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Editorial

Le bon timing pour une bonne loi fondamentale

mardi 15 décembre 2009 | Anthony Ramarolahihaingonirainy

Y a-t-il un moment idéal pour la conception d’une bonne loi fondamentale ? Aucun théoricien, même les plus éminents des juristes ne s’enhardiraient à en apporter une définition, aussi générale soit-elle. Trop de paramètres entrent en jeu pour cela. Citons entre autres les pré requis sociaux comme le niveau d’instruction ou de civisme des citoyens-électeurs, les situations économiques, la disponibilité d’intellectuels ayant suffisamment de connaissances sur l’ensemble des grandes théories constitutionnelles et juridiques contemporaines, les réalités politiques, c’est-à-dire, les rapports de force entre les différents acteurs de la vie politique ou encore le charisme et la personnalité des membres de la classe politique etc. La liste n’est pas exhaustive. Proposer une définition exacte serait hasardeux et inopportun. Toutefois, en fouillant dans les expériences passées de la Grande Ile, quelques situations permettent de se faire une certaine idée sur la question.

Qu’est ce qui différencie les Constitutions de 1959, 1975 et de 1992 quant au momentum de leur adoption respective

Avec le recul, l’observateur averti réalise que pour les trois le rôle tenu durant tout le processus de conception de la loi fondamentale par celui qui aura été élu à la magistrature suprême lors de l’élection présidentielle tenue immédiatement après l’adoption de celle-ci demeure le paramètre de différenciation le plus pertinent. Ce rôle était différent d’une transition à l’autre. Il ne faut pas se voiler la face. D’une analyse à posteriori, il relève de l’évidence que de la profondeur de l’implication de celui qui aura été élu Président au bout de la période transitoire dépendait la répartition des pouvoirs entre les différentes entités et surtout le contour général du « fauteuil présidentiel », c’est-à-dire, l’étendue des pouvoirs du Président, les règles générales entourant son mandat, ses privilèges et immunités divers voire de son irresponsabilité [1].

L’équation est simple : plus grand est son implication dans le processus, plus étendus seront ses pouvoirs. C’est connu, on n’est mieux servi que par soi même. De même, la charité bien ordonnée commence par soi même.

Les Éclaireurs à la fois juges et parties de 1959 et 1975

Les moments entourant le processus d’adoption de la Constitution du 29 avril 1959 et celle du 21 décembre 1975 partagent au moins deux réalités. D’une part, Philibert Tsiranana, alors Premier Ministre provisoire de la République autonome de Madagascar [2] et Didier Ratsiraka, Président du Conseil Supérieur de la Révolution « régnaient » quasiment sans partage dans leur structure respective. Malgré le titre de Premier Ministre, Philibert Tsiranana se trouvait en réalité à la tête d’une sorte de structure transitoire établissant le pont entre le démantèlement progressif de l’administration coloniale et la proclamation de la république en 1959. Il y gardait une mainmise absolue aussi bien sur les membres du gouvernement qu’il nommait que sur les Conseillers Provinciaux qui l’élisaient à l’unanimité. Pour sa part, Didier Ratsiraka était l’homme fort d’un Conseil Supérieur de la Révolution, une structure d’ensemble qui contrôlait les pouvoirs étatiques tout au long de la transition. D’autre part, les deux hommes se savaient en très bonne position pour se faire élire à la prochaine élection présidentielle devant se tenir à la suite de l’adoption de la Constitution.

Le résultat fut sans appel. La Constitution de la 1ère et de la 2ème république furent « taillées » à la mesure respective des deux hommes forts des deux périodes transitoires. Ce qui n’a rien d’étonnant. Les deux hommes disposaient du pouvoir absolu pour en tracer les grandes lignes, nommer les membres du comité de rédaction et organiser les référendums. L’omnipotence que la situation leur procurait et l’assurance d’une victoire quasi certaine à la prochaine élection présidentielle les incitaient à se croire au dessus de tous pour « créer » chacun à son époque une Constitution « à son image » [3].

