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Opinion

La CONFIANCE : ingrédient vital d’une solution durable à la crise

vendredi 14 août 2009 | Patrick Rafolisy

Parler de confiance en ces temps de repositionnement politique voire de « retournement de veste » peut rapidement être taxé d’une naïveté intellectuelle sinon d’une incongruité. Cependant, à bien y réfléchir, on peut avancer que la crise que traverse le pays depuis la fin de l’année dernière constitue sans aucun doute une crise de confiance au sein de la société malagasy. Les politiciens, entre eux, et une partie des citoyens, quels qu’en soient les raisons, n’accordent plus pleinement crédit au système de gouvernance jusqu’alors en place(1). On parle actuellement de révision sinon de changement des textes fondamentaux de la République pour mieux asseoir une démocratie et un Etat de droit. La méfiance des citoyens à l’endroit des politiciens a été une réalité depuis des décennies.

Ceci étant, qu’en est il de cette notion de « confiance » que l’on entend fréquemment utilisée dans diverses relations humaines, mêmes là où elle apparaît comme un luxe, par exemple au sein du microcosme politique malgache. D’une manière générale, la confiance, dit-on, est un état psychologique comprenant l’intention d’accepter la vulnérabilité basée sur une attente positive des intentions ou comportements d’autrui (Rousseau et al, 1998, p. 395). Cet état procure une représentation de la manière par laquelle des individus comprennent leur relation avec une autre partie dans des situations qui impliquent le risque ou la vulnérabilité (Dirks and Ferrin, 2001, p. 456).

Elle a ainsi la caractéristique d’un être laborieux pour l’acquisition mais facile à perdre. Une fois perdue, il est presque impossible de la recouvrer. Cependant, elle est indispensable dans presque toutes les relations humaines et que les organisations dans lesquelles la confiance règne sont durablement les plus performantes. D’un autre point de vue, la confiance fournit les conditions sous lesquelles la coopération et les attitudes plus positives sont probables. La confiance entre les négociateurs semble avoir un effet négatif sur un conflit (De Reu et al. 1998).

Cette notion est aussi pertinente en politique et surtout en système démocratique où, par le pacte électoral, les citoyens confient leur destinée commune (sécurité, liberté et qualité de vie) à des personnes, en général des politiciens. Ils prennent ainsi un risque en donnant ce mandat considérable à des personnes, notamment au niveau national, qu’ils ne connaissent que par l’intermédiaire des campagnes électorales et des média. Ce risque est en principe mitigé par la primauté du droit et le système de recevabilité institutionnelle et sociale que l’ensemble de la communauté daigne mettre en place. La dérive survient alors inéluctablement lorsque ces balises ne sont pas effectives. En fin de compte, les citoyens n’accordent plus la confiance aux politiciens alors qu’ils sont en partie responsables de leur conduite par l’effectivité du système par leur participation et leur vigilance. C’est ici avant tout que l’éducation citoyenne a sa raison d’être et elle commence depuis le cercle familial, en passant par la communauté de base et jusqu’au niveau de la société civile organisée.

S’intéressant maintenant à la crise politique actuelle qui n’est que la réplique des précédentes, car non fondamentalement résolues reconnaissons le, la confiance devra retrouver une place dans toutes les issues proposées. Prenons par exemple la recherche d’une solution négociée et consensuelle par l’intermédiaire d’une transition inclusive recommandée par l’ensemble des organisations internationales pertinentes. On voit bien que l’absence de confiance est l’un des facteurs bloquants sinon le principal obstacle. L’histoire entre les parties semble ne plus permettre le minimum de crédit entre eux, du moins entre les chefs de file. Une transition concertée suppose que lorsqu’une partie concède sur une de ses exigences, elle prend le risque de la confier à l’autre partie. C’est là sans doute une des explications de la revendication des sièges qualifiés de « stratégiques » pendant la période transitoire.

Les protagonistes actuels peuvent s’accorder sans encombre sur des principes (la fameuse Charte) mais difficilement sur leurs mises en œuvre. Pour cela, en effet, il leur faudra se faire des concessions, bref prendre des risques et laisser aux mains d’adversaires politiques des pouvoirs relativement importants. Peut-on alors concevoir que Ratsiraka, après Dakar II et la suite, puisse encore une fois prendre le risque de mettre la destinée politique de son clan aux mains de Ravalomanana ? Il en est de même pour Zafy à l’endroit de ceux qui ont orchestré sa questionnable empêchement et actuellement très influents au sein de la Haute Autorité de Transition. Et très récemment, Ravalomanana pourra-t- il sereinement concéder des pouvoirs importants à Rajoelina qu’il qualifie de putschiste et de voyou ? Cela est aussi vrai dans l’autre sens lorsque Ravalomanana et son clan sont taxés de terroristes par la mouvance Rajoelina.

