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Environnement

Les Polisin’Ala, des surveillants incontournables des forêts du Nord

mardi 3 janvier 2017

« Polisin’Ala », lit-on sur le dos de l’uniforme du patrouilleur. Il porte un GPS et sillonne le corridor forestier. Depuis quelques années, ces vigiles volontaires assurent la surveillance du corridor forestier qui relie Marojejy, Anjanaharibe Sud et Tsaratànana (COMATSA), dans les Hautes Terres du Nord. Leurs missions : contrôle les usages illicites des produits forestiers et consigner les espèces de faune et de flore en vue d’inventaires et de suivi de surveillance.

Le contrôle de l’usage des ressources forestières est la première activité des patrouilleurs. Ces polisin’ala sont rattachés aux communautés de base qui les prennent en charge. Désiré Randrianasy, président de la COBA d’Ambodihasina explique le mécanisme : « Le patrouilleur assure la surveillance soit à des moments planifiés, soit à des moments inopinés ou en urgence. Il reçoit une indemnité selon la distance de patrouille à effectuer : 5 000 Ar/jour si le lieu est proche et 10 000 Ar/jour, s’il doit patrouiller dans des sites éloignés. Leurs restauration est assurée »

Le rôle des patrouilleurs

La COBA présidée par Randrianasy s’occupe de quelques 9895ha de forêt protégée, partant d’Anjanaharibe Sud vers Ranimananiraka et au-delà. Pour chaque étendue boisée, deux patrouilleurs assurent la surveillance. Il s’agit essentiellement de contrôler l’usage des ressources naturelles afin de préserver la forêt. Il existe trois niveaux de surveillance et de zones forestières. D’abord, le noyau dur qui est une zone entièrement conservée et qui correspond aux forêts sacrées. Généralement, le noyau dur est extrêmement représentatif du paysage naturel et originel des lieux. Ensuite, il y a la zone sous protection qui est utilisée comme une banque naturelle, où les espèces se régénèrent et produisent des fruits et des services écologiques. Enfin, il y a la zone de desserte où l’usage du bois y est autorisé suivant un quota restreint et sous réserve d’assurer un reboisement sérieux, le patrouilleur s’assurant que ces conditions soient respectées. Lorsque la zone de desserte ne peut plus assurer la production de bois, elle est transformée en zone sous protection.

Les Polisin’Ala contribuent activement à l’application des dina, règlements traditionnels locaux. Désiré Randrianasy continue : « Quand les patrouillent appréhendent un infracteur, ces derniers sont arrêtés et leurs faits rapportés au directeur de la forêt, entité administrative locale en charge des forêts. Normalement, nous appliquons le dina tel qu’assigné dans le cahier de charges. Par exemple, l’abattage de bois sans autorisation équivaut à une amende de 50 000 ariary, et le défrichement dans la zone transférée équivaut à une amende d’un million d’Ariary. Mais ce n’est pas une pratique de dictature, nous laissons toujours une certaine latitude à l’infracteur de faire amande honorable et de demander une réduction de sa peine ».

Des GPS pour un suivi moderne et infaillible

Jean Clark Rabenandrasana est responsable des patrouilles et de la base de données de WWF dans ce paysage des Hautes Terres du Nord. Il travaille en étroite collaboration avec les Polisin’Ala. « Il y a deux critères pour qualifier l’infraction. Si elle se produit dans une gestion sous gestion communautaire, on applique le dina. Il y a un comité d’application du dina et un comité de contrôle de cette application du dina. Pour chaque comité, il y a des représentants de la COBA, de la commune, du fokontany et de la communauté. Si le conflit n’est pas réglé localement, il est porté à un niveau supérieur. Si l’infracteur prend la fuite, une patrouille conjointe assure la poursuite à l’extérieur de la zone d’infraction. Cette patrouille conjointe est composée les représentants du cantonnement, de la gendarmerie et des COBA mais ces derniers gardent le lead, comme ils sont les plus au fait des situations locales ».

Outre la surveillance des usages des ressources naturelles, les patrouilleurs assurent aussi un suivi écologique des espèces. Pour ces deux activités, ils utilisent un GPS. C’est un outil de suivi spatial grâce auquel chaque emplacement où une infraction a été localisée peut être directement enregistrée puis téléchargée au niveau de WWF. Ces lieux sont cartographiés afin de constituer une base de données avec laquelle les COBA peuvent suivre l’évolution des pressions et leurs natures, et affiner les patrouilles. Pour assurer le suivi écologique des espèces, les patrouilleurs sont spécialement formés pour l’usage d’un cyber check, outil tactile qui permet d’enregistrer les informations sur une espèce précise. L’outil a la qualité d’être facile, rapide et téléchargeable, ce qui simplifie le travail des patrouilleurs ainsi que le traitement des données. Des formations ont été dispensées pour que les patrouilleurs puissent mener leurs missions à bien.

Des efforts permanents à entreprendre

Le témoignage d’un patrouilleur est d’ailleurs particulièrement important : « Autrefois, nous n’avions pas d’outils, nous ne faisons que constater de nos yeux. Aujourd’hui, nous pouvons géolocaliser l’emplacement d’une espèce et même photographier des individus. Nos patrouilles nous ont permis de voir qu’il subsiste encore des espèces assez variées au cœur des forêts, durant nos surveillances mensuelles. Des espèces comme le komba ou le vontsira subsistent en nombre dans ces forêts ».

Pour un autre patrouilleur d’Ambodihasina, l’action des polisin’ala a été extrêmement bénéfique à la conservation de leur terroir : « Autrefois, la forêt était constamment pillée. Les komba étaient régulièrement chassés. Aujourd’hui, les COBA sont vigilantes et s’activent à vulgariser et encourager la pratique des activités génératrices de revenus au lieu de dépendre uniquement des ressources naturelles. Notre travail de patrouilleur consiste à surveiller les infractions et appliquer les quotas de prélèvement pour une gestion rationnelle des ressources forestières ».

Le système de patrouille a porté ses fruits dans les Hautes Terres du Nord. Entre 2015 et 2016, 72 pièges à lémuriens ont été trouvés au cours des patrouilles et détruits de suite. Une trentaine de cas de culture sur brûlis ont été répertoriés, ainsi que 80 cas d’abattages illicites. « La précarité y est pour beaucoup », explique le président du COBA, Désiré Randrianasy. « Par ailleurs, nous avons besoin de renforts pour que nos initiatives soient connues et appliquées par tous, c’est-à-dire généraliser le retour à la terre et à ses bienfaits au lieu de dépendre exclusivement de la forêt jusqu’à la décimer totalement ».

Article paru initialement sur le site www.wwf.mg

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