première zone industrialo-portuaire de son genre à Madagascar a été mis en place dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé impliquant Rio Tinto et sa filiale Port d’Ehoala SA, l’Agence Portuaire, Maritime et Fluviale de Madagascar (APMF) et le Projet Pôles Intégrés de Croissance (PIC) de la Banque Mondiale. Mais les résultats décevants ont amené le Président Directeur Général de Rio Tinto/QMM à décider en 2017 de garder la propriété et la supervision du Port d’Ehoala, mais de confier la gestion du Parc et le développement commercial en sous-traitance « à des compagnies qui savent faire cela » [3]

En ce qui concerne le développement économique de la commune de Taolagnaro et de sa population en général, en 2018 près de 50% du budget de la Commune proviendraient des ristournes de Rio Tinto/ QMM, ce qui inquiète même les dirigeants de cette société qui souhaitent que la dépendance de la population locale aux ressources minières soit réduite, et recommandent entre autres la diversification des activités économiques dans la région [3]. De plus, toutes les parties prenantes s’accordent à dire que l’implantation du projet Rio Tinto-QMM a favorisé l’inflation à Taolagnaro

Les impacts sur l’environnement et la santé des communautés locales concernées

La nocivité des impacts de l’extraction de minerais par Rio Tinto/QMM a été dénoncée depuis 2014 par les communautés affectées et leurs élus, notamment la propagation des rayons radioactifs qui nécessite le port de dosimètres par les employés dans certaines parties de l’usine d’extraction, ainsi que les effets destructeurs de la poussière d’ilménite sur les cultures vivrières dans les villages voisins [4]. Ainsi, dans le village d’Iainandrano, les arbres fruitiers (bananes, cœurs de bœuf, etc.) ne donnent plus que des fruits atrophiés, ou n’en donnent plus du tout.

En outre, deux études techniques réalisées par l’entreprise Ozius engagée par Rio Tinto d’une part, et le Dr Emerman, expert de l’ONG Andrew Lees Trust (ALT UK) d’autre part, « ont confirmé une violation grave de la zone tampon environnementale » [5] établie par la réglementation malagasy pour protéger les populations riveraines des risques de pollution de l’eau qu’elles utilisent. Alors que cette violation illégale d’une zone tampon de protection de l’environnement a été considérée par l’Office National de l’Environnement comme ayant un impact « négligeable », selon l’ONG ALT UK, « le principal problème pour les habitants est le risque que l’eau enrichie en radionucléides par les résidus miniers lixivie dans des lacs et des cours d’eau adjacents où les gens pêchent et utilisent l’eau ».

Le rapport de mars 2019 sur l’ « Examen de l’émission de matières radioactives de la mine Rio Tinto/QMM, Madagascar » commandé par l’ONG ALT et réalisé par l’experte S. Swanson révèle « les concentrations élevées d’uranium dans l’eau autour de la mine - jusqu’à 50 fois les recommandations pour l’eau potable de l’Organisation mondiale de la Santé à certains endroits - » [6] ainsi que le lien entre le taux élevé d’uranium et les contaminants de plomb qui polluent les eaux en aval de la mine où ont lieu les opérations de QMM, y compris les lacs et les rivières qui sont la principale source d’eau potable et de nourriture pour les communautés locales.

Alors que les impacts sur la santé de la population locale qui a donc consommé cette eau contaminée depuis des années doivent encore être évalués de manière systématique, le CRAAD-OI a déjà pu constater lors d’une descente dans les villages d’Iainandrano et d’Ampasy Nahampoana en août 2018 que plusieurs enfants sont affectés par des maladies telles que l’hydrocéphalie, la paralysie et la nécrose des membres inférieurs, ainsi que par des malformations congénitales [7]. Des témoignages des villageois recueillis en février 2018 [8] à Amparihy signalent que « les enfants à la naissance ont automatiquement des problèmes aux yeux impossibles à soigner » et que ces maladies n’existaient pas avant le début de l’exploitation minière de QMM.

Les impacts sur les moyens d’existence des communautés affectées par le projet

Les modifications de l’écosystème provoquées par le « seuil déversoir », un grand barrage construit vers 2009 par Rio Tinto/QMM, nécessitent un constat et une évaluation par des experts. Ce problème était déjà évoqué dans le documentaire « Je veux ma part de terre » en 2011. [9]

Les villageois rencontrés par le CRAAD-OI lors d’une descente sur le terrain lui ont montré les impacts désastreux du seuil déversoir sur la riziculture dans les localités d’Andranokana et de Sakasazy, où les rizières ont été inondées depuis sa mise en place, ainsi que les plantations de manioc et d’ananas qui ont disparu pour laisser place à une espèce d’eucalyptus que les villageois ne peuvent pas exploiter sans avoir payé une taxe à QMM.

