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Editorial

Magistrature indépendante : un mécanisme en guise de garant et la compétence comme source de légitimité

mercredi 9 juin 2010 |  2476 visites  | Anthony Ramarolahihaingonirainy

Les avantages de faire appel à un mécanisme pour garantir l’indépendance de la magistrature au lieu d’une personne ou d’une institution composée de personnes sont doubles. Un mécanisme est à l’abri de la subjectivité humaine et reste à flot en dépit des changements des gouvernants. Il s’agit d’un mécanisme à trois dimensions complémentaires et interdépendantes : personnelle, institutionnelle et financière. Les failles de la conception continentale sur laquelle nos Constituants et Législateurs se sont toujours inspirés jusqu’ici tiennent au fait que celle-ci insiste sur la première dimension en axant exclusivement la garantie de l’indépendance de la magistrature sur le concept d’inamovibilité. Elle est confuse et peu bavarde sur la seconde (institutionnelle) et elle est complètement muette sur la dernière (financière). Un article de journal ne suffit pas pour les expliquer en détail. Voici un résumé de présentation sommaire.

Dimension personnelle de l’indépendance de la magistrature

L’objectif est celui d’offrir une stabilité de carrière aux magistrats pour qu’ils puissent s’acquitter de leur mission dans un climat de sérénité, en d’autres termes, pour que les juges soient indépendants et capables de rendre des décisions sans crainte de représaille ou de punition. Comment ? La philosophie générale des procédés est simple : il s’agit d’affranchir ces derniers du poids de l’Exécutif dans toutes les questions concernant leur carrière.

Les magistrats ne sont pas des fonctionnaires

Tout commence par la reconnaissance que les magistrats ne sont pas des fonctionnaires. Ils assurent certes le fonctionnement d’un service public, celui de la justice, cela n’en fait pas pour autant des fonctionnaires. À la différence de ces derniers qui tiennent leurs pouvoirs d’une délégation du Gouvernement ou du Parlement par le biais de dispositions législatives et règlementaires diverses, les magistrats puisent directement leurs missions et pouvoirs de la Constitution au même titre que les membres du gouvernement et les parlementaires. La fonction de juger est une mission constitutionnelle qui revient directement aux magistrats, sans délégation aucune du Gouvernement ou du Parlement. Précisons que si les autres fonctionnaires (Administrateurs civils, Inspecteurs des impôts, Inspecteurs des douanes etc.) sont des prolongements du pouvoir régalien, c’est-à-dire, les mains agissantes de l’Exécutif, les magistrats représentent une entité constitutionnelle distincte : le pouvoir ou l’autorité judiciaire. Ils se trouvent ainsi sur le même pied d’égalité que les parlementaires et les membres du gouvernement.

Gestion de carrière confiée à une instance relevant de la magistrature et non de l’Exécutif

L’intérêt de cette reconnaissance est double. D’abord, une fois mis à l’écart de la fonction publique, les magistrats seront affranchis du devoir d’obéissance hiérarchique à l’Exécutif inhérent à tout fonctionnaire. Ensuite, elle permet d’enlever la gestion de carrière des magistrats des griffes de l’Exécutif. Dans l’état actuel du droit, la gestion de carrière des juges incombe au Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM). En apparence, la nouvelle composition de la structure laisse penser que l’exécutif n’y est plus prépondérant. Pourtant, la seule présence du Garde des Sceaux dans la composition du CSM gâche tout (singam-bolo mandavo ny vositra) [1]. Le rattachement de son bureau à la Présidence alourdit la note. D’une part, la situation permet à la Présidence de peser de tout son poids sur cette instance. D’autre part, dans les faits, on imagine mal les autres membres oser défier le Ministre de la justice lors des prises de décision. La présence de membres issus de la société civile, du monde de l’enseignement etc. n’y fait rien. Le rugissement d’un Ministre, fort de sa stature constitutionnelle, politique et sociale avantageuse, fera toujours changer d’avis un simple citoyen même des plus téméraires (du moins dans les réalités actuelles du rapport gouvernants et gouvernés chez nous) qu’il soit membre de la société civile ou grand professeur etc.