L’Éclaireur « illuminé », « neutre » ou « bien encadré » de 1991

Zafy Albert, Président de la transition (HAE) fut aussi élu premier président de la 3ème république comme l’étaient Philibert Tsiranana et Didier Ratsiraka. Évidemment, une question vient de suite dans l’esprit : mais pourquoi la Loi fondamentale de 1992 n’était pas « à son image », ce qui était pourtant l’« usage » établi [4] ? Certains trouvent la réponse dans l’intelligence du personnage (illuminé), d’autres dans sa sagesse (neutralité). Dans une analyse objective disons qu’il fut « bien encadré ».

Illuminé ou pas, neutre ou pas, illumination et neutralité par la force des choses et bien malgré lui ou par choix éclairé… Dieu seul le sait. Toujours est-il que le concours de circonstances entourant la transition qu’il présidait était tel que Zafy Albert, n’héritait pas du quasi chèque en blanc que bénéficiait ses prédécesseurs en leur temps.

Sur l’étendue des pouvoirs du Président de transition, deux remarques pertinentes différencient fondamentalement la transition de 1991 à celles de 1958 et 1975. D’une part, quant à la répartition intrinsèque des pouvoirs, en vertu de la Convention du 31 octobre 1991, les pouvoirs étatiques furent partagés entre quatre entités majeures : la HAE, le Gouvernement, le CRES et la HCC. Là déjà il y a un gouffre énorme par rapport aux structures minimalistes des précédentes transitions évoquées plus haut. Zafy Albert ne tenait pas seul le gouvernail et le mécanisme de ratification prévue par l’article 3 n’y changeait rien. Celui-ci affirme même le pouvoir de contrôle mutuel entre Président et Premier Ministre. D’autre part, quant aux personnalités, rien qu’en voyant les noms de ceux qui étaient à la tête des autres institutions : Razanamasy Guy Willy à la primature (PM qu’il n’a pas nommé d’ailleurs), Andriamanjato Richard et Manandafy Rakotonirina au CRES, Ratsirahonana Norbert à la HCC, autant de « dinosaures » qui ne se laissent facilement faire, personne n’a besoin qu’on lui fasse un dessin pour comprendre que Zafy Albert était suffisamment encadré pour tenir le gouvernail de main ferme comme les deux autres avant lui.

Madagascar vit actuellement des circonstances quasi similaires à celles de 1991. Les énièmes Accords de Maputo et d’Addis-Abeba repartissent les pouvoirs entre plusieurs entités et attribuent la présidence de chacune aux quatre mouvances (si application il y en aura !). Par la disposition des institutions et le casting des titulaires des pouvoirs, le pouvoir des uns arrête le pouvoir des autres (Montesquieu). Le Président de la Transition est de nouveau suffisamment « encadré ». Le risque serait minime de voir la résurgence d’un Président Omnipotent de la trempe des Éclaireurs de 1958 et 1975 et donc de perpétuer la fâcheuse « tradition » de se fabriquer une Constitution sur mesure.

La cohérence de la présente analyse mène à une conclusion somme toute prévisible : les circonstances sont favorables pour la conception d’une loi fondamentale neutre à contenu objectif sans préoccupation aucune visant ou avantageant une personnalité ou un programme quelconque (le MAP fut le prétexte pour le référendum constitutionnel de 2007) [5]. Profitons-en à bon escient chers dirigeants pour concevoir LA bonne. Espérons enfin que celle-ci survive à ceux qui seront appelés à l’appliquer. Souvenons-nous d’un principe démocratique (élémentaire) selon lequel les gouvernants sont essentiellement passagers mais les institutions sont appelées à rester. Et dire que la plus grande démocratie au monde en est encore à sa Constitution de 1776 malgré 44 Présidents… ça laisse rêveur !