Le seuil déversoir a eu également des effets destructeurs sur la faune marine : « des dizaines d’espèces de poissons qui faisaient vivre les habitants, ont été bloquées loin dans la mer », suite à la mise en place du barrage, déclarent plusieurs habitants d’Andrakaraka, alors que de nombreux villageois riverains du site minier vivaient principalement de la pêche, les poissons sont en train de disparaître progressivement. Plusieurs villageois affirment qu’avant l’arrivée de la compagnie minière, ils vivaient correctement, comme tout le monde, mais qu’on les a appauvris. [8]

Les citoyens riverains du site minier ont mentionné que la forêt s’est beaucoup réduite à cause des besoins de la société minière alors que les habitants n’ont pas le droit d’accéder aux forêts existantes [8]. L’interdiction de disposer de ressources végétales comme le mahampy parmi les sources de dégradation de leurs revenus a également été évoquée [9]. Des publications sur la compensation de la biodiversité de Rio Tinto ont dénoncé les conséquences graves de ce dispositif sur la disponibilité de terrains de cultures et l’insécurité alimentaire dans le village d’Antsotso [10]. Depuis 2005 où les expropriations et expulsions des familles de cultivateurs et d’éleveurs de leurs terres ont commencé, jusqu’à présent, les associations de communautés locales manifestent régulièrement pour revendiquer principalement une meilleure compensation de leurs terres, malgré les intimidations et arrestations [11].

Les organisations signataires demandent incessamment aux autorités de l’Etat de ne pas se limiter à l’audit financier mais de réaliser aussi en urgence un audit indépendant et approfondi dans les domaines environnemental et social sur les conséquences négatives de l’exploitation minière de la compagnie Rio Tinto-QMM sur les communautés locales.

Nous avons bien noté le début d’initiatives au niveau de l’Office National de l’Environnement pour améliorer sa collaboration avec les organisations de la société civile [12] et la gouvernance dans l’annonce d’une révision d’un projet de révision du décret MECIE (Mise en Compatibilité des Investissements avec l’Environnement) [13].

Mais

  • compte tenu des rapports de plusieurs experts déjà publiés et largement diffusés [14] qui ont mis en évidence l’existence d’éléments radioactifs autour du site minier et les risques élevés encourus sur la santé des milliers d’habitants des localités riveraines du site minier, malgré les évaluations régulières de la radioactivité par l’Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires (INSTN) au sein de la compagnie Rio Tinto/QMM,
  • au vu des problèmes de santé graves rencontrés par la population, notamment les enfants, constatés sur place et mentionnés par les habitants comme ayant apparu depuis le début de l’exploitation des sables minéralisés par Rio Tinto [7],

Nous tenons à faire appel à l’attention de Monsieur le Président de la République Andry Rajoelina sur la responsabilité des dirigeants si, forcément en connaissance de cause, ils laissent la population subir les conséquences de la radioactivité sur les sites miniers à Madagascar. Des mesures urgentes pour préserver la santé et la vie des citoyens malagasy doivent être prises face aux problèmes rencontrés autour des opérations minières à Fort-Dauphin. Pour respecter le principe de précaution, le projet d’exploitation des sables minéralisés dans le district de Toliara II doit aussi être définitivement annulé [15].

25 janvier 2020

CRAAD-OI : Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement - Océan Indien
craad.madagascar@gmail.com ; http://craadoi-mada.com

Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY
patrimoine.malgache@yahoo.fr ; http://terresmalgaches.info, www.facebook.com/TANYterresmalgaches

Notes

[4Interviewexclusif–DéputéHATREFINDRAZANAJerry,https://www.madatopinfo.com/?p=3081

[5file :///C :/Users/Admin/Documents/ALT_UK_Emerman_Zone_Tampon_FR_2018.pdf

[6ALT-UK et PWYP, Risques miniers liés au régulateur de l’environnement à Madagascar, Annexe à la Lettre de la société civile aux
Ministres Malgaches, août 2019,

[8Collectif TANY « Les impacts du seuil déversoir » : à paraître

[14Sud de Madagascar : L’eau autour de la mine Rio Tinto présente un danger : http://www.lagazette-dgi.com/?p=38679

[15Lettre ouverte à Monsieur Le Président de la République de Madagascar : http://www.terresmalgaches.info/spip.php?article285

3 commentaires

Vos commentaires

  • 27 janvier 2020 à 12:38 | kartell (#8302)