La seule présence d’un membre quelconque issu de l’Exécutif et le rattachement du CSM à ce dernier porte atteinte à l’indépendance personnelle des magistrats en ce sens que de telles dispositions mettent en danger leur carrière. Au Canada, la gestion de carrière des magistrats incombe au Conseil Canadien de la Magistrature (CCM), une structure entièrement constituée de magistrats et libre de tout attache à l’Exécutif.

Une considération adéquate du concept d’inamovibilité

Déjà traité dans un article précédent (« Auscultation sommaire d’un grand corps malade : faiblesses conceptuelles et techniques de la magistrature malgache » ), un petit rappel suffit. Dans la conception anglo-saxonne, l’inamovibilité du juge touche l’ensemble de la sécurité de sa charge et de sa carrière, c’est-à-dire, toutes incidences concernant sa carrière en général telles que les affectations, la mise à la retraite, la suspension, la dégradation d’échelon, la révocation etc. Dans la conception continentale à laquelle appartient la magistrature du pays, la protection de l’inamovibilité se limite aux questions relatives aux affectations. La différence est flagrante : en plus d’une protection déjà défaillante relativement aux affectations, les magistrats malgaches se trouvent totalement démunis pour tout le reste (mise à la retraite d’office, suspension, révocation etc.).

De minutieuses sélections, une formation de qualité au début et en cours de carrière.

De la qualité de la ressource humaine dépend la qualité du service. L’ignorance et/ou les imperfections techniques des magistrats peuvent nuire à leur rentabilité, efficacité et par effet d’entrainement, à leur indépendance. La transparence des concours et la sincérité des résultats requièrent encore de sérieuses mises au point à Madagascar. La qualité de la formation initiale et continue reste aussi à améliorer. Prenons juste un exemple. Combien de magistrats malgaches maitrisent (ou connaissent tout simplement) le droit des NTIC ? La matière ne figure pourtant pas ni dans les modules de la formation initiale ni dans celle de la formation continue (ni dans le droit malgache d’ailleurs). Ce qui est dangereux car internet, cartes bancaires, fichiers multimédias et autres gadgets interactifs et en réseaux font déjà partis du quotidien des Malgaches. Toutefois les formations ne doivent pas s’arrêter seulement aux aspects techniques. L’éthique et la déontologie, le civisme ne sont pas à négliger.

Dimension institutionnelle de l’indépendance de la magistrature

L’objectif consiste à écarter l’implication de toute personnalité ou de toute autre institution politique ou constitutionnelle dans les affaires du Judiciaire.

Comment ? Primo, ne pas confier la garantie de l’indépendance de la magistrature à toute personnalité de l’Exécutif, qui qu’elle soit, ainsi que toute institution politique ou constitutionnelle composée d’humains. Au Canada, le CCM ne garantit pas l’indépendance de la magistrature. Il veille à ce que celle-ci soit respectée. Les garanties sont fournies par le mécanisme objectif et impersonnel à trois dimensions. Le rôle du CCM est de veiller au respect de ces trois dimensions. La structure est ainsi une gardienne de l’indépendance, non une garante. À Madagascar et en France, le Président a toujours été le garant de l’indépendance de la magistrature. Pourtant, le contenu même de l’indépendance et les mécanismes pour l’atteindre demeurent flous. Secundo, enlever le pouvoir de nomination des chefs de juridictions des mains de l’Exécutif. Le décret pris par ce dernier ne devrait intervenir que pour entériner un choix préétabli par la magistrature (proposition CSM= élection par leurs pairs parmi les magistrats les plus hauts gradés ou choix arrêtés sur les plus hauts gradés). Tertio, rompre tout lien avec l’Exécutif. Attribution de la fixation de la politique pénale à la Magistrature et non plus au ministère de la justice. Abandon de l’indivisibilité et l’obéissance hiérarchique du Parquet. En Angleterre et au Canada, la fonction d’accusation est confiée à un Ministère Public issu du Barreau. En Italie, plus proche de notre conception, la magistrature assure encore une telle mission mais les magistrats qui y sont affectés jouissent tout autant de l’inamovibilité. À Madagascar et en France, seuls les juges du siège en bénéficient.