Notes

[1La tendance était celle de s’assurer le maximum de pouvoir, de longévité politique, de privilèges et d’immunités possibles avec le minimum de responsabilité.

[2Le 14 octobre 1958, le Congrès des conseillers provinciaux instaure la République autonome malgache membre de l’Union Française avec Philibert Tsiranana comme Premier ministre provisoire.

[3Dieu créa l’homme à son image (Genèse 1.26-27).

[4Nombre de Constitutionnalistes affirment que la Constitution du 18 septembre 1992, première version non amendée consacre la meilleure répartition des pouvoirs que l’histoire constitutionnelle malgache n’a jamais connu, meilleure en tout cas que les deux autres malgré ses imperfections.

[5N’empêche que le dépouillement des pouvoirs du Président et sa relégation au statut de symbole (Ray Aman-dreny) par la Constitution de 1992 seraient dû à la défiance envers un éventuel retour de Ratsiraka.

8 commentaires

Vos commentaires

  • 15 décembre 2009 à 08:46 | Noue (#2427)

    Je n’ai qu’une seule chose à dire là dessus :

    - Combien d’années Ratsiraka était au pouvoir ? Qu’est-ce qu’il a fait de positive pendant ces 25 ans , voir plus ? que remplir ses poches et bien sauvegarder sa retraite .

    - Combien de temps Ravalomanana était là ? 7 ans ? ne fermons pas les yeux de tout ce qu’il a fait pour Madagascar

    - Combien de temps kelifingotra sans qualité est là ? il n’a fait que détruire tout !! tout !! tout !!!

    Il n’y a que sa soif d’être appelé président dans sa petite tête sans cervelle , malheureusement , c’est SANS QUALITé !!

    • 16 décembre 2009 à 01:06 | rabri (#2507) répond à Noue

      Mba ovay @ izay ny disque ry Noue, huitre bretonne hermaphrodite an !! sans qualité, sans qualité lava tsy misy farany.

      Et toi ?? SANS QUALITE GUSTATIVE car le fait de se lever tôt tout le temps le matin pour être la 1° sur ce forum nuit fortement à la fermeté de ta chair (= plaisir charnel)

  • 15 décembre 2009 à 11:46 | Georges Rabehevitra (#3099)

    Cher Anthony,

    Le bon timing, oui, Un bonne Constitution qui ne soit pas taillée sur mesure, oui.

    La Constituion des US est un peu bancale mais la loyauté, envers cette Constitution, de tous les hommes ou femmes qui se sont succédés dans l’Administration , a été permanente.

    En concslusion : sûr, il faut une Loi Fondamentale adaptée mais encore faut-il que les hommes ne s’asseoient pas dessus, sans honte, sans peur et sans vergogne. Cela a été le cas sous Ravalomanana, et actuellement sous Rajoelina et sa clique, un simple citoyen malgache n’a même pas le droit de rentrer chez lui. Pour cela, il suffit d’une simple note ministérielle !!!

  • 15 décembre 2009 à 12:28 | Jacques (#434)

    Certes, M.Anthony, il est permis de rêver quand on voit que l’Oncle Sam n’en a jamais touché à la sienne depuis 1776. Mais je pense qu’en ce qui concerne notre pays le moment n’est pas opportun pour une telle démarche. Nul doute, par ailleurs, quant à la ennième modification de notre Constitution dans les semaines ou mois à venir, mais dans le sens voulu par les pieds-nickelés actuellement au pouvoir, c’est-à-dire permettre à Rajoelina de se présenter aux présidentielles. Eh oui, malheureusement ça ne pouvait être différemment dans une république banannière telle la nôtre. D’ailleurs en évoquant aujourd’hui un tel sujet vous leur donnez à ravir du grain à moudre.

