Facebook Twitter Google+ Les dernières actualités
jeudi 19 juin 2025
Antananarivo | 17h44
 

Culture

Histoire

À l’origine de la RNS il y avait l’AEOM

vendredi 18 avril |  1812 visites  | 2 commentaires 

Genèse et mission de l’AEOM

Fondée en 1934 par une trentaine d’étudiants malgaches installés en France, l’Association des Étudiants d’Origine Malgache (AEOM) est la plus ancienne structure associative malgache hors de Madagascar. À une époque où l’identité malgache était niée par les autorités coloniales — les Malgaches étant qualifiés « d’indigènes » et privés de leurs droits les plus élémentaires — l’AEOM s’est donnée pour mission première de défendre les intérêts matériels et moraux de tous les Malgaches résidant en France, sans distinction d’ethnie, de croyance ou d’opinion. Portée par l’idéal de solidarité nationale, elle entendait œuvrer conjointement pour l’indépendance de Madagascar et pour la reconnaissance de sa civilisation.

L’engagement politique et la lutte pour l’indépendance (1934–1947)

Dès ses débuts, l’AEOM a condensé en son nom l’affirmation d’une « origine malgache » face à la domination coloniale, tout en se démarquant des enfants de colons français installés en métropole. Pendant la guerre d’Espagne, plusieurs de ses membres rejoignent les Brigades internationales ou s’engagent dans la Résistance au cours de la Seconde Guerre mondiale. Après la libération, d’anciens étudiants de l’AEOM assistent les trois parlementaires malgaches à l’Assemblée nationale française : Raseta, Ravoahangy et Rabemananjara dans la bataille pour l’abrogation de la loi d’annexion de 1896. Ces parlementaires créeront plus tard le MDRM, Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache.

L’insurrection malgache de mars 1947 constitue un tournant : écrasée dans le sang (près de 90 000 victimes) et suivie de procès sommaires, elle suscite à Paris l’émergence d’une voix militante au sein de l’AEOM. Révision des procès, dénonciation des conditions de détention, appel à la libération des prisonniers politiques… l’association se fait alors porte-parole du peuple malgache en exil et organise, dès 1948, des journées de commémoration du 29 mars, longtemps interdites à Antananarivo.

Solidarité étudiante et actions sociales (1947–1960)

Face à l’afflux croissant d’étudiants malgaches non bacheliers en France, l’AEOM multiplie les initiatives d’entraide : obtention de places en internat, introduction du malgache comme langue vivante au baccalauréat et attribution de bourses, grâce à son adhésion à l’Union internationale des étudiants, UIE, basée à Prague. À l’arrivée des nouveaux venus, des bénévoles de la section de Paris les accueillent à Orly, les assistent dans leurs formalités administratives et veillent à leur bonne installation. Par ailleurs, l’AEOM siège dans les commissions d’attribution des chambres de la résidence universitaire d’Antony, garantissant des critères équitables.

Contestation des accords de coopération et répression (1960–1962)

L’indépendance obtenue en 1960 reste formelle : dans les faits, Madagascar demeure néo-colonie. L’AEOM le dénonce fermement lors de son conseil d’administration, et, en 1962, le secrétaire général est interpellé à son arrivée à Arivonimamo, pour assister à l’enterrement de son père — symbole de la fragilité de la souveraineté malgache. Cette arrestation provoque une vaste mobilisation en France et à Madagascar.

Rayonnement culturel et convivialité

Tout au long des années 1960 et 1970, l’AEOM valorise la culture malgache à travers des ateliers de danse, de chant et de poésie, afin de célébrer les grandes dates nationales (19 mai 1929, 29 mars 1947, 1er avril 1971, 13 mai 1972). Elle organise également des Rencontres Nationales Culturelles dans plusieurs villes de France (Malleval 1974, Nanterre 1976, Strasbourg 1977, Toulouse 1980, Sète 1985) et participe, en 1992, au Festival international Folks Arts de Sidmouth (Angleterre).

Parallèlement, les traditionnels bal de la Saint Sylvestre à la mairie du 12é arrondissement de Paris et « booms » à Antony offrent des moments de détente incontournables, tout en finançant les activités de l’association, notamment la future Rencontre Nationale Sportive (RNS).

Contexte politique malgache et actions humanitaires (1971–1974)

Le printemps 1971 voit la répression sanglante du mouvement Monima dans le sud de Madagascar (plus de 3 000 morts). L’AEOM dépêche alors deux avocats de la FIDH, Maîtres Michel Blum et Daniel Jacoby, pour enquêter sur la situation des prisonniers politiques. En avril mai 1972, elle soutient le mouvement populaire qui renverse la Première République malgache et conduit à l’établissement d’un directoire militaire, tout en mobilisant les Malgaches de France, y compris par des manifestations à l’ambassade à Paris.

En 1974, pour son 40ème anniversaire, l’AEOM publie un disque historique qui comprend notamment « Aza misy miteniteny », un chant protestataire dénonçant la mainmise étrangère sur les ressources de Madagascar, interdit longtemps sur les ondes nationales.

Naissance de la Rencontre Nationale Sportive (RNS) en 1975

Cinquante ans avant 2025, lors des vacances de février 1975, l’AEOM, alors forte de sections dans toutes les grandes villes universitaires françaises (Aix Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Montpellier, Paris, Strasbourg, Toulouse) et même en Suisse, convoque à Toulouse, au Centre universitaire Daniel Faucher, sa première « Fihaonam be ara pana tanjahatena » , connue aujourd’hui sous l’acronyme RNS (Rencontre Nationale Sportive).

L’adjectif « nationale » souligne ici le caractère fédérateur d’une compétition organisée par le bureau central, mobilisant toutes les sections, et destinée à l’ensemble de la diaspora malgache, sans rivalités locales. Fidèle à sa devise « Firahalahiana aloha, vao fifaninanana » (« Amitié d’abord, compétition ensuite »), la RNS prône l’esprit de fair play, la fraternité entre joueurs et spectateurs, et la préservation de l’intégrité physique et morale de chacun.

En conclusion, depuis sa création, l’AEOM n’a cessé de conjuguer défense des intérêts matériels et moraux des Malgaches à l’étranger et soutien actif à la souveraineté nationale. De ses premiers combats contre le colonialisme à l’initiative de la Rencontre Nationale Sportive en 1975, l’association a su faire preuve de résilience et d’ingéniosité pour préserver l’unité et la culture malgaches en France. Cinquante ans après le lancement de la RNS, l’héritage de cet esprit d’amitié et de solidarité demeure plus vivant que jamais.

Par Dera Ramandraivonona

-----

2 commentaires

Vos commentaires

  • 19 avril à 18:04 | Isambilo (#4541)

    Hélas, il y a eu aussi un errement idéologique dans les années soixante dix. Ce qui s’était traduit par un suivisme stupide de Mao et même d’Enver Hoxha.
    Maintenant ce fameux RNS semble sentir la javel. Une fête petite bourgeoise.
    Je pense que Ramandraivonona n’en est pas responsable.

    • 20 avril à 12:22 | Isambilo (#4541) répond à Isambilo

      Pas de réaction à l’article de Ramaindraivonona.
      Je ne m’y attendais pas du tout.
      Le sujet dérange beaucoup de monde certainement : que sont devenus les anciens militants de l’AEOM ?

Publicité




Newsletter

[ Flux RSS ]

Suivez-nous

Madagascar-Tribune sur FACEBOOK  Madagascar-Tribune sur TWITTER  Madagascar-Tribune sur GOOGLE +  Madagascar-Tribune RSS 
 
{#URL_PAGE{archives}}