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Point de vue

Question de Gouvernance

« Un certain « contraste » entre le référentiel de la banque mondiale sur la bonne gouvernance et la notion de meilleure gouvernance européenne » selon Razafisambatra Louis de Mon Désir

mardi 28 avril 2015

En plus de quelques centaines de propositions que RAZAFISAMBATRA Louis de Mon Désir a déjà émises, il lance le débat suivant : quel clin d’œil diplomatique les artisans de la réconciliation nationale sont-ils tenus de faire vis-à-vis de la communauté internationale ?

Mises à part les mauvaises pratiques politiques au plan national, notre pays patauge à ce stade douloureux, parce qu’on n’avait pas depuis les années 1980-1990 la volonté politique de débattre avec les bailleurs de fonds internationaux les dégâts sociaux entraînés par le programme d’ajustement structurel et par la réduction exclusive de la bonne gouvernance à l’Etat minimal, à la libéralisation économique, à l’économie de marché. Cette logique d’immobilisme et d’inertie ne s’est jamais non plus posée la question sur la stratégie du « biais domestique », qui fait référence au fait stylisé selon lequel certains investisseurs tendent à surpondérer les actifs nationaux dans leur portefeuille international au regard d’un soit disant comportement de diversification optimal qui consisterait à posséder des titres de nationalité distincte dans son portefeuille dans des proportions reflétant le poids de chaque capitalisation nationale dans la capitalisation mondiale.

Je mets en exergue alors l’existence d’un certain « contraste » entre le référentiel de la banque mondiale sur la bonne gouvernance et la notion de meilleure gouvernance européenne.

La bonne gouvernance dont il est question ici est dans un référentiel spécifique. Ce n’est ni la gouvernance au sens du contenu des politiques, c’est-à-dire des objectifs stratégiques ou des priorités (par exemple stratégie européenne de l’emploi), ni le « système institutionnel de gouvernement multi-niveau » avec ses organes et ses modes de fonctionnement (Etat-Collectivités territoriales par exemple), ni la gouvernance économique (au sens d’un pouvoir qui, par exemple, en Europe, conforterait la gouvernance monétaire par la banque centrale).

La gouvernance ici mentionnée se réfère à la définition de la banque mondiale plus floue et générale, axée sur les processus et sur la mise en œuvre ainsi que sur l’adhésion à l’Etat de droit.

Cette notion de bonne gouvernance au sens de la banque mondiale n’est évidemment et totalement pas adoptée dans l’Union européenne, parce que les différences sont très remarquables aujourd’hui.

Le référentiel de la banque mondiale date de 1996, moment où est conçue également la démarche devant aboutir au livre blanc sur la gouvernance européenne ; démarche notoire par sa volonté de consulter le citoyen sur bon nombre de sujets-clés : il y a exigence sur l’objectif d’une participation et d’une ouverture citoyenne renforcée, l’idée d’amélioration des politiques, des règlementations et de leurs résultats, l’idée de cohérence interne et externe en faveur d’une stratégie à l’échelle mondiale.

De prime abord, il n’est pas moins important de rappeler les rôles essentiellement différents de la banque mondiale et de l’Union européenne, la première ayant des préoccupations principalement axées vers les relations extérieures et l’aide au développement, la seconde étant plus orientée vers des soucis intérieurs. Certes, l’Union européenne a un volet Europe-Aide (programme de coopération extérieure) mais son énergie est plutôt prioritairement centrée sur l’intégration européenne. Les modes de faire européens sont alors liés d’abord aux contenus politiques internes, aux grandes orientations stratégiques, à une stratégie intérieure dite de Lisbonne (qu’on réviserait en considérant l’horizon 2020) quand bien même celle-ci a des visées d’insertion dans l’économie mondiale.

Cette « stratégie de Lisbonne » a souvent été résumée dès 2000 comme devant faire de l’Europe « une économie et une société basées sur la connaissance et les savoirs. L’Union européenne devait, selon cette stratégie, se préoccuper beaucoup plus de facteurs primordiaux de la croissance future », avec, en priorité, l’emploi (le taux de l’emploi) et la performance de ses ressources humaines (qualité des emplois, productivité par tête ou par heure). La « nouvelle économie européenne » devait s’appuyer davantage sur sa capacité à développer plus rapidement et à mieux diffuser socialement les bases de savoirs et de connaissances utiles, aux ménages, aux entreprises et au secteur public. Une telle stratégie était défendue par les nouvelles approches des fondements d’une croissance durable dans les pays déjà riches (au plan du revenu national brut par tête). La théorie de l’action se fondait sur un modèle généralisé de croissance dans lequel les savoirs, le capital humain, le capital social et les institutions sont sources de croissance.

