(Syfia Madagascar) Des concours de pêche sont organisés à Vohémar, au nord-est de Madagascar, à l’issu de formations au cours desquelles les pêcheurs apprennent à respecter les saisons de capture et à utiliser des filets à petites mailles. Appâtés par le premier prix, les pêcheurs mordent à l’hameçon.
Jour J du concours semestriel. Il est trois heures du matin. Pas un problème pour les pêcheurs, habitués à se lever tôt pour vendre leurs poissons. À bord de leurs pirogues, les 35 concurrents attendent le feu vert du jury. Top, c’est parti ! Chacun rame en n’ayant qu’une seule chose en tête : remporter le premier prix du concours. « J’espère gagner cette fois-ci, car je me suis bien préparé », s’impatientait avant le départ Rolland Ravonona, un des participants. Huit heures plus tard, les pêcheurs rentrent au port de Vohémar, dans la région Sava (Nord-Est), sous les cris du public. « Les voici qui reviennent ! », annoncent les uns. « Qui est le meilleur ? », interrogent les autres.
Au jury à présent de désigner les vainqueurs en fonction de leur rapidité, du nombre de gros poissons attrapés et du respect de la dimension des mailles de leurs filets, qui ne doit pas être inférieure à 25 mm pour éviter la capture de trop petits poissons. Jean-Paul, un pêcheur du district de Vohémar est déclaré vainqueur. « Cela fait deux fois que je participe. Je suis très content », se félicite-t-il. Il y a de quoi : le premier prix se monte à 800 000 Ariary (290 € environ). Une somme très motivante pour une majorité de pêcheurs. « J’ai gagné ce concours en 2005, rappelle Emilio Ampizara. J’ai pu ainsi m’offrir trois nouvelles pirogues et quatre filets que je loue à d’autres pêcheurs. »
Créé en 2005, ce concours de pêche a été lancé conjointement par le ministère chargé de la Pêche et une dizaine de sociétés de pêche. Objectif : inciter les pêcheurs de la région à respecter les normes pour les filets et les saisons de capture. Une vingtaine de sociétés financent ce concours et projettent de l’étendre à toute l’île.
Plus de poissons, plus gros
Cette initiative est arrivée à point nommé, car les ressources halieutiques de la région étaient très menacées. « Depuis près de vingt ans, la pêche, principale source de revenus de la population de Vohémar, s’est appauvrie à tel point qu’il faut chercher les poissons de plus en plus loin des côtes », explique Bonfils, directeur d’IBIS, une société française établie dans cette région. « Auparavant, les pêcheurs pêchaient tout au long de l’année. Les côtes et les lacs étaient quasi vides de poissons après leur passage », rappelle Aimé Jaomiary, un agent du ministère de la Pêche.
Ne participent au concours que les pêcheurs qui ont au préalable suivi une formation à une pêche durable qui s’étale sur six mois. On leur enseigne le respect des saisons de pêche, l’utilisation de filets à petites mailles, la conservation du poisson par fumage ou salage ainsi que les principes de la pêche industrielle. Le concours final est l’occasion pour les pêcheurs de mettre en pratique leurs nouveaux acquis. Les messages semblent bien passer. « Nous savons aujourd’hui qu’il ne faut pas pêcher entre mai et septembre, car c’est la saison de reproduction des poissons », déclare ainsi Dieudonné Sabotsy, pêcheur de Vohémar. « Depuis trois ans, je nourris ma famille rien qu’avec la vente de poissons. Même en période de repos, je vends des poissons que j’ai conservés par fumage », explique Didier Ravahotra, un autre pêcheur.
Environ 500 pêcheurs ont été formés à Vohémar depuis 2005 et 4 000 autres dans d’autres districts où la pêche est la principale source de revenus, notamment Majunga (Nord-Ouest), Tuléar (Sud-Ouest) ou encore Tamatave (Est). Selon le ministère de la Pêche près de 60 % des pêcheurs de Vohémar respectent aujourd’hui les saisons de pêche contre environ 30 % sur l’ensemble du pays.
Estelle Bezara