Dimension financière de l’indépendance de la magistrature

En gros, il s’agit d’éviter toute dépendance économique de la magistrature envers l’Exécutif ou toute autre entité constitutionnelle. En d’autres termes, déjouer toute possibilité de chantage de leur part sur la magistrature et ayant comme source des questions salariales ou budgétaires.

Il est connu que celui qui tient le gourdin de la bourse tient le gourdin de la vie. Ainsi, la conception anglo-saxonne ne laisse aucun droit au chapitre à l’Exécutif sur ces matières pour prémunir la magistrature des perversions éventuelles de l’Exécutif. La fixation du budget des juridictions basé sur une proposition émanant de la magistrature est confiée à une commission parlementaire tandis que les questions salariales reviennent à une commission indépendante. Le département de la justice ne s’occupe que de l’exécution matérielle des lignes de crédit prévues par le budget ainsi fixé. Ce département n’a plus aucun pouvoir d’appréciation sur leur opportunité.

Face à la réticence habituelle de certains relativement à une adéquate considération des salaires et avantages des magistrats, le choix est simple. Soit, ne donner aucun pouvoir à ces dernier, c’est-à-dire, maintenir le statu quo actuel et le pays se retrouvera avec une magistrature inefficace à la limite de l’inutile telle qu’elle est actuellement (magouilles diverses et crises politiques cycliques). Soit, lui attribuer suffisamment de pouvoirs lui permettant de contrebalancer ceux des deux autres entités constitutionnelles (fin des magouilles et des risques de crises politiques cycliques) sauf qu’à ce moment là il faut penser aussi aux privilèges et avantages qui viennent avec.

Les raisons sont évidentes. D’abord, plus de pouvoir sous-entend surplus de travail. Ensuite, soyons réaliste et intelligents. Il n’y a rien de plus dangereux qu’une personne à qui on a attribué un quelconque pouvoir mais qui n’a pas atteint un certain confort financier
 [2] Elle sera toujours tentée de monnayer celui-ci. Et si actuellement, tout le monde se plaint déjà de la corruption dans la magistrature, imaginons un peu ce qui adviendrait si leur pouvoir était revu à la hausse mais les avantages non ? Argent et pouvoir vont de pair. Le pouvoir appelle l’argent et vice versa. Ceux qui ont le pouvoir veulent avoir plus d’argent (Mamba noana, crocodile affamé) et ceux qui ont de l’argent finissent par convoiter le pouvoir. L’histoire récente de la Grande Île en est une parfaite illustration. Au Canada et en Angleterre, les salaires et avantages des magistrats sont alignés à ceux des autres membres des deux autres entités constitutionnelles.

Par ailleurs, les adeptes de l’analyse économique du droit [3] vont se rendre compte qu’une analyse des coûts financiers de l’instauration d’une magistrature indépendante telle que proposée fera certainement apparaitre un profit net à l’État malgache. La rallonge budgétaire et l’augmentation salariale occasionnés par une telle démarche se chiffreront en tout et pour tout dans les environs des 2 milliards de FMG par année. (voir « Magistrature malgache : deux, deux et demi ou trois pouvoirs ? »). L’instauration d’une magistrature indépendante, c’est-à-dire, l’efficacité du contrôle et de la censure de l’Exécutif par le Judiciaire permis par le dispositif permettra toutefois de sauver plusieurs milliards de DOLLARS (même pas de FMG mais de DOLLARS) à la nation. Les bois de roses ne seront plus bradés. Le peuple malgache ne se contentera plus tout simplement des redevances (de quelques centaines de millions de dollars par année) des faramineux et juteux contrats miniers et pétroliers concernant les gisements divers du pays mais se partagera le revenu total et les profits colossaux avec les sociétés attributaires (se chiffrant à des milliards de dollars par année) etc. Une magistrature indépendante vaut-elle le coût vous demandez-vous ? L’auteur est fermement convaincu que OUI ! Pensons plus loin. Regardons plus les détails et analysons les choses plus profondément et vous verrez qu’une magistrature indépendante sera profitable pour la nation toute entière, non seulement aux magistrats.

