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Diplomatie

25 mai

Journée de l’Afrique

mercredi 28 mai 2008

Dans le cadre de la semaine culturelle de l’Afrique,Mr André Rasolo a animé une conférence-débat à l’Univeristé de l’Amitié des Peuples à Moscou le 23 avril 2008. Nous reproduisons à la page....son exposé introductif. On y ressent l’engagement de l’ancien professeur de l’ESDGS du temps de Raymond Ranjeva, Willy Léonard, Rajaoson François. Sa fonction actuelle de diplomate lui ouvre sans doute de nouveaux horizons. On garde d’André Rasolo l’image d’un homme d’action, de réflexion et de communication.

25 mai, journée de l’Afrique

L’Association des étudiants Africains à Moscou m’a demandé de parler sur « l’éducation, la santé publique, la démocratie, priorités du développement de l’Afrique ». Comme il est impossible de traiter un aussi vaste sujet dans un temps limité, je me contente d’évoquer des points qui me paraissent essentiels.

La période dans laquelle nous vivons est marquée par une accentuation des inégalités entre Pays du Nord et Pays du Sud. Selon l’indice de développement humain élaboré par le Programme des Nations Unies pour le Développement, prenant en compte trois critères le revenu, la santé et l’éducation, on constate en Afrique :

- 1 individu sur 2 vit en dessous de 2$ par jour
- 48% de la population a accès aux services de santé contre 30% en 1960
- 40% de la population a accès à l’eau potable contre 27% en 1960
- le taux d’alphabétisation est passé de 27% en 1970 à 51% en 2005
- les taux de scolarisation primaire et secondaire sont passés de 26% en1970 à 46% en 2005
- le taux de mortalité des enfants de moins de 5ans était de 284% en 1960, il est tombé à 175% en1998.

Les indicateurs de développement que j’ai pris montrent une évolution de progrès quantitatifs mais ils ne doivent pas masquer les problèmes qualitatifs sérieux.

Dans le système éducatif, on note par exemple que l’école remplit mal ses fonctions : apprendre à lire, à écrire, à compter en primaire, développer des compétences à l’université. Des écoles qui fonctionnent avec plus de 40 élèves pour un instituteur ressemblent plus à un lieu de gardiennage qu’à un lieu d’acquisition des savoirs.

L’enseignement est perturbé par :
- la réduction du budget de fonctionnement
- le gel des effectifs du personnel
- l’absence de motivation des enseignants
- le chômage des intellectuels
- l’exode des compétences

De ces indicateurs quantitatifs et qualificatifs on peut dire qu’entre le Nord et le Sud, la fracture du savoir est l’une des plus scandaleuse de notre temps. Si les grandes universités du Nord sont préoccupées par le lien du contenu de l’enseignement avec l’emploi, la plupart des universités du Sud sont bloquées par la pénurie du personnel d’encadrement de haut niveau et les ressources budgétaires déficientes.

Dans un monde où la matière grise l’emporte sur les matières premières, la recherche est assurée à 90% par les Pays industrialisés en fonction de leurs priorités. Les recherches sur l’agro-élevage et sur les médicaments essentiels, priorités de l’Afrique n’intéressent pas le Nord parce que non rentables.

Au niveau de la santé publique, des progrès importants ont été enregistrés depuis 1960 dans le développement et l’amélioration des services médicaux.

Le système sanitaire est généralement bien structuré : santé de base, dispensaire, hôpital général, centre hospitalier universitaire. Il mobilise des acteurs compétents et dévoués du corps médical, des ONGs et des Organisations Internationales comme l’OMS, l’UNICEF, le FNUAP.

Les infrastructures sanitaires dites modernes coexistent avec des pratiques de soin traditionnelles conservées par des guérisseurs.

En milieu rural, certaines maladies sont encore perçues comme des sortilèges ou malédiction divine.

Il faut souligner que le système de santé en Afrique manque énormément de moyens. L’Afrique ne consacre qu’1$ par an par habitant à la santé. L’initiative de Bamako en 1987 a voulu combler ces insuffisances en faisant appel aux contributions communautaires et familiales. A mon avis, mal expliquée et mal organisée, l’initiative a tourné à l’échec.

L’Afrique présente le taux de mortalité infantile le plus élevée dans le monde. Une femme sur 16 est morte lors de l’accouchement contre une sur 2800 dans les Pays industrialisés. La tuberculose atteint 10 millions de nouveaux cas chaque année dont la plus grande partie en Afrique. Sa progression est liée à celle de l’épidémie de sida. La plupart des malades du sida reste sans soin car les moyens de traitements sont hors de prix. Le paludisme ou malaria demeure toujours une maladie endémique.

Existe-il un lien entre la santé publique et le développement économique ? Oui. Toutes les maladies que j’ai évoquées plus haut prennent des proportions dramatiques à cause du sous développement. La malnutrition et l’insécurité alimentaire sont liées à la pauvreté. Elles touchent des groupes de populations les plus vulnérables. Les famines sont nombreuses en Afrique alors qu’il y a des surplus alimentaires mondiaux.

Enfin, parlons de la démocratie. Rassurez-vous, je ne vais pas vous entraîner sur un terrain glissant et dangereux.

Généralement la pensée coloniale considère que l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie. Ce point de vue est malheureusement renforcé par des positions nationalistes justifiant la raison d’être des régimes autoritaires au nom du développement.

Je pense que la démocratie est vouée à l’échec si elle est imposée. La démocratisation étant un processus de combats et de conquêtes de la part des forces vives de la société, elle ne peut être imposée de l’extérieur. La conquête de la démocratie n’est pas fixée à un point d’arrivée, elle est en perpétuel mouvement dynamique selon l’aspiration des citoyens.

Au-delà de ses formes institutionnelles diverses, la démocratie repose sur des principes fondamentaux de liberté, d’élection compétitive, d’équilibre des pouvoirs, d’indépendance de la justice.

En Afrique, un vent en faveur de la démocratie représentative et participative a soufflé depuis 1990 avec l’organisation des conférences nationales et la mise en place des comités électoraux autonomes ou indépendants.

Je voudrais brièvement rappeler le rapport entre la démocratie et le développement économique. La croissance permet de distribuer des biens pour garantir le minimum vital de la population. Elle diminue, en conséquence, les formes de conflits violents engendrés par la pénurie ou les inégalités trop grandes. Le développement économique ne supprime pas les inégalités mais il affaiblit leurs effets. Il y a une triple liaison entre augmentation de la croissance économique, élévation du niveau culturel des citoyens et meilleure organisation d’une élection libre. Voilà un nouveau sujet passionnant qui mérite d’être étudié.

Pour terminer et lancer le débat, souvenez-vous de l’interpellation un peu provocante de René Dumont « l’Afrique noire est mal partie », dans les années soixante, les premières années de l’indépendance ! Aujourd’hui, je suis tenté de lui répondre : l’Afrique continue de traverser des périodes difficiles mais avec ses énergies, ses ressources et bien sûr la solidarité interne et internationale, l’Afrique possède des atouts pour bien repartir de bons pieds.

Je vous remercie.

André RASOLO
Premier Conseiller de l’Ambassade de Madagascar

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