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Antananarivo | 22h03
 

Editorial

Pauvre, peut-être ?

mercredi 13 juin 2007 | Alexandre L.

Quelque part dans le « Deep South » se trouve un village de carte postale avec ses huttes de jonc, « un bled perdu de nulle part ». Ici, le temps semble s’arrêter et de mémoire d’homme, la vie n’a jamais changé depuis des temps immémoriaux. A en croire le paysage, on dirait que la vie moderne n’y a jamais mis le pied. Curieux quand on parle de mondialisation !

Après une étude de sociologie à l’Université d’Antananarivo, Sophie décroche son premier boulot dans un organisme non-gouvernemental spécialisé dans les études de développement humain. Sa mission : faire des enquêtes sociologiques dans le Sud de Madagascar. Une belle expérience en perspective. Le Sud est célèbre pour ses paysages de rêve et elle pense bien en profiter.

Munie de son dictaphone, de son appareil photo numérique à 8 Megapixels et ses lunettes de soleil, la sociologue part pour y découvrir le monde de la pauvreté rurale malgache. On lui a déjà donné le canevas, elle connaît ce qu’est un pauvre et la pauvreté, du moins selon la définition des « développeurs ».

D’ailleurs, avant de partir, elle a révisé la notion de l’IDH (Indice de Développement Humain). C’est certain, si elle rencontre le pauvre, elle le reconnaîtra !

Heureuse et misérable

Après une demi-journée de trajet en 4x4, elle croit enfin voir les villages de pauvres. Des huttes sans confort, des localités sans eau potable et dans laquelle l’électricité n’a jamais existé ; des hommes et des femmes presque en haillons, des enfants non scolarisés… D’ailleurs, sur plusieurs kilomètres de routes secondaires, elle ne rencontre ni bâtiments publics ni écoles… Elle se croit au bout de monde, elle croit voir la misère.

Sa première rencontre avec les habitants a été lamentable. Dans son « bleu jean » et son body moulant, elle se sent mal à l’aise devant ces yeux qui la regardent comme si elle venait d’une autre planète ! Elle croit même déceler des regards méfiants voire menaçants à tel point que le malaise ne tarde pas à la gagner.

Mais finalement le dialogue se noue : « Nous sommes ici pour savoir pourquoi votre village vit encore en pleine pauvreté » précise l’enquêteuse. Aucune réaction dans la petite assemblée qui s’est formée à l’occasion de cette visite inattendue. Un silence pénible règne au moment où elle explique que chaque être humain a droit à une vie heureuse dans laquelle l’argent ne manque pas, les enfants vont à l’école, les femmes non battues et les hommes travaillent.

Un autre langage

Malgré les efforts déployés par Sophie, ses interlocuteurs ont apparemment du mal à savoir ce qu’elle est en train de leur expliquer. La sociologue décide alors de poser directement des questions à chaque adulte : « qu’est-ce que vous voulez pour améliorer votre quotidien et combattre votre pauvreté ? »

Elle s’attend à des avalanches de réponses. « Ces pauvres n’ont que des aspirations » se dit-elle dans sa tête. Et après quelques minutes d’attente, une femme se lève et l’interpelle : « Qui vous a dit qu’on est pauvre ? » se demande-t-elle sans regarder Sophie. « J’ai sept enfants. Et croyez-moi, avec eux je me sens heureuse. Ils sont mes richesses à moi. Et tant qu’ils ne meurent pas, je ne vois pas de quoi d’autres j’ai besoin ? »

Interloquée, l’enquêteuse ne s’attend pas à cette « attaque ». Elle recherche en vain ses mots mais les idées lui manquent. Elle commence même à poser des questions à elle-même : « pourquoi je considère ces gens comme des pauvres ? ». « Et si finalement, ils sont heureux comme cela, est-ce que j’ai le droit et le devoir de leur imposer ma vision de la vie. Ils n’ont pas besoin d’une voiture, d’une télévision ou encore des lunettes pour vivre ? »

Pendant des jours, elle continue à poser les mêmes questions. Finalement, elle a compris que le bonheur n’est pas toujours le même pour chacun, qu’elle est fonction de la culture de chacun… Cela n’empêche toutefois que l’Etat doivese pencher sur cette partie du pays qui souffre en eau potable et de l’insécurité. Il a des devoirs à observer

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