Ces trois dimensions sont complémentaires et interdépendantes. Il n’y a pas de demi-mesure, choisir en bloc ou rejeter en bloc ce sont les deux seules alternatives. Évitons surtout de prendre une ou deux dimensions quelconque parmi les trois au détriment des autres. Ce mécanisme obéit à une certaine équilibre et cohérence interne. Les rompre serait rentre inutile l’intégralité du mécanisme.

La compétence comme source de légitimité

Deux écoles s’affrontent généralement quand il est question de légitimité de la magistrature. Il y a les tenants de la légitimité initiale ou à priori qui s’opposent aux tenants de la légitimité par adhésion ou à postériori. Les querelles d’école n’intéressent pas l’auteur. Toujours est-il que les théories développées par les deux écoles permettent de lever le doute de certains sur la question de la légitimité d’une magistrature non issue de consultation populaire.

Dans des termes familiers et accessibles à tous, légitimité veut dire acceptation, reconnaissance, adhésion du grand nombre. À défaut de recueillir l’assentiment à priori des citoyens par le biais de consultations populaires, les magistrats ont la possibilité et surtout le devoir de l’acquérir à postériori à l’aide d’une prestation de qualité. Leur légitimité découlerait de la reconnaissance et de la satisfaction des usagers relativement au travail bien fait. Certaines statistiques sont éloquentes. 82% des Canadiens s’estiment satisfaits et adhèrent à leur système judiciaire (sondage fait en 1995 en marge du dernier rapport officiel sur l’indépendance de la magistrature canadienne, Friedland). Les magistrats canadiens ne sont pourtant pas élus. Cela démontre que l’élection n’est pas la seule source de légitimité pour une matière aussi délicate que la fonction de juger.

La magistrature malgache actuelle peut-elle fournir un travail de qualité et appréciable ? La réponse est NON ! La perversité de certains, conjuguée, permise, voir encouragée par un système inadéquat et pourri ne donnent aucune chance à l’éclosion d’une saine magistrature efficace et à la fois appréciée, respectée car appréciable et respectable. L’auteur maintient sa position. Face à la dérive actuelle du système judiciaire, ne jetons pas exclusivement les pierres sur les acteurs (les magistrats). Les imperfections du système y contribuent aussi pour beaucoup. Instaurons une magistrature indépendante, garantie par le mécanisme décrit sommairement par l’auteur dans le présent article et l’histoire jugera. Qui vivra verra !

RAMAROLAHIHAINGONIRAINY Anthony

Magistrat (Première promotion ENMG)
Ph. D (Université de Montréal)
Diplôme en common law (Université de Moncton)
Chercheur au Centre de Recherche en Droit Public (CRDP) de l’Université de Montréal

Notes

[1Le grain de sable qui raille la machine

[2« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » (Genèse). N’oublions jamais que l’homme travaille non pas pour le plaisir de travailler mais dans un but essentiellement intéressé : pour sa propre conservation et celle de sa famille (pour gagner son pain). Le magistrat ne constitue nullement une exception. Lui aussi, il travaille pour gagner sa croûte, le confort de sa famille et surtout l’avenir de ses enfants. L’inconfort financier de lui même et de sa famille le portera indubitablement à monnayer son pouvoir. C’est logique et ce n’est pas seulement propre à un magistrat. Ainsi, le fait pour certains de ne penser qu’à des mécanismes juridiques (Inamovibilité, changement de la composition du CSM, repression, chasse à l’homme etc.) ou à l’appel à la « conscience » des juges sont complètement décalés de la réalité. L’argent est le nerf de la guerre. Les Anglais comprirent dès le XIVe siècle (Henri IV) l’importance d’un salaire et des avantages décents dans le processus d’indépendance des magistrats. Leurs résultats actuels se passent de commentaire. Il n’y a que les Français et les Malgaches qui pensent qu’indépendance de la magistrature rime avec mécanismes juridiques et n’a rien à voir avec l’indépendance financière des Tribunaux (budget) et des magistrats (salaires et avantages). Leurs résultats respectifs se passent aussi de commentaire.