C’est dans ce contexte stratégique que l’accent a été mis sur les processus et la mise en œuvre, c’est-à-dire sur la gouvernance en Europe. Le mode de faire est dit affecter la croissance. Fondamentalement, dans ce référentiel, la stratégie de Lisbonne mobilisait une meilleure gouvernance au sens de meilleures institutions comme facteur de croissance. L’idée générale, dans cette transition institutionnelle, longue de la construction européenne, consiste à considérer que la « gouvernance européenne est un sujet » et que certaines connaissances sur la performance des lois, règlementations, et politiques deviennent critiques : ce sont les connaissances que l’on peut attendre de l’évaluation de la qualité des institutions, des lois et règlementations, des politiques publiques, etc… Elles devraient permettre de réfléchir à la transition liée à l’élargissement en l’occurrence (rattrapage institutionnel des pays de l’Europe centrale et orientale) et devraient de toute façon permettre de bien caler et calibrer les « nouveaux facteurs de croissance » tout en participant, pour le secteur public, à l’économie et à la société fondées sur la connaissance.

C’est ainsi que l’appui aux réflexions sur les institutions comme facteurs de croissance est constitué par de nouveaux travaux plus ou moins empiriques autour de l’OCDE par exemple. La banque mondiale a dénommé facteurs de « bonne gouvernance » ce panel de facteurs institutionnels propices à la production de la croissance durable. La croissance ne s’explique plus par le meilleur usage des « facteurs de production » habituels ou par le « progrès technique ». Il s’agit d’un moteur humain et sociétal se déployant dans la dimension politique, législative, institutionnelle, règlementaire et également dans la dimension de la participation des agents (démocratie, autonomie, liberté).

S’agissant précisément du référentiel de bonne gouvernance de la banque mondiale, les institutionnalistes de cette dernière partent d’une définition très générale de la gouvernance (citée précédemment). Leurs travaux fondamentaux consistent à combiner des indicateurs locaux et spécifiques par des méthodes d’agrégation délicates pour obtenir des indicateurs synthétiques pour quelques enjeux, intérêts ou dimensions de la bonne gouvernance. Ces sélections, combinaisons, agrégations suggèrent sûrement un modèle implicite de la banque mondiale, c’est-à-dire un choix politique parmi d’autres et cet « effet-modèle » n’est évidemment pas neutre sur les résultats et le classement. Rappelons que les dimensions d’enjeux et de valeurs sont : - profondeur de la démocratie au sens d’expression politique et de responsabilité politique ; - stabilité politique et absence de violence ; - effectivité du gouvernement ; - qualités des lois et réglementations ; - « Etat de droit » ou encore degré d’adhésion, de respect et de confiance dans les principes juridiques et sociopolitiques ; - le degré de confiance dans le caractère justifié des grands principes, l’adhésion et le comportement conforme aux règles, les perceptions des conséquences des crimes et délits, le caractère prévisible et réel des sanctions judiciaires, les garanties perçues par les contrats, etc.. ; - contrôle de la corruption.

Loin d’être sans faiblesses persistantes, l’approche de la banque mondiale pose les problèmes habituels de l’évaluation multicritères : - choix du nombre des dimensions de valeurs et de leur regroupement en catégories synthétiques ; - choix des pondérations ; - hétérogénéité de la qualité, de la disponibilité et du champ couvert par les sources ; - indicateurs hétérogènes pour les appréciations par les experts ; - problèmes d’agrégation ou d’indicateurs hétérogènes ; - circularité logique entre « bonne gouvernance » et « bonnes statistiques ».

Par là même, il est raisonnable d’affirmer que les dimensions de gouvernance sont appréciées de manière peu précise : les déviations standards sont assez importantes. La grandeur des intervalles de confiance varie selon les différents pays.

Généralement, la méthode appelle des commentaires critiques sur l’unité du modèle. La mesure sur des repères universels de bonne gouvernance pose le problème de l’incomparabilité d’économies et de sociétés non voisines, très différemment organisées, et dominées par des traditions très spécifiques (Etats-Unis et Inde, par exemple, ou même à quelques nuances près Etats-Unis et Europe).

En fait, évaluer en recouvrant seulement à la mesure quantitative de l’impact de la bonne gouvernance par rapport à des universaux supposerait d’être confronté à un système ayant plusieurs caractéristiques : - écriture du meilleur modèle de gouvernance ; - production de résultats probants à la suite des tests empiriques ; - expérimentations possibles à faire comme si ces conditions de modélisation étaient respectées. Mais vu la complexité des systèmes et le manque de référentiels universaux dans tous les domaines, des appréciations plus conventionnelles sont introduites ; d’où le référentiel européen en contraste. Le livre blanc européen est centré pour l’ordre interne sur des questions qui sont contenues dans le référentiel de la banque mondiale mais qui n’épuisent pas le contenu de la bonne gouvernance dans ce référentiel. Il y est essentiellement question d’une grande citoyenneté. L’objectif consiste à adopter de nouvelles formes de gouvernance qui rapprochent davantage l’Union des citoyens européens, renforcent la démocratie en Europe et consolident la légitimité de ses institutions. L’accent y est mis également sur une élaboration et une mise en œuvre de politiques publiques meilleures et plus cohérentes associant les organisations de la société civile aux institutions européennes.