Mais cette méfiance généralisée ne s’arrête pas au niveau des individus, elle s’étend au niveau des institutions existantes supposées non partisanes et … c’est plus alarmant. L’intégrité de la justice, notamment à son plus haut niveau, n’est pas pour rassurer les politiciens et les citoyens avertis. La composition et surtout les décisions de la Haute Cour Constitutionnelle ont été depuis source de contestation politique et n’ont eu autorité que par la force. On peut illustrer cela par l’empêchement de 1991, la recomposition et le recomptage de voix de 2002 et tout récemment la validation d’une ordonnance inconstitutionnelle de février 2009. L’ultime recours en Etat de droit ne semble plus digne d’entière confiance comme il se doit, en sachant surfer sur les successives vagues de la politique politicienne.

En ce qui concerne les Forces Armées, dernier rempart de la République et de la Nation disent-ils, leur image a été sérieusement écornée par la récente soit disant prise de responsabilité par les « hommes forts » du CAPSAT et des autres unités de la Capitale et ses environs. Mais cette situation est le résultat d’une instrumentalisation politique depuis des décennies. Actuellement, avec un Ministre des Forces Armées, un Chef d’Etat Major Général de l’Armée et un Commandant de la Gendarmerie promu par leurs faits d’armes lors de la mutinerie de mars 2009, il sera téméraire pour Ravalomanana de rentrer avec sérénité au pays sans mesures de sécurité particulière, même avec un accord politique formel signé par toutes les parties.

Comment alors se dégager de cette situation de méfiance généralisée vers un état de confiance permettant la progression vers une meilleure stabilité ? Les négociations actuelles sous l’égide du GIC semblent susciter des sérieuses inquiétudes mais il est encore temps de rectifier la démarche. Ce Groupe a bien fait de confier la médiation à un champion de la gouvernance donc digne de confiance, le Président Joachim Chissano, mais il semble oublier qu’il faudra avant tout trouver une personnalité à laquelle toutes les parties font confiance pour conduire la transition. Sans cet homme ou cette femme, d’une meilleur trempe que celle du tandem Razanamasy/Ravony du temps de la transition de 1992, la meilleure Charte possible sur la forme et le contenu de la transition ne mènerait probablement qu’à une nouvelle impasse.

Il nous semble entrevoir par la démarche du GIC la proposition d’un schéma de partage de pouvoir. Bien que cette solution puisse aboutir rapidement à un consensus, elle fera courir au pays le grand risque de faire perdurer voire même piétiner la transition. Les mouvances vont certainement se rivaliser, avec chacun leurs parcelles de pouvoir, à reluire leur blason et ternir l’image des concurrents en usant des moyens pas toujours loyaux. Cette solution en expérimentation au Kenya et au Zimbabwe n’est certainement celle appropriée pour Madagascar. L’économie et le social déjà martyrisés risqueront de ne pas supporter d’âpres batailles politiques d’une transition prolongée.

Les critères les plus importants à rechercher pour cette personnalité est sa neutralité et son intégrité, générateur de confiance, c’est-à-dire ne pas avoir été perçue comme engagée lors des successifs conflits de pouvoir depuis 1991. Il faudra également et en même temps revoir la composition de la HCC et changer les grands chefs de nos Forces Armées pour y mettre des personnes neutres et aptes à résister à toutes les tentations, notamment financières et politiques. Il va sans dire que leur mandat restera limité dans le temps et sur le fond.

Par Dr Rafolisy Patrick, ancien Secrétaire Général du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) et ancien Secrétaire Exécutif du Comité pour la Sauvegarde de l’Intégrité (CSI).


(1) :C’était apparemment un acquis fragile en ce qui concerne l’attitude des citoyens puisque en 2006, selon le sondage sur la lutte contre la corruption effectuée par l’agence capsule sur une commande du CSLCC, la confiance des citoyens au système était en ce moment bien au dessus de la moyenne pour une stabilité durable à moyen terme.

1 commentaire

Vos commentaires

  • 17 août 2009 à 23:59 | el che (#344)

    Monsieur,

    Je pense pour ma part que le peuple malagasy a pêché par sa confiance excessive, sa propension à croire, et à idolâtrer.

    Sa confiance a été trahie maintes et maintes fois, de la manière la plus lâche qui soit, par la plupart des dirigeants successifs.

    Glisser un bulletin dans les urnes , en échange de promesses fallacieuses : tel est jusqu’à ce jour la réalité démocratique de notre pays.

    Que les dirigeants se montrent d’abord honnêtes, désintéressés et compétents : la confiance du peuple ira de soit.

    El che

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