  • 15 décembre 2009 à 12:55 | RABERENE (#3227)

    Amiko dia tsy misaraka ny lalana fototra sy ny olona mpitondra :

    - Raha araka ny famakafakana nataonao teo ambony izao dia mety hisy alaim-panahy hiteny hoe ny « Constitution » tamin’ny andron’ Zafy no tsara raha izany,satria misy ny fitsinjarana ny fahefana ka tsy mitangorina eo amin ny olona iray ny fahefana rehetra.Ny indro kely dia ity , ny contsitution angamba no tsara fa ilay mpitondra VENDRANA dia tsy nandeha ela akory dia nidaraboka(empeché).

    - Io constitution io koa anie dia azo atao fitaovana toa ny fitaovana rehetra rehefa tonga ny maha-poritra e ! Dia miteny hoe « anticonstitutionnel » ny zavatra ataon’ny hafa na dia manao adalana ny tena. Dia ny vahoaka ve dia hiaritra eo satria tsy manaraka ny constitution na dia efa ho lafo ambogadiny aza i Madagascar ?

    Ny fanontaniana mipetraka ary @ fotoana tokony handrafetana io lalana fototra io dia ity:Constitution ve vao mpitondra sa mpitondra aloha vao constitution ?

  • 15 décembre 2009 à 13:19 | meloky (#637)

    Je ne crois pas que notre loi fondamentale soit un « flaw » mais ces sont les tétues egoistes qui veulent toujours utiliser ses opportunités pour faire des selectives amendements selon leur soif de pouvoir et d’abuse.

    Ces gestes indiquent que nuls veulent pas commettre eux-mêmes à certain règle ou honnetêté tels quels soient pour satisfaire leurs gains personnels.

    Selon l’histoire depuis l’independence, l’élection s’avère sans doute qu’un permis pour les élus d’abuser son propre pays !

    Quels dommages !

  • 15 décembre 2009 à 14:26 | da fily (#2745)

    yes,à part le timing, le respect de tout accord, de la parole donnée, des promesses, c’est pour quand chez nous ?

    La civilisation simple dans le sens civique et responsable, c’est pour quand ici ?

    La loi la même pour tous, c’est pour quand ? Quand est-ce qu’on aura une justice impartiale, sur laquelle on peut s’appuyer ?

    Je me gausse des fois de tous ces cerveaux éminemment diplômés que compte les fils de MADA, ils sont là et servent à quoi chez nous ? A part la recherche et dans les domaines scientifiques, je ne vois aucune avancée notable embrayée par nos diplômés magistrats ou juristes. Ou alors, ils sont souvent entrainés dans la spirale politicienne. La aussi il y erreur de timing et de casting.

    L’auteur, que je devine futur juriste ou magistrat ( grand ?)a pensé qu’il était temps de nous pencher aussi sur nos institutions.Ce voeu n’est pas innocent, car en regard du cataclysmique bouleversement qui va suivre cette crise, il est souhaitable que les réformes se fassent, et que s’installe le vrai droit.

  • 15 décembre 2009 à 15:24 | ragasy (#416)

    Le Président de la Transition est de nouveau suffisamment « encadré ». Le risque serait minime de voir la résurgence d’un Président Omnipotent de la trempe des Éclaireurs de 1958 et 1975 et donc de perpétuer la fâcheuse « tradition » de se fabriquer une Constitution sur mesure.

    C’est justement la raison de toutes ces rencontres à Maputo et Addis Abeba : construire une « neutralité » à partir des différences et ainsi bâtir une constitution acceptée par tous.

    Mais malheureusement, le pt ne l’a pas compris car il veut qu’on l’appelle tout de suite « président » sans élections.

    Pour répondre à RABERENE :

    - Constitution d’abord car c’est la règle du jeu.

    - les Malgaches doivent être après des bons citoyens respectant les règles.

    Mais ... au vu de ce qui se passe tous les jours dans le domaine du sport à Madagascar où on bafoue systématiquement les règles, c’est utopique !

    C’est à se demander si on a besoin d’arbitre chez nous !

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