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Editorial

Sortie de Crise : dangereux manque de jugement de la Communauté Internationale

mardi 29 janvier 2013 | Anthony Ramarolahihaingonirainy

Manque de jugement ou pagaille voulue ? Il est difficile d’entrer dans la théorie du complot sans avancer des preuves précises. Les preuves sont pourtant difficiles à réunir lorsqu’elles ne sont tout simplement pas disponibles pour des affaires touchant la sphère de la haute politique et des affaires hautement stratégiques impliquant des intérêts colossaux de puissances étrangères. Les rares personnes qui s’y sont aventurées ont fait l’objet de persécutions en règle. Demandez à Julian Assange (Wikileaks), il en sait quelque chose. N’empêche que certains agissements de la CI dans un pays riche en ressources naturelles tel que Madagascar éveillent parfois des soupçons quant aux intentions véritables qui les sous-tendent.

L’intransigeance actuelle de la CI relativement au calendrier établi par la CENIT en est une. Voudrait-on seulement passer aux élections vaille que vaille et advienne que pourra ? Le pays fonce tout droit vers une nouvelle crise ou du moins l’aggravation de la présente et au lieu de la prévenir, la CI « conseille » plutôt les politiciens sur la stricte observation dudit calendrier à l’instar du nouvel ambassadeur de France François Goldblatt. Personne ne se soucie vraiment de l’après-élection.

Les politiciens s’y complaisent pour le moment et pour l’instant seulement. Vous êtes vous déjà demandé pourquoi ? Parce que pour le moment tous les états major pensent y avoir trouvé leur compte car pour eux qui dit élection dit (re-)partage du gâteau. Les plus optimistes caressent le rêve de devenir Président maintenant que Ravalomanana et Rajoelina ne sont plus là. D’autres fantasment de se la couler douce à l’Assemblée. Chacun pense que le maintien de la Constitution et des lois électorales telles quelles leur facilitera la vie pour faire leur basse besogne une fois arrivé au pouvoir. Les moins optimistes veulent tenter leur chance tout en pensant néanmoins à des motifs de contestation tout trouvé en cas d’échec : le climat d’incertitude juridique et de vide constitutionnel entourant les échéances électorales. Croyez-moi, les vaincus n’oublieront pas de soulever l’unilatéralisme dans l’adoption de la Constitution, des textes électoraux, du calendrier arrêté par la CENIT, les diverses imperfections dans l’organisation des scrutins etc.

Dans tous les cas le peuple sera toujours le dindon de la farce car dans l’hypothèse le plus optimiste mais peu probable d’une certaine stabilité après les élections, il peut faire une croix sur une prospérité tant espérée car corruption, abus de pouvoir, trafics en tout genre etc. continueront de plus belle étant donné que les règles n’auront pas changé. Dans une hypothèse plus pessimiste mais quasi certaine de contestation post-électorale, il va revivre une fois encore les affres d’une crise telles qu’il les connait trop bien pour en avoir vécu à maintes reprises depuis l’Indépendance. Pourquoi alors la CI insiste sur la tenue des élections si les situations post-électorales sont déjà si prévisibles ? Pourquoi ne pense-t-elle pas à l’absurdité évidente d’une pression pour un « retour à l’ordre constitutionnel » sur la base d’une Constitution inexistante ou tout au moins contestée ? Joue-t-elle à « pile elle gagne en cas d’une relative stabilité et face les Malgaches perdent en cas de crise post-électorale » ?

Il y a de quoi avoir des doutes en effet rien qu’en pensant au cas de certaines dictatures passées ou actuelles sur le continent. Les anciennes puissances colonisatrices pour ne citer que la France ne se sont jamais gênées à entretenir une excellente relation avec des dictateurs tels qu’Eyadema père et fils au Togo, Omar Bongo père et fils au Gabon et ne parlons plus des diamants offerts par Bokassa à Giscard d’Estaing etc. Leurs investissements continuent également d’affluer dans ces pays pourtant réputés pour leur totalitarisme. Bref, la CI ne pense en réalité qu’à son gagne-pain. Plus tôt il y aura un (semblant de) stabilité, mieux ce sera pour elle. Peu importe le prix pour les Malgaches, l’avènement d’un apprenti dictateur, ou la durée de quelque mois ou quelques années le temps de passer des contrats léonins sur les ressources naturelles du pays difficilement contestables après, même devant l’OMC, car passés avec un gouvernement élu.