La meilleure gouvernance passe aussi par une amélioration de la qualité de la législation européenne, par son efficacité et par sa simplicité.
Dans le détail, le document contient peu de réflexions générales sur les institutions, la stabilité politique. La réflexion sur la qualité de la règlementation sera ensuite disjointe dans les faits de la question de la gouvernance et traitée (plutôt comme un complément aux normes de mise en œuvres des principes de subsidiarité et de proportionnalité) plus tardivement.
Des inflexions rehaussent le souci de bonne gouvernance européenne : par exemple, la déclaration du Conseil européen de décembre 2009, qui réengage la réflexion sur une gouvernance plus ambitieuse en même temps que plus axée sur des résultats tangibles ; le Conseil appelle une nouvelle réflexion sur la méthode à suivre, comme associer plus activement les partenaires sociaux et les autorités régionales et locales en vue de résoudre le souci de cohérence et d’évaluation.

Suivant le livre blanc sur la gouvernance multiniveaux (2009), la recommandation est « que toutes les propositions de l’Union européenne soient accompagnées d’une analyse d’impact territorial, ce qui renvoie à la nécessité d’évaluer les effets des lois, règlementations et politiques et programmes.

Concernant en outre le référentiel à usage externe, le livre blanc européen contient une section sur la contribution de l’Union européenne à la gouvernance mondiale. L’idée générale est la suivante : « les objectifs de paix, de croissance, d’emploi et de justice sociale poursuivis à l’intérieur de l’Union, doivent aussi être promis à l’extérieur, si l’on veut qu’ils soient effectivement atteints tant au niveau européen qu’à l’échelle mondiale.

Le rappel de ces diverses approches sur la gouvernance suggère que tout concept venu d’ailleurs tel que conditionnalité, libéralisation économique, économie de marché, bonne gouvernance, etc.., devra être débattu démocratiquement pour s’adapter aux réalités nationales. Je tiens à souligner que le fihavanana et la solidarité malgache dégringolent vers une pente du jamais vu dans l’histoire du pays, parce qu’on n’avait jamais revendiqué une économie de marché conforme à ses valeurs.

Les organisations internationales ne sont pas tous parfaites, certaines conditionnalités ayant une part de responsabilité dans la mondialisation de la pauvreté ; il ne faut plus accepter la diabolisation systématique de nos dirigeants par quelques membres de la communauté internationale, tout en reconnaissant la corruption faite par certains tenants du pouvoir. Les acteurs de la réconciliation nationale sont dans l’obligation de faire un clin d’œil diplomatique à la communauté internationale, en l’occurrence : lui rappeler qu’en voulant appliquer les principes de bonne gouvernance, elle a le devoir de s’ouvrir à tous les acteurs, gouvernementaux et non gouvernementaux, de Madagascar, et de prendre en considération les contextes national, régional, local. Aucune référence n’est explicitement faite à un référentiel précis.

Autant dire, c’est dans les conditionnalités des aides au développement que nous devons tous trouver les marques de l’attachement à la bonne gouvernance.

Il est vrai que dans les anciens temps, toute vérité n’est pas bonne à dire. Mais en ce 21ème siècle, qui a comme règle d’or la transparence, la responsabilité des uns et des autres susceptible d’accroître le nombre de personnes très vulnérables et perméables aux manipulations des barbares, est à dénoncer et changer.

Je termine par mes remerciements à Messieurs l’ex directeur général du fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss Kahn, et l’ancien ministre français, Jean Louis Borloo, qui mènent actuellement un formidable travail de conscientisation en Afrique et en Amérique Latine pour pousser les bailleurs de fonds internationaux à changer certaines pratiques politique et diplomatique. Combattons tous contre toute velléité de préserver la mondialisation de la précarité, parce que les violences barbares sont en train de terroriser tous les continents sans distinction.

Paris le 27 Avril 2015

RAZAFISAMBATRA Louis De Mon Désir

1 commentaire

Vos commentaires

  • 28 avril 2015 à 16:26 | Rakotoasitera Fidy (#2760)

    « Ma.So » : Malagasy Socialista

    Association ou parti politique qui soutient Monsieur Razafisambatra déclare que ce professeur peut résoudre le problème malagasy !!

    Est ce que Ma.So est affiliée au parti socialiste français ???

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