    Prendre le train en marche c’est un peu ce que cette pétition annonce comme couleur mais vaut-t-il mieux trop tard que jamais ?...
    Il semble qu’un vent nouveau se lève face au tout minier préconisé, encouragé, insisté voir imploré par un pouvoir qui a toujours fait de la cueillette des ressources son unique objectif de gouvernance..
    Après deux décennies d’exploitation, le temps des comptes est venu et nul doute que la déception et la crainte ont fait place à l’enthousiasme des années 2000 où l’euphorie de l’arrivée de Rio Tinto était à son paroxysme....
    A cette époque, on croyait dur comme fer aux explications fumeuses d’un sous-traitant mandaté par les canadiens qui affirmait haut et fort que cette extraction de minerais n’impacterait pas la vie des habitants et que de toute manière tous les dégâts éventuels à l’environnement seraient corrigés par des mesures de réhabilitation et de reboisement ponctuel,une pépinière était déjà opérationnelle cornaquée par des scientifiques payés par le consortium pour donner à cette mise en scène une consistance indiscutable !..
    Pourtant, dès cette époque, des voix inaudibles de petites ong s’élevaient pour dénoncer les risques majeurs que cette exploitation imposeraient aux habitants avec cette présence de minerais à la concentration radioactive inquiétante pour la santé...
    Mais le désir de voir la ville se transformer en capitale industrielle était l’objectif majeur des autorités locales qui ne cachaient leurs enthousiasmes à voir leur cité endormie prend l’essor de la mondialisation donnant l’accès, anticipaient-ils, à une consommation imaginée sans entrave !...
    Comme partout, la décision fut prise par les notables sans concertation avec la population qui fut un temps caressée dans le sens du poil par Rio Tinto qui distribua à bon escient des petites peccadilles pour amadouer,ça et là....
    Aujourd’hui, il semble que l’inquiétude et l’exaspération aient pris le dessus sur un développement à minima qui n’a pas les mêmes contours que ceux promis au départ de cette aventure tragique ...
    En prenant à témoin le pouvoir, à la fois juge et parti, il semblerait que cette pétition n’ait pas frappé à la bonne porte d’autant que ce même pouvoir est soumis à des accords signés et entérinés depuis longtemps et qui devront être respectés sous peine de voir sa crédibilité future en prend un coup comme c’est le cas aujourd’hui dans la ténébreuse association air Madagascar/ air Austral ....

  • 27 janvier 2020 à 14:59 | reviv (#9830)

    et voilà, tout est dit, même si c’est un peu trop tard,
    le mal est fait.

    qui a dit que l’exploitation de l’ilmenite est inoffensif et exempt de radioactivité ?

    qui a dit que l’exploitation sauvage des ressources minières sortira Madagascar de sa misère ?

    il est toujours valable de rappeler dans ce triste contexte que lorsque l’on sème le vent, il faut bien s’attendre un jour venu, à récolter de la forte tempête.

    l’entêtement irréfléchi des irresponsables étatiques cupides égoïstes et corrompus, et appuyés par les agissements des pseudo parlementaires locaux véreux incultes à vouloir miser sur le « tout minier »
    tout ceci ne provoque et n’aboutisse qu’à ces impasses lourdes de conséquences,
    en mettant en péril la population déjà fragilisée par la dureté de la vie.

    mais quel enseignement faut-il tirer dans ce pays ?
    après de moults errances de gouvernances et de sevissement des ressources comme le bois de rose, la forêt des aires protégées et sa biodiversité en passant par les ressources halieutiques, voici le tour de l’exploitation de l’ilmenite, laquelle complètera vraisemblablement l’exploit inégalé des gouvernants se succédant à exterminer la population puis à rayer et à faire disparaitre Madagascar de la planète terre.

    • 27 janvier 2020 à 23:06 | Krista Kristiaoe (#10737) répond à reviv

      Mampalahelo nefa tsy misy azo atao intsony.

      Efa fantatra hatramin’ izay fa ny fitrandrahana tahaka ny ataon’ ny QMM izao dia hanimba ny tontolo iainana sy hampijaly ny mponina noho io radio activite io, kanefa dia nizoran’ ny fanjakana ihany noho ny fitiavambola tafahoatra.

      Societe vahiny ny QMM ka tsy miraharaha izay fanimbana ataony amin’ ny firenena itrandrahany. Ary orinasa matanjaka koa ka rehefa manorimpaka lalina dia tsy ho azo ongotana intsony.

      Anatra izao mba tsy hanaonao foana ny fanjakana ka hampiditra befahatany ireo orinasa vahiny tsy manjary rehetra izao toy ny Base Toliara ary ireo arabo tehitsofoka any Bas Mangoky. Ny mampiditra azy no mora fa sarotra kosa ny akana azy eo.

      Vavaka sisa no azo atao

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