[3Matière non enseignée à Madagascar mais très prisée des juristes et universitaires nord-americains.

10 commentaires

Vos commentaires

  • 9 juin 2010 à 08:36 | SOLOBAKA (#3937)

    SALUT ANTHONY,

    J’adhère entièrement à tes analyses sur cette indépendance de la magistrature qui constitue un des éléments fondamentaux de la démocratie et de l’Etat de droit.J’espère que les négociateurs et constutuants actuels puissent s’en imprègner.

    Je mets en exergue tout sipmlement quelques points fondementaux qu’il faudrait mettre en place pour cette « indépendance de la magistrature ».

    D’abord, éviter ce débat stèrile entre « POUVOIR JUDICIAIRE » et « AUTORITE JUDICIAIRE » qui faisait déjà couler beaucoup d’encre et de salive en 1991 pour la mise en place de la 3ème République.

    L’essentiel , à mon avis, c’est d’abord : Confier la gestion de la carrière professionnelle des magistrats au CSM et non pas le confier au Ministère des la justice garde des sceaux (et des sots= les magistrats à qui on a confier la garde au Minjus).

    Pour éviter le corporatisme et le fameux « pouvoir des juges », équilibrer la composition du CSM entre les trois pouvoirs (legislatif, exécutif, judiciaire) renforcer par les représentants des prof de droit , la socièté civile, ou la presse(4ème pouvoir) pour avoir un CSM qui peut jouer un contre-pouvoir de la justice en cas de dérive et aussi de contrôle indépendant nécessaire.

    Ensuite, faire élir les chefs de Cours et de Juridictions par leurs pairs et non par le PRM et le MINJUS, et mettre le PGCS comme chef hiérarchique des magistrats du parquet et non plus le Minjus (les critères d’élection peuvent être discutés librement par le CSM).

    Mais bien évidemment l’accès pour être « MAGISTRAT » doit être le CONCOURS et que le meilleur gagne (donc concours transparent sans magouille, ni piston, ni quota)

    De ce fait le Minjus n’est plus que le ministre membre de l’Exécutif, chargé des relation avec la magistrature et l’exécution équitable des décisions de justice, et non pas le chef suprême de la magistrature.

    Enfin last but not least mettre au même niveau les salaires et indémnités des membres des TROIS POUVOIRS (legislatif, judiciare, exécutif).

  • 9 juin 2010 à 09:52 | lalatiana (#1016)

    Bonjour Anthony,

    Merci pour ce très bon dossier, ces analyses et ces propositions, que je garderai pour ma part en référence. Vous assumez là pleinement le rôle de l’intellectuel qui doit éclairer le débat public, le discours politique et les projets de société de ses réflexions et études prospectives. J’ai d’ailleurs passé une annonce de recrutement dans ce sens :-).

    Je ressens personnellement toujours un malaise face au discours juridique. C’est la matière qui le veut certainement. C’est la prise de hauteur de la fonction juridique et des enjeux sociétaux afférents qui l’imposent peut être, mais le « juridisme » (le mot existe ?) derrière sa technicité fait disparaître l’humain.

    Quand je lis N’oublions jamais que l’homme travaille non pas pour le plaisir de travailler mais dans un but essentiellement intéressé : pour sa propre conservation et celle de sa famille (pour gagner son pain). Le magistrat ne constitue nullement une exception. , je saute en l’air : L’homme n’en resterait ainsi qu’au premier niveau de la pyramide de Maslow (pour peu qu’on s’intéresse à ce modèle), à savoir la satisfaction des besoins physique. Pas d’ambition humaine, dans ce sens ... Pas d’appartenance à un groupe social, pas d’oeuvre ... beuuuuhhh .... personnellement, je n’aime pas ... Mais c’est peut être justement en cela que nous pouvons nous compléter mutuellement.