Ceci dit, il est suicidaire malgré tout de vouloir botter en touche la CI. Le système est fait ainsi. Toutefois, j’ose espérer que la CI par acquis de conscience ou dans un minimum de moralité révise son approche vis-à-vis de nous, à défaut de pouvoir compter sur une certitude que nos politiciens gouvernants comme membres de l’opposition se soucient vraiment des intérêts superieurs de la nation. La chance qu’un tel espoir se réalise est infime dans le contexte actuel de crise financière mondiale où toutes les puissances grandes et moyennes lorgnent sur les ressources des pays pauvres pour renflouer leur caisse. C’est même risible et manque quelque peu de réalisme diront certains mais à part une telle prise de conscience de nos partenaires ou un coup de pouce du destin, il est difficile de penser à un avenir avec une éclaircie minimum si l’on continue dans la voie actuelle de sortie de crise. Les ingrédients qui ont entrainé les crises passées et actuelles sont encore tous là : classe politique véreuse, manipulations juridiques et constitutionnelles, abus de pouvoir, corruptions, délits d’initiés, abus de positions dominantes etc. Les mêmes causes ne produisent-elles pas les mêmes effets ?

Les Malgaches seraient bien reconnaissant si la CI ne les infantilise plus en leur tenant la main à tout bout de champs même dans des moments où elle devrait savoir s’éclipser ou se montrer discrète un tant soit peu, tel en ce moment où l’obstacle majeur à une réconciliation nationale est déjà surmonté : la querelle d’égo entre Ravalomanana et Rajoelina. Merci de votre collaboration pour cette étape cruciale que nous n’aurions pas pu (su) atteindre (malheureusement) sans votre précieuse aide mais maintenant laissez un peu les Malgaches régler leurs rancœurs entre eux dans un dialogue franc basé sur le respect de nos us et coutumes. Nous avions su le faire sans votre aide et surtout sans vos pressions en 1991 !

Laissez nous au moins quelques miettes pour qu’au pire nous puissions vivre avec un minimum de dignité. Dans le trou où nous nous trouvons actuellement, plus des trois quarts des Malgaches vivent sous le seuil de la pauvreté. N’avez-vous donc aucune conscience pour nous dépouiller encore du peu que nous avons ? Nous ne sommes pas dupes. Nous savons bien pour simplifier que concrètement quand vous nous donnez une unité de la main gauche (dons, « aides » diverses pour le développement etc.) vous prenez 100 voire 1.000 unités de la main droite (contrats léonins sur divers domaines en faveur de vos multinationales etc.). Nous connaissons que notre relation n’a jamais été du donnant-donnant mais dans la plupart du temps des marchés de dupes dans lesquels nous sommes toujours les perdants. Sinon comment expliquer qu’après un demi-siècle d’ « aides » et d’ « assistances » depuis 1960 nos plats de riz ont plutôt tendance à diminuer si normalement nous aurions dû évoluer vers d’autres mets plus variés, succulents et avec plus de qualité ? Pour une fois, nous vous prions de nous aider pour de vrai sans arrière pensée (c’est trop demander et franchement irréaliste diront certains). Le contexte est favorable pour un vrai dialogue entre Malgaches pour tout aplanir et repartir du bon pied. Baissez un tant soit peu les pressions sinon veuillez les orienter dans le bon sens, c’est-à-dire en faveur d’une vraie refondation de la République (voir les étapes dans « L’après ni ni : M. Beriziky, le FFKM, l’Armée et la Communauté internationale face à leurs responsabilités »). Écoutez la vraie aspiration des Malgaches au changement. Entendre par là tous les Malgaches, simple citoyens, militaires, civils, intellectuels, hommes, femmes, marchants ambulants etc. et non pas seulement les politiciens qui jusqu’à preuve du contraire ont jusqu’ici une toute autre lecture de la réalité et des intérêts supérieurs de la Nation que celle des Malgaches lambda.


Pour ceux que cela intéresserait, sachez une bonne fois pour toute que le présent papier et l’ensemble de notre contribution laissé sur ce support sont loin d’une banale plaidoirie en faveur d’Untel ou d’Untel et plus concrètement dans ce cas-ci de la proposition de Rajoelina pour l’inversion de la Présidentielle et des législatives même si l’effet escompté pourrait déboucher en partie à un tel résultat. Nous avons pensé à une refondation de la République dont la réalisation devrait passer par un tel schéma depuis le début de la crise en 2009 quand nous avons écrit « Après la crise …la bonne gouvernance ». Notre conviction a été réaffirmée de manière claire en 2011 dans « Repartir du bon ordre : législatives-Assemblées constituantes, référendum, présidentielle » dans la foulée de la signature de la feuille de route. Trouver systématiquement des lignes pro Ravalomanana ou Rajoelina dans nos propos serait trop court et franchement rabaissant.

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