    Et une petite réflexion m’est venue quant à vos dispositifs : au delà de la sécurité matérielle même de la fonction du juge, qui de la sérénité de l’exécution de ses fonctions : son environnement, ses collaborateurs, etc ... ... « toi, le juge tu me casses les pieds avec ta rigueur, tu vas voir l’équipe de bras cassés et les moyens de m... que je vais te mettre à disposition. On verra bien si tu arriveras longtemps à faire proprement ton boulot ... Et le temps que tu arrives à faire intervenir ta hiérarchie, je saurai bien faire obstruction à tous tes recours contre mon harcèlement » ... Comment aussi protéger la fonction dans ce sens là ... ?

    Cordialement

  • 9 juin 2010 à 10:01 | Rainivoanjo (#1030)

    « Les bois de roses ne seront plus bradés. Le peuple malgache ne se contentera plus tout simplement des redevances ... mais se partagera le revenu total et les profits colossaux avec les sociétés attributaires (se chiffrant à des milliards de dollars par année) etc. » : cela n’est pas seulement du à l’indépendance des magistrats. Cela dépend aussi de la compétence en économie et finances des acteurs locaux qui participent aux négociations.Quant à dire que les bois de roses ne seront plus bradés, encore faut-il que les décisions de justice soient appliquées et respectées.Tout fait partie d’un ensemble : en ce moment, des décisions de justice font que le justiciable ne peut avoir confiance en la justice.Que le CSM commence par faire le nettoyage déjà ! Cela est aussi valable pour toutes les autres institutions !

  • 9 juin 2010 à 12:19 | maminah (#2788)

    Cette analyse ne pouvait être plus limpide ni plus persuasive. Dans le mécanisme quasi idyllique que vous décrivez, l’indépendance est absolue ou n’est pas, car tout se tient.

    C’est presque surréaliste d’imaginer que même la politique pénale revienne à la seule prérogative du Conseil des magistrats. Le ministère de la justice est alors relégué au rôle de simple exécuteur budgétaire. L’institution d’un « ministère public » indique d’ailleurs clairement ce fonctionnement « à circuit fermé » : une forteresse inaccessible à toute influence extérieure, à toute perversion exogène, ou bien à toute perversion tout court.

    Pour justifier un pouvoir aussi intégral, j’imagine que le Conseil des magistrats dispose aussi, à l’image des médecins, d’un Conseil de l’ordre qui sanctionne ses membres coupables d’indélicatesses ou de fautes avérées. Et que dans les cas extrêmes, ceux-ci puissent tomber aussi sous le coup de la loi, au même titre que n’importe quel justiciable....

    Ce qui m’amène à la question lancinante de la probité des juges à Mcar.

    Soit, toute responsabilité mérite un salaire idoine. Mais il reste quand même, dans l’imagerie collective, cette notion du « Respect de la charge » qui place d’emblée ces hommes
    au-dessus des considérations prosaïques. Un chirurgien ne fait pas son voyou sous prétexte qu’il s’estime sous-payé. Il est conscient, dans son exercice, de tenir la vie d’êtres humains entre ses doigts. Il se transcende d’emblée, pénétré par le poids de sa responsabilité.

    Pourquoi l’équivalent est-il inconcevable pour le juge malgache ? A supposer qu’on lui accorde une entière indépendance et un salaire de ministre, est-on assuré pour autant d’en avoir fini avec la corruption de certains magistrats ? La boucle n’est pas du tout bouclée...

  • 9 juin 2010 à 12:30 | da fily (#2745)

    Anthony, bien le merci de ma modeste personne, la clarté et l’explication nécessaires vous honorent, je ne peux qu’adhérer complètement, soufflé. Vous nous donnez de surcroît les tenants et les aboutissants pour la meilleure compréhension possible, bravo encore.

    Si on retient ce qu’à conscrit l’auteur dans son intégralité, on n’est plus sans savoir quelle orientation prendre pour remettre notre justice sur le socle duquel elle s’est déboulonnée. Reste le facteur de taille qui soupèsera de tout son être la réforme éventuelle : l’homme ou la femme qui voudra lancer le chantier, et on peut encore avoir des doutes, hélas.

    Mais nous pouvons aussi dire que dorénavant on pense savoir qu’il soit possible de changer, une juxtaposition du conditionnel qui dénote bien l’éventualité de la chose, car en l’état, il faut bien admettre que bien des râteliers sont encore disponibles, et la demande ne faiblit point. Demander à toute une caste de ronds-de-cuirs minéralisés par des décennies de pratique de travailler autrement et entreprendre le métier avec autre chose à l’esprit que la ration demanderait burins, masses et moultes secousses pour ébranler le monolithe de la justice ! Il est des chantiers qui demandent conjugaison de plusieurs critères avant d’être accepté, le changement de mentalité en est un assurément, compliqué par l’assouvissement continuel d’intérêts multiples.

    • 9 juin 2010 à 13:25 | maminah (#2788) répond à da fily

      Humains, trop humains après tout, nos juges... Ensuite, leur demander de se revêtir de la toge des demi-dieux, c’est un pari qui semble bien risqué en l’état actuel des préoccupations. Autant l’analyse d’Anthony nous a convertis, autant son effectivité nous semble très risquée à Mcar. Pardon de démolir aussi péremptoirement votre construction, Anthony ! C’est que vous nous avez laissés sur notre faim concernant l’essentiel.

  • 9 juin 2010 à 12:52 | Jill (#3525)

    C’est quand meme « beau » la theorie, mais ne devrait-on pas oublier que nous parlons de Madagascar, un pays fonde a partir de strutures et pratiques francaises (et non pas francophones, au sens large) ? Il ne faut egalement pas oublier que nous ne sommes pas au Canada, pays ou l’auteur s’est forme. Le Canada est un pays dit « federal ». Qund bien meme chaque Province disposerait d’une forme d’independance judiciaire, le poids et l’influence des pratiques anglo-saxonnes restent tres forts.
    Les juges n’ont, a ma connnaisance, pas fonde la republique et son mode de fonctionnement (y compris son systeme judiciaire), c’est le politique qui en est responsable. Si cette volonte ou cette vision d’independance n’existe pas chez les hommes politiques toute proposition n’est que chateau de cartes ! L’illustration parfaite de la crise actuelle est la participation complaisante des juges ou du monde judiciaire a l’avenement d’un pouvoir sans fondement juridique et/ou constitutionnel. Mais, savent-ils au moins ce qu’est une constitution, son mode de fonctionnement et sa portee reelle sur le plan national et international ? La est vraiment la question !

    • 9 juin 2010 à 15:25 | rabri (#2507) répond à Jill

      Mon cher arrière grand-père m’a toujours dit (même si je ne l’ai jamais vu lol !!!) : la théorie , c’est bien mais la pratique c’en est une autre !!

      N’y a-t-il pas un anthropologue dans la « salle » pour parler de la VRAIE réalité sociale et culturelle de cette société MALGACHE ?????

  • 9 juin 2010 à 16:24 | mpitily (#1212)

    Tant que le magistrat se sent intouchable, il sera toujours tenté d’en profiter au maximum. Il faudra une entité de contrôle et de sanction dans le système, une entité que tout contribuable peut interpeller quand il se sent lésé par un magistrat (suspicion de corruption, de partialité, de négligence, ...). Idem pour la police, la gendarmerie, le fisc, ...

    La compétence est une chose mais la sagesse est une autre. Nos ainés étaient très compétents mais la plupart ont exploité leur compétence pour mieux profiter du système et abuser tout le monde.

    • 9 juin 2010 à 17:08 | meloky (#637) répond à mpitily

      Non seulement ces groupes de structures qui sont concernées et necessitent un système de contrôle, mais aussi les nombres des partis politiques et pourquoi pas leur facon d